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L’écrivain plante le couteau là où ça fait mal : «On a accumulé le problème identitaire»

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Selon l’écrivain Amine Zaoui, personnalité à polémique qui s’est attiré récemment les foudres des critiques des islamistes, il existe bel et bien en Algérie un « trouble de l’identitaire et un malaise historique », déplorant que la remise en second plan de ce problème a accentué son «accumulation» et généré un malaise sociétal.

«En Algérie, il y a un trouble d’identité qui est dû au fait qu’on est pas en réconciliation avec notre Histoire. On a un problème avec notre Histoire. Nous voulons être un autre, je n’en sais pas pourquoi. Nous sommes le seul peuple qui veut être un autre. On est des kabyles, des amazighs, mais on veut être des arabes », a-t-il analysé hier lors du «Forum du Courrier d’Algérie». Pour l’ex-directeur de la Bibliothèque nationale, ce constat est affirmé et confirmé par les réactions suscitées par nombre de pays arabes lors des incidents de football suite à un match entre un club algérien et un autre irakien à la suite duquel les supporters algériens ont entonné des chants glorifiant l’ex-dictateur Saddam Hussein. Des réactions qui mettent en cause les composants arabe et islamiste de l’identité algérienne – pourtant consacrés constitutionnellement – et qui rappellent étrangement les réactions similaires en 209 lors du match de l’équipe nationale algérienne contre l’équipe égyptienne. « Le foot n’est pas innocent. Le foot c’est politique. Pour quelqu’un qui observe la situation et analyse la société à travers la foule, il trouvera que ce n’est pas innocent quand on trouve, par exemple, toute la presse d’un pays (Égypte) qui nous insultait à l’époque parceque nous sommes des berbères. Les Irakiens nous ont ressortis les mêmes reproches et insultes. Sur les réseaux sociaux en Arabie saoudite, ils nous disent chaque jour qu’est-ce qui vous ramène aux arabes, vous n’êtes pas arabes », explique Zaoui. « Nous avons un problème d’identité et ce n’est pas la langue arabe qui est le problème. Les Mexicains sont fiers d’êtres mexicains alors qu’ils parlent espagnol. Les Américains sont fiers d’être américains alors qu’ils parlent anglais. On nous a dit longtemps qu’on est des arabes, mais non. Nous ne sommes pas des arabes. Pas du tout. Il y a des arabes en Algérie, certes, comme il y en a des africains et autres», soutient Zaoui. Si plusieurs raisons peuvent expliquer cette étonnante situation typiquement algérienne, Amine Zaoui explique depuis l’avènement de l’islam, les Algériens sont beaucoup plus obsédés par leur arabité au détriment d’autres segments de leur identité. «L’arrivée de l’Islam depuis plus de 14 siècles et à partir du prêche de Tariq Ben Ziad – un prêche mensonger d’ailleurs -, les Algériens ont fermé leurs portes et descendu les rideaux donnant sur le Sud, l’Occident et le Nord. Ils n’ont laissé que celle de l’Orient ouverte. On regarde uniquement de ce côté-là. Nous ne sommes plus des méditerranéens, plus des africains, plus de l’Ouest. C’est incroyable», décortique Zaoui. Pour lui, cela a empêché les algériens d’une grande partie de leur histoire : «Qui de nous connait aujourd’hui Juba II le roi savant, qui a fait plus de 75 livres et ouvrages en médecine, géographie, les plantes et différentes disciplines. On vient à peine de connaître Apulée de Madore et Saint Augustin ». « Je crois aujourd’hui que c’est le rôle des intellectuels et non pas des politiques de faire bousculer ces obstacles et faire tomber les mûrs », plaide Zaoui. L’écrivain ajoute « parler maintenant de l’identité ce n’est pas du racisme. Je ne suis pas contre les arabes, au contraire j’écris en arabe et je suis toujours à l’aise. Mais, je ne suis pas arabe, c’est une autre chose. C’est normal, comme un arabe pourrait dire je suis un arabe et non pas un berbère », ajoutant que la classe politique, depuis 1962 et la crise de 1948 « on a accumulé ce problème de l’identité. Et les intellectuels, depuis l’indépendance, ont toujours relégué cette question au second plan ».
Hamid Mecheri

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