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IL VOULAIT COûTE QUE COÛTE SE MAINTENIR AU POUVOIR : Le mandat de trop de Bouteflika

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L’acte du 53 ème vendredi marquera la première année de contestation du Mouvement populaire pacifique, démarré le 22 février 2019, partout en Algérie.

Un mouvement inédit d’autant que malgré la grande adhésion populaire et les tentatives de récupération par les partis politiques, la « Silmya » ou le caractère pacifique a été soigneusement préservé par les manifestants. Alors que le pays a sombré dans un statu quo politique très pénible pour le pays, vu qu’il dure depuis près de 20 ans, incarnés par le règne sans partage d’Abdelaziz Bouteflika, comment tout a basculé un jour du 22 février ?
Affaibli par la maladie et entouré de l’incertitude suite à des séjours à répétitions dans des hôpitaux étrangers, les Algériens découvrent, un certain 10 février 2019, avec un sentiment de révolte et d’humiliation que leur président, Abdelaziz Bouteflika, compte briguer un nouveau mandat à la tête du pays. Un mandat de trop, le cinquième de suite, car l’annonce n’est pas faite par l’intéressé lui-même – dont les sorties médiatiques sont très rares voire inexistantes – mais par les partis de l’Alliance présidentielle : FLN-RND-TAJ-MPA, auquel quatuor s’ajoute une quinzaine d’autres, parmi l’entourage du Président déchu.
La révolte s’est vite propagée, alimentée par les réseaux sociaux, où des appels à manifester fusent de toutes parts. Présageant une colère populaire, les autres candidats rivaux de Bouteflika, dont notamment Ali Benflis et Abderrazak Makri, ont fini par retirer leurs candidatures, estimant que les conditions ne sont pas encore réunies pour une élection. Le 22 février, le mythe Bouteflika est tombé. Ce jour, des citoyens ont arraché et piétiné un portrait géant à son effigie, accroché au siège du RND à Alger, situé à la Grande Poste, suite à des manifestations grandioses à Alger. Mais l’équipe de Bouteflika ne songe pas partir de sitôt. Le 03 mars, la candidature du Bouteflika est déposée par son directeur de campagne, avec des promesses surréalistes de surcroît : s’il serait réélu, une conférence nationale sera convoquée afin d’adopter des réformes ainsi qu’une nouvelle Constitution, puis que sera organisée une présidentielle anticipée à laquelle ne prendra pas part Bouteflika.

La dernière mise en demeure de l’État-major de l’ANP
Face au nombre grandissant de manifestants durant chaque vendredi, le chef d’état-major et vice-ministre de la Défense nationale, le défunt Ahmed Gaïd Salah, a prononcé le 10 mars 2019 un discours dont la partie est clairement prise en faveur du Mouvement populaire. L’entourage de Bouteflika a saisi le message et a fini par renoncer à l’invraisemblable 5e mandat. Lequel a promis la tenue d’une conférence nationale, et la promulgation d’une nouvelle Constitution, prolongeant ainsi de facto son quatrième mandat, dont la fin est prévue le 27 avril 2019. Dès le lendemain de l’annonce de Bouteflika, de nouvelles manifestations ont eu lieu à Alger pour s’opposer à son maintien au pouvoir et dénoncé « un mandat 4+ ».
Le 26 mars, le général-major, Ahmed Gaïd Salah, appelle à déclarer l’état d’empêchement de Bouteflika à travers l’activation de l’article 102 de la Constitution, comme réclamé par la rue. Quelques jours après, le feuilleton Bouteflika est clos. Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation, devient de fait chef de l’État par intérim. Dans une allocution télévisée tenue le même jour, il convoque des élections présidentielles pour le 4 juillet. Le 16 avril 2019, alors que la mobilisation se poursuit, le président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, qui avait validé la candidature du Bouteflika, démissionne.

Le départ des « B »
Dans les jours qui suivent, Bensalah procédera à de nombreux limogeages de hauts responsables de l’État. Le rendez-vous présidentiel du 4 juillet est vite contesté par le Mouvement populaire et de nouveau, les appels à son report ressortent le 20 mai, le chef de l’Armée rejette la demande des manifestants de remplacer les têtes (Bensalah surtout) qui restaient dans l’ancien régime, et appelle à maintenir la présidentielle. Le lendemain, même plusieurs fois, le chef de l’État-major tranche avec les spéculations, et affirme que l’ANP n’est pas animée par des ambitions politiques, hormis celles de préserver le peuple et l’Algérie et accompagner son mouvement de protestations.
Alors que l’intérim de Bensalah – très contesté par la rue – devait prendre fin le 9 juillet, l’élection du 4 juillet est de nouveau reportée par le Conseil constitutionnel, qui prolongera de facto la période d’intérim de Bensalah. Un appel au dialogue est lancé par ce dernier, affirmant qu’un tel dialogue déboucherait sur la mise en place d’une instance d’organisation du scrutin, à voter une loi pour l’adopter, à modifier la loi électorale et à fixer la date du scrutin.
Le 25 juillet, Karim Younès, Fatiha Benabbou, Smaïl Lalmas, Bouzid Lazhari et d’autres sont choisis par le régime pour siéger au Panel pour le dialogue et la médiation. Une offre de dialogue rejetée massivement par le Mouvement populaire en insistant sur le départ des deux autres « B » ; Bensalah et Bedoui – Premier-ministre de l’époque -, des défections commencent à se produire au sein de panel. Le 24 août, des partis politiques et syndicats, fusionnés au sein des Dynamiques de la société civile, tiennent une rencontre et dévoilent une plateforme de sortie de crise. Le 31 août, Karim Younès propose le vote par le Parlement de deux lois portant amendement du code électoral et la création d’une Autorité nationale indépendante d’organisation des élections. Une charte a été proposée en parallèle pour les éventuels candidats présidentiels avec l’obligation d’avoir un niveau universitaire. Le 8 septembre, Bensalah convoque le scrutin présidentiel pour la 3e fois pour le 12 décembre. Un appel à une grève générale est lancé sur les réseaux sociaux pour la semaine précédant le jour de vote, et qui trouvera échos auprès des wilayas de la Kabylie (Tizi Ouzou, Boumerdès, Béjaïa et Bouira).

L’élection d’Abdelmadjid Tebboune
Contestée par la rue mais ayant finalement eu lieu à la date fixée, l’élection présidentielle du 12 décembre donnera victoire à Abdelmadjid Tebboune – qui s’est présenté en candidat indépendant-, qui, le lendemain, annoncera qu’il sera le Président de tous les Algériens, tendant ainsi sa main au Hirak. La victoire de Tebboune est perçue d’ailleurs comme une mise à l’écart des partis de l’allégeance dont le FLN et le RND, réputés véritables machines à « gagner » les élections, dont les rumeurs circulent avec force sur leur éventuelle dissolution.
Mais l’arrivée de Tebboune ne dissuadera en rien le Mouvement populaire qui bouclera ainsi une année d’existence. Le 28 décembre, Abdelmadjid Tebboune nomme Abdelaziz Djerad, Premier ministre et le charge de former un nouveau gouvernement, qui sera étoffé, par ailleurs, par de jeunes ministres qui étaient des figures du Hirak. Le 8 janvier, Tebboune met en place une commission d’experts de 17 membres — dont une majorité de professeurs de droit constitutionnel — chargés d’émettre des propositions pour une nouvelle Constitution. Il trace sept axes principaux autour desquels la commission doit mener sa réflexion, notamment la conservation du bicamérisme parlementaire, ou sur le titre du chef du gouvernement. Il propose notamment de ne permettre au Président d’effectuer qu’un maximum de deux mandats et de rendre cette disposition « immuable et intangible ». À l’issue de ces deux mois, la proposition de la commission doit faire l’objet d’un dialogue puis être votée devant le Parlement, avant d’être soumise à un référendum populaire.
Hamid Mecheri

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