Le premier secrétaire avait tout gagné. Le président est en passe de tout perdre. Après des municipales dévastatrices, qui avaient laissé la gauche délestée de quelque 150 villes de plus de 9 000 habitants en mars 2014, le second tour des élections départementales, avec 28 départements perdus, dimanche 29 mars, a aggravé la saignée, annonçant un scrutin régional du même acabit.
En décembre, François Hollande pourrait bien avoir liquidé la majeure partie des positions de pouvoir tenues par la gauche dans les collectivités territoriales. C’est sur la conquête de celles-ci qu’il avait édifié onze ans durant, à la tête du PS, la rampe de lancement de ses ambitions présidentielles.
«Depuis François Mitterrand, les élections intermédiaires ne sont jamais favorables au pouvoir en place, et François Hollande n’est pas un cas particulier. Nicolas Sarkozy avait perdu les municipales, les cantonales par deux fois et les régionales», se défend-on à l’Elysée. La grande différence avec ses prédécesseurs, toutefois, tient précisément au fait que M. Hollande en personne, aux commandes de la Rue de Solferino, les avait alors toutes remportées, ou presque. Et qu’aucun candidat n’avait à ce point construit dans l’opposition avant de détruire, au pouvoir, ce qu’il avait façonné. «C’est un classique, avait confié M. Hollande à un proche après le premier tour. Chirac président avait tout perdu, parce que j’avais tout gagné.» C’est donc désormais son tour. Mais l’affaire dépasse, en ce qui le concerne, la loi d’airain des alternances locales et des élections intermédiaires. Sous son règne, la gauche avait remporté 20 régions sur 22 en 2004.
Elle avait conservé ses bastions et même enregistré une progression notable aux municipales de 2008. Et elle avait consolidé son avance, avec 58 départements contre 42 à la droite, aux cantonales de 2008 (Mayotte n’était pas encore un département). Un grand chelem électoral qui avait permis au premier secrétaire du PS de faire fructifier son capital politique dans un parti d’élus et de collaborateurs, aux yeux desquels seule la victoire est belle. A la tête du parti, François Hollande avait arpenté les Fêtes de la rose, tissé ses réseaux dans les fédérations, soigné les barons, dont il se disait que la préservation de leurs mandats locaux leur importait davantage que la conquête d’un pouvoir national qui, immanquablement, leur coûterait les leurs. Il y avait gagné le soutien de l’appareil, au point de l’emporter au soir des primaires, en octobre 2011.
«Une longue marche»
Lui président, nombre des principaux fiefs départementaux du PS sont balayés : le Nord de Martine Aubry, la Seine-Maritime de Laurent Fabius, l’Essonne de Manuel Valls, les Bouches-du-Rhône, autant de fédérations historiques. Jusqu’au symbole des symboles, la chute de la Corrèze, dont la conquête en 2008 et la conservation en 2011 avaient contribué à la construction de la légitimité du candidat Hollande. Si le président, par nature, n’est pas homme à méditer trop avant sur les phénomènes de grandeur et de décadence, mais plutôt à expliquer cette dernière par les vicissitudes mécaniques de l’exercice du pouvoir national, il n’a pas manqué de constater, en expert de la carte électorale, la disparition de la gauche, en particulier dans le Var, les Alpes-Maritimes, la Haute-Savoie et l’Alsace. «Le PS a été construit sur une base nationale. Il doit absolument se réinstaller dans ces départements-là. C’est une longue marche», a-t-il confié à un visiteur. Sans doute pensait-il à celle qu’il avait conduite à la tête du PS, à une époque où celui-ci gagnait.