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Bouamer Bouhafs, président de la fondation des Châamba : «un rapprochement est possible, mais …»

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Dans cette interview, le président de la Fondation des Châamba, Bouamer Bouhafs, estime qu’il est plus que jamais temps pour que l’État intervienne avec rigueur pour remettre les pendules à l’heure au niveau de la Vallée du M’zab. Selon lui, aussi, le problème de Ghardaïa ne va pas se régler tant que les groupes qu’il qualifie de «paramilitaires» ne sont pas arrêtés par les pouvoirs publics.

Le Courrier d’Algérie : -Le climat reste tendu au niveau de la wilaya de Ghardaïa puisque les affrontements peuvent redémarrer à tout moment si l’on tient compte des témoignages de certains riverains. Comment expliquez-vous cette situation ?
Bouameur Bouhafs : -Ghardaïa a connu des évènements tragiques, douloureux et regrettables qui sont arrivés à un pic que cette région n’a jamais connu de son histoire. Donc, il est normal qu’il y ait une tension parce que la plaie est béante. La séparation entre les deux communautés est importante, et ce, compte tenu des pertes considérables déplorées suite à ces incidents, qu’elles soient matérielles ou humaines. Mais, si on parle de tension, il faut la limiter dans l’espace. Car, dans un quartier malékite, je dirai que le climat est acceptable. Idem, pour certains quartiers ibadites. C’est-à-dire que les gens circulent normalement. Cela étant, des dépassements et des agressions, que je qualifie d’actes isolés, peuvent être signalés ici et là. Des incidents qui ont tendance à disparaître avec le temps.

Mais, pourquoi les gens, qu’ils soient de confession malékite ou ibadite, n’arrivent pas à circuler en toute liberté sans avoir peur d’être malmenés ou tabassés ?
Comme je viens de le préciser, la plaie est béante. Il faut du temps pour que les choses rentrent dans l’ordre. Ce n’est pas en un laps de temps très court qu’on peut panser des blessures d’une telle gravité. Et pour que cela se fasse, il est indispensable de préparer le terrain. Il faut que la paix et le calme règnent dans la région. C’est une condition sine qua non pour que les deux communautés commencent à réfléchir au rapprochement.

Justement, plusieurs Mozabites (Ibadites) accusent les Arabes d’être la source de la crise au rythme de laquelle vit la région depuis décembre 2013, et ce, en précisant que ces derniers les provoquent à chaque fois. Votre commentaire ?
Moi, je dirai que cela relève d’un langage infantile et, du coup, immature. Et ce n’est pas avec ce langage qu’on peut encourager les gens à réfléchir au rapprochement. Il faut donc changer de langage et laisser le soin de découvrir «qui a fait quoi» aux services concernés et aux autorités compétentes. Car, si l’on reste dans ce stade, le problème ne se réglera jamais ! Il faut penser au bien de notre région et aux futures générations. Nous devons préserver cette stabilité, dont jouit notre pays. Permettez-moi aussi de préciser qu’à chaque fois qu’il y ait un peu de calme, l’autre partie fait tout pour provoquer des grabuges et du tapage. Nous ne sommes pas de ceux qui se réunissent dans les salons pour prendre telle ou telle décision. D’ailleurs, on ne dispose pas de beaucoup de structures chargées du suivi des événements. Notre Fondation n’a pas été aussi créée pour gérer cette situation. Elle est juste en train de contribuer.

Les mêmes interlocuteurs estiment aussi que les Arabes sont des outils utilisés par l’État pour effacer tout ce qui est culture et identité mozabites…
Donc, si l’on suit ce raisonnement, les Malékites sont l’État. Et, à ce propos, je vous rappelle que c’est ce que nous avons toujours soutenu. Car, tout Algérien, qu’il soit Arabe ou Mozabite, représente l’État. Cela d’une part. D’autre part, il faut se demander aussi pourquoi les auteurs de ces accusations se dissocient de ce dernier. C’est là une question très pertinente à laquelle il faut donner une réponse. Autre question : si l’État a vraiment l’intention d’effacer tout ce qui est mozabite, pourquoi celui-ci continue toujours d’accorder des privilèges aux Mozabites, notamment en ce qui concerne l’indépendance de leurs écoles et mosquées ? Pourquoi les Malékites n’ont pas droit à des privilèges aussi ? Les Malékites ne sont plus ceux des années 60. La majorité écrasante se trouve dans les universités et les grandes institutions de l’État. Ces derniers ne se «révoltent» pas aussi, bien qu’ils soient minoritaires dans les Assemblées élues locale ou nationale.

Croyez-vous, en tant que président de la Fondation des Châamba, au rapprochement entre Arabes et Mozabites ?
Oui. Je dirai même que c’est imminent ! Il faut juste laisser le soin de trancher sur cette histoire de privilèges et de concessions que chaque partie doit faire à l’État. Car, on croit aux institutions de ce dernier. Nous sommes en contact permanent avec l’État. Il n’y a jamais d’ailleurs de rupture. Je dirai également que nous avons beaucoup de surprises à dévoiler lorsque nous (Arabes et Mozabites, ndlr) allons nous réunir autour de la même table.

D’aucuns soutiennent que le changement du wali dernièrement n’a pas porté ses fruits. Partagez-vous ce point de vue ?
La raison est toute simple : nous n’avons pas touché aux vrais problèmes. Il faut identifier les groupes qui sont responsables de ces attaques au niveau de nos quartiers. Dans ce sens, je vous rappelle que, dans le document que nous avons remis au Premier ministre, le 2 janvier dernier, nous avons demandé de diligenter une enquête sur les groupes paramilitaires qui agissent à Guerrara, comme à Ghardaïa.

Pour rester toujours dans le même ordre d’idées, quelles sont vos suggestions pour parvenir à un rapprochement entre les deux communautés ?
Le rapprochement entre les deux communautés est conditionné par beaucoup de choses de toutes manières. Il faut, d’abord, comme je viens de le dire, identifier les groupes qui ont semé la terreur au niveau de la wilaya de Ghardaïa. Ensuite, il faut que les Ibadites considèrent l’autre partie comme étant égale. C’est-à-dire, qu’il est temps d’apprendre, à notre génération, la culture de citoyenneté. Il faut que tout le monde se considère citoyen. Point barre ! Nous avons une Constitution, un drapeau et des lois de la République.

De mauvaises langues estiment que la prochaine rentrée sociale se fera sous haute tension car celle-ci, dit-on, sera marquée par le retour des hostilités. Votre commentaire…
Il s’agit en fait d’un vrai feuilleton. Et tant que les groupes paramilitaires qui sévissent dans la région ne sont pas arrêtés, celui-ci va se poursuivre. Donc, je dirai que, effectivement, la situation reste ambiguë. Il faut s’attendre à tout. D’autant plus que les pouvoirs publics n’ont pas touché du doigt le vrai problème. Nous, en tant que Fondation, avons beaucoup de choses à dire lorsque nous allons nous réunir avec les ibadites autour de la même table. On doit se dire les quatre vérités si l’on veut que le problème soit réglé.
Et, moi personnellement, j’ai toujours dit que celui-ci (le problème, ndlr) se réglera à Ghardaïa et pas au Maroc ou à Marseille. Pour ce qui est des morts, nous estimons qu’ils sont les morts de tous les Algériens, et non ceux de telle ou telle partie. Nous ne sommes pas de ceux qui ont une vision extrémiste. Nous demandons aussi une commission qui sera chargée de mener une enquête approfondie pour éclaircir toutes les zones d’ombre qui entourent cette affaire. Enfin, je dirai que les deux communautés vont se rencontrer, qu’on le veuille ou pas, un jour. Il est aussi temps que l’État prenne des décisions hardies. Neuf mois, barakat !
Interview réalisée par Soufiane Dadi

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