Amara Benyounès, actuellement ministre du Commerce et secrétaire général du parti politique MPA, multiplie les sorties médiatiques et s’exprime sur des aspects de politique interne, mais aussi sur des évènements sociaux et ne ménage pas son discours acéré à l’endroit de l’opposition, et des critiques portées à son endroit. Plusieurs fois ministre, depuis 1999 à ce jour, l’ex-membre fondateur du parti laïque RCD, puis farouche partisan du président Abdelaziz Bouteflika, Amara Benyounes, ne peut rien de moins que se féliciter de la politique et des choix décidés par l’actuel gouvernement Sellal. En effet, comment aurait-il pu en être autrement, puisque actuellement il est à la tête d’un parti politique, le MPA en l’occurrence, que pour le moins que l’on puisse dire il active à la périphérie du pouvoir en place. En tout cas, le locataire du ministère du Commerce est largement médiatisé. C’est ainsi qu’il vient d’accorder un entretien à un confrère dans lequel il miniminise la contestation sociale, notamment celle anti-gaz de schiste. Il en profite pour tirer à boulets rouges sur l’opposition et régler des comptes. «Je dis et je pèse mes mots : tout responsable politique algérien qui s’oppose au gaz de schiste est quelqu’un de totalement irresponsable ! Car il y va de la sécurité énergétique du pays et, donc, de la souveraineté nationale», assène Amara Benyounès, balayant d’un trait les revendications des populations de In-Saleh et pointant du doigt, manipulation étrangère et exploitation politicienne de cette colère. Interrogé à propos de l’initiative de la Conférence du consensus national, prônée par le FFS, le secrétaire général du MPA (Mouvement pour l’Algérie), y pose deux conditions, à savoir qu’il n’était pas question de remettre en cause la légitimité du président Bouteflika, et que les responsables du FIS dissous ne soit pas associés. Quant à la démarche du MSP, Amara Benyounes est catégorique. «Les positions du MSP sont connues, très développées et extrêmement médiatisées. Des positions que nous ne partageons absolument pas», dit-il à ce sujet.
Consommer algérien, un leitmotiv
Sur un autre registre, mais toujours sur le plan de la politique de gestion, le ministre du Commerce a l’intention de lancer, durant les prochaines semaines, une campagne «Consommer algérien». En tout cas c’est ce qui a été annoncé officiellement par Amara Benyounès au cours de l’une de ses sorties médiatiques. Une campagne «Consommer algérien» pour la promotion des produits fabriqués localement sera lancée dans «deux semaines, au plus tard un mois», a déclaré le ministre, au début du mois de février, lors d’une journée d’études sur l’économie et le marché informel. À travers cette campagne promotionnelle, qui s’étendra sur l’ensemble de l’année 2015, le ministère du Commerce entend inciter les ménages algériens à faire confiance aux produits fabriqués dans leur pays. «La production algérienne fait peur, elle a mauvaise réputation d’autant plus que la publicité pour les produits importés a tendance à discréditer les concurrents algériens. Il faut rassurer le consommateur algérien», a expliqué Amara Benyounès. Et d’ajouter : «Le vrai patriotisme s’exprime dans l’économie. Il faut que le consommateur algérien prenne conscience qu’à chaque fois qu’il consomme un produit étranger, il crée un emploi à l’étranger plutôt que dans son pays». Toutefois, les plus sceptiques n’y voient que de la poudre aux yeux. Les plus pragmatiques y rétorqueront qu’il n’est pas question d’obliger les Algériens à consommer local, au risque d’acheter des produits et articles de mauvaise qualité, alors qu’il leur est loisible d’acquérir des produits, certes de marques étrangères, mais de bonne facture. Hier dimanche, et en tant qu’invité de la Rédaction de la Radio algérienne, le ministre du Commerce a abordé plusieurs sujets et a farouchement défendu les options qu’il a eues à prendre à la tête de ce département. N’est-il pas celui qui a formellement défendu la mainmise de l’État sur les Chambres de commerce et d’industrie. «Les CCI sont des institutions mixtes, et l’État n’y abandonne pas ses prérogatives», a-t-il en effet clairement fait savoir, lorsque le nouveau directeur de la Caci, Mohamed-Laïd Benamor, a plaidé pour plus d’autonomie dans le cadre du processus de réforme des statuts des CCI.
Conférence nationale sur le commerce extérieur
Première annonce qui a été faite par le ministre, hier, celle relative à l’organisation, les 30 et 31 mars, prochains, d’une Conférence nationale sur le commerce extérieur et un Forum Algérie-Afrique, vers fin 2015. Sur un autre registre, et face à la crise actuelle que subit le marché algérien, notamment caractérisée par la forte hausse des prix des fruits et légumes, le ministre ne fait que rappeler, on ne sait guère trop pourquoi, que, a-t-il dit, «on ne peut pas apporter des réponses administratives à des questions économiques». «Les réponses aux questions économiques doivent être économiques», a-t-il insisté. De là, découlent les chiffres qu’il a exposés, à savoir que l’Algérie importe pour près de 60 milliards de dollars, dont un tiers est consacré aux biens d’équipement, un autre aux matières premières et un troisième aux biens de consommation. Pour les deux premiers tiers, il a signifié qu’il était extrêmement difficile d’agir en raison du fait qu’il s’agit d’outils destinés à la production de l’industrie nationale, a martelé le ministre, citant en particulier le secteur de l’industrie agro-alimentaire. Pour ce qui a trait au troisième volet, auquel une enveloppe de 9 milliards de dollars est consacrée, le ministre a indiqué qu’il s’agit là de l’importation de produits alimentaires essentiels et de citer le blé, le lait, le sucre, les huiles, etc. La réponse réside dans l’augmentation, la redynamisation et la diversification de l’économie nationale, a-t-il opposé en guise de solution à adopter afin de réduire la facture des importations.
Introduction des licences d’importation
«Sur instructions du président de la République et du Premier ministre, nous allons rationaliser les importations», a-t-il dit aussi. Un groupe de travail a été installé en ce sens avec pour principale mission celle de se pencher sur les mesures à prendre et, entre autres, de cerner les produits susceptibles d’être touchés par les mesures de rationalisation et l’introduction, prochaine, de licences d’importation et d’exportation. Quant à la possibilité pour l’État de mener une politique protectionniste, un peu à l’image de ce qui se pratique à l’échelle internationale, Amara Benyounès affirme que le marché est libre. «Il n’y a aucune loi qui interdit l’importation de tel ou tel produit», prend-il soin de rappeler, tout en exprimant, toutefois, son souhait de voir la machine économique nationale réorientée vers l’exportation. Tout en annonçant que grâce à l’introduction des licences d’importation-exportation, et en boostant les entreprises algériennes afin qu’elles investissent dans l’exportation, le ministre explique que les autorités vont étudier les produits déjà concernés par la production nationale. Toujours sur sa lancée, Amara Benyounès explique qu’à l’échelle mondiale ce ne sont pas les mesures administratives qui sont appliquées dans la régulation des marchés internes, mais que ce rôle est dévolu à l’application de normes. Une application qui est en cours d’études conjointement avec les services du ministère de l’Industrie et des Mines, a-t-il dévoilé. L’application de ces normes augure que les produits contrefaits ou de mauvaise qualité seront, ainsi, empêchés d’être écoulés sur le marché algérien. La mesure portant licences d’importation a été adoptée en Conseil des ministres. Elle doit transiter par les deux Chambres Parlement, lors de la session de printemps, a-t-il déclaré, sans trop vouloir fixer un délai pour sa mise en branle effective.
Mohamed Djamel