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Phil Collins, la rédemption

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-Depuis des années, le musicien est la tête de Turc préférée de la presse et du rock anglais. Après trois ans de dépression, il repart à l’attaque. Et réplique en paroles et en musique.

Il a tout connu. La reconnaissance du milieu rock progressif avec la première mouture de Genesis, puis le succès commercial planétaire avec le même groupe quand il en devint le chanteur après le départ de Peter Gabriel. La carrière solo qui suivit fut tout aussi énorme. Il était partout, enregistrait avec Clapton, Sting, Led Zeppelin, John Cale, Brian Eno, Paul McCartney, Tina Turner, David Crosby, et signait aussi des BO à succès. Aujourd’hui, à 65 ans, alors qu’il ressort son catalogue solo, le musicien est désemparé, déstabilisé par son corps qui le lâche – problèmes de dos, d’arthrose aux mains, de surdité – et par la hargne de la presse anglaise qui en fait une de ses bêtes noires favorites. Rencontre londonienne.

Paris Match. Pour quelle raison ressortez-vous aujourd’hui vos albums solos ?
Phil Collins. Je ne veux pas mordre la main qui m’a nourri mais on ne pense à moi que pour mes singles. Ce sont mes hits que l’on connaît, mais, sur chaque album il y avait dix ou onze autres titres qui étaient passés inaperçus. J’ai eu une belle carrière et c’est le bon moment pour remettre l’accent sur mes disques. D’autant plus qu’avec les nouvelles technologies ils vont sonner beaucoup mieux qu’avant. Et que j’y inclus de nombreux inédits.

« JE NE SERAIS PAS CAPABLE DE REPARTIR EN TOURNÉE »

Des rumeurs disent que vous allez revenir à la musique et repartir en tournée. Vrai ou faux  ?
Non, j’en suis totalement incapable. Mon retour a été annoncé par un journaliste américain, et c’est très prématuré de dire cela. Je me suis fracturé le pied et je marche actuellement avec une canne. Je ne serai pas capable de repartir en tournée. Je ne joue plus de batterie, j’ai mal aux mains, j’ai mal au dos et j’ai des problèmes de surdité. Mais je suis prêt à revenir à la musique par un autre biais, écrire de nouvelles chansons. Je pars vivre à Miami avec mes enfants et ma dernière épouse, j’y ai fait installer un studio et je compte me racheter une batterie. Juste pour retravailler un peu l’instrument mais je sais que je serai incapable de retrouver mon niveau d’avant. Je vais vivre différemment là-bas. Ces dernières années n’ont pas été agréables. Ce que je veux avant tout, c’est être avec ma famille.

Vous donnez l’impression de revenir de loin…
Je reviens de loin. Quand j’ai compris qu’à cause de mes problèmes de santé ma vie de musicien telle que je la concevais était terminée, j’ai plongé dans la déprime, puis dans la boisson. Je n’étais pas alcoolique pour autant ! [Il rit.] Oui, je sais, tous les alcooliques disent cela… Mes enfants étaient partis à Miami, je ne faisais plus rien, j’étais comme un retraité. Je sentais que j’avais le droit de ne rien faire, de me planter devant la télé à 11 heures et de me servir un verre. J’ai réussi à régler ce problème il y a trois ans.

Cette inaction devait être d’autant plus difficile à vivre que vous étiez vraiment suractif !
J’en faisais beaucoup trop. Je me suis rendu compte que je devais être très irritant autrefois car j’étais partout. Ce n’était pas un truc d’ego ; on faisait souvent appel à moi et je ne savais pas dire non. Quand Eric Clapton vous demande de jouer avec lui, on ne refuse pas. Je ne referais pas tout cela, même si j’y ai pris du plaisir. Puis j’ai commencé à ne pas aimer cette personne dont je lisais les exploits dans les journaux. J’avais l’impression que ce n’était pas moi, je n’étais plus sous contrôle, c’était un personnage que je n’aimais pas.

« JE SUIS UN PERSONNAGE QUE TOUT LE MONDE AIME VANNER, C’EST COMME UN JEU NATIONAL »

La presse anglaise a toujours aimé s’en prendre à vous. Vous savez pourquoi  ?
Non. Je suis une cible pour elle, c’est devenu une tradition. Je suis un personnage que tout le monde aime vanner, c’est comme un jeu national… Même Noel Gallagher s’y met ! Mais je pense qu’on m’aime bien en même temps, cela ne me dérange plus. Cliff Richard a le même problème que moi.

De tout ce que vous avez fait, qu’est-ce qui vous laisse le meilleur souvenir  ?
Je n’ai jamais été aussi heureux que lorsque je jouais de la batterie avec Eric Clapton. Tout ce que j’avais à faire était d’être derrière un des plus grands musiciens du monde. En plus, il me fait beaucoup rire. Nous sommes toujours en contact, on se donne des nouvelles par SMS.

Quel souvenir gardez-vous du Live Aid où vous avez pris le Concorde pour jouer dans la même journée à la fois à Londres avec Sting et à Philadelphie avec Clapton et Led Zeppelin  ?
C’était une journée folle et je peux comprendre que j’ai pu agacer des gens. J’en faisais trop. Mais j’ai été très contrarié qu’on m’ait reproché la mauvaise prestation de Led Zeppelin.

« JIMMY PAGE ET ROBERT PLANT M’ONT PRIS COMME BOUC ÉMISSAIRE »

Que s’est-il passé ?
En fait, ils n’étaient pas en forme, Jimmy [Page] n’avait pas joué depuis longtemps, Robert [Plant] non plus. L’ambiance était moyenne, ils peuvent être assez désagréables quand ils sont ensemble. Page a dit ensuite que j’avais merdé, Plant, qui était pourtant mon ami, a dit que mon vol transatlantique m’avait fatigué. Ce n’était pas le cas. J’ai fait le job, j’ai assuré, ils m’ont pris comme bouc émissaire parce qu’ils n’avaient pas été très bons.

Une rumeur qui revient toujours est celle de la reformation du Genesis original. Où en êtes-vous  ?
Je pense que cela ne se fera pas. Je serais pour si je pouvais jouer comme avant, mais je ne peux pas. Et si Genesis se reformait, nous ne ferions que le répertoire de l’époque Peter, le public serait surpris. Il y a très peu de chances que cela se produise.

Un groupe canadien, The Musical Box, rejoue tous les concerts de Genesis avec Peter Gabriel. Le connaissez-vous  ?
Oui, et j’ai même accepté de les rejoindre sur scène à Genève pour le rappel, et c’était une erreur. Je ne me souvenais plus de mes parties de batterie, j’étais horriblement gêné. Ils jouent probablement mieux que nous à l’époque.

«DANS MON AUTOBIOGRAPHIE, JE DIS TOUT»

Etes-vous en train d’écrire votre autobiographie ?
Oui, j’en suis à la moitié, cela m’amuse beaucoup. Au moins ma mémoire ne m’a pas lâché, je me souviens de tout. J’ai commencé il y a cinq ans, et depuis un an et demi je suis vraiment dessus. Je suis très honnête, je dis tout, je n’ai pas de nègre, mais je travaille avec quelqu’un dans le sens où je raconte et il transcrit. L’écriture est un exercice que je connais, j’ai fait un livre de 400 pages, tout seul, sur la bataille d’Alamo [“The Alamo and Beyond”], un ouvrage rare et cher vendu sur Amazon.

C’est un choix curieux…
Je suis fasciné par Alamo. J’ai acquis plein d’objets venant de cette bataille. [Il a fait donation de toute sa collection au musée.] Devant ma maison de Miami, j’ai un canon qui était à Alamo. Cela vient de ma passion d’enfant pour la série télé “Davy Crockett” produite par Disney. Le dernier épisode où il meurt à Alamo m’a marqué pour la vie. J’ai lu tout ce que je pouvais sur Crockett.

Gamin, portiez-vous le bonnet de trappeur de Crockett  ?
Oui, bien sûr ! Tous les gamins de ma génération portaient la toque de Davy Crockett. Je ne la quittais pas ! J’ai une photo que je mettrai dans mon livre. Rééditions disponibles : «Face Value », « Hello, I Must Be Going ! », « Both Sides » et «Dance into the Light » (Warner Music).
In Paris Match

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