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Syrie : la bataille d’Alep, tournant de la guerre civile

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Depuis plusieurs jours, l’armée syrienne de Bachar Al-Assad a regagné de larges portions de territoire dans et autour de la ville d’Alep, au nord-ouest de la Syrie. L’ancienne capitale économique et industrielle du pays est, depuis 2012, un des bastions de la rébellion. Si l’ouest de la ville est resté entre les mains des forces loyalistes, sa partie est et les alentours sont très tôt tombés aux mains des rebelles et restés sous leur contrôle depuis.

Des rebelles dans une situation critique
La progression de l’armée de Damas représente un tournant dans la guerre syrienne, et place les rebelles dans la pire des situations depuis le début du conflit, en 2011. D’autant qu’outre Alep, les rebelles battent en retraite dans d’autres villes du pays sous la pression de l’aviation russe, qui pilonnent leurs positions.
Les frappes aériennes de Moscou, lancées en septembre, ont largement pris pour cible l’opposition au régime de Damas, notamment les djihadistes, mais aussi les composantes plus modérées, comme c’est le cas à Alep. L’étau autour d’Alep se resserre.
La stratégie russo-syrienne est simple : encercler la ville et couper l’approvisionnement en vivres et en armes en provenance de la Turquie voisine. L’armée russe a ainsi mené un millier de raids aériens depuis lundi, dont une bonne partie autour d’Alep.
Cela a rapidement permis à l’armée syrienne de prendre le contrôle de deux localités voisines et de resserrer l’étau autour de la ville en coupant la principale voie de passage vers la Turquie.
Si l’armée avance davantage vers Alep, « le siège sera total », selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) : « A moins qu’ils ne reçoivent une aide urgente des pays du Golfe et de la Turquie, cela pourrait marquer le début de la fin pour eux. »
Vers une crise humanitaire
La violence des frappes aériennes et la fulgurance de la reconquête de l’armée syrienne ont poussé plusieurs dizaines de milliers de Syriens – les autorités d’Ankara ont avancé le chiffre de 70 000 – sur les routes en direction de la frontière turque.
Les populations civiles ont en effet été directement vidées par les frappes russes : selon l’OSDH, 21 personnes en sont mortes à Alep, pendant la seule journée de jeudi.
Outre cette violence, les civils veulent aussi éviter de se trouver dans la ville si cette dernière était définitivement encerclée par les forces loyalistes. Plus de 20 000 d’entre eux étaient encore bloqués, samedi, du côté syrien de la frontière dans des conditions sanitaires très précaires. La pluie de bombes russes n’a pas seulement compliqué l’acheminement d’armes, elle perturbe également gravement l’approvisionnement en vivres de milliers de réfugiés dans la région. Ce nouvel afflux de Syriens fuyant les combats vers un pays qui en a déjà accueilli 2,5 millions depuis le début de la sanglante guerre civile fait planer le spectre d’un drame humanitaire majeur.
Le président Recep Tayyip Erdogan a assuré samedi qu’il était prêt à ouvrir ses frontières aux civils : « S’[ils] sont à nos portes et n’ont pas d’autre choix, si nécessaire, nous devons laisser entrer nos frères et nous le ferons. »
La Turquie n’a jusque-là pas autorisé l’entrée des Syriens poussés à l’exode, contraints de vivre dans des camps installés à la hâte autour de la localité de Bab Al-Salamah. Ils y vivent dans le froid et des conditions précaires. A Bab Al-Salamah, dans le nord de la Syrie, le 6 février 2016, des réfugiés syriens se bousculent pour des tentes après avoir fui la ville d’Alep.

Une offensive qui fait capoter les négociations de Genève
La bataille d’Alep complique encore davantage les efforts diplomatiques destinés à trouver une solution à la guerre civile syrienne. L’offensive de l’armée d’Al-Assad a été déclenchée le jour du lancement, à Genève, d’une ébauche de négociations entre représentants de Bachar Al-Assad et de la rébellion sous l’égide de l’ONU. Mercredi, en raison de cette offensive, ces discussions ont été suspendues. Les grandes puissances occidentales ont accusé Moscou d’aggraver le conflit avec ses bombardements. Les frappes aériennes russes « visent principalement les groupes d’opposition en Syrie [et] minent les efforts pour trouver une solution politique » au conflit syrien, a accusé vendredi le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Le ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius, a affirmé que « l’offensive brutale » lancée par le régime à Alep « avec le soutien de la Russie torpille les négociations ». Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a rappelé lors d’une discussion « musclée » avec son homologue russe Sergueï Lavrov, qu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelait à un cessez-le-feu immédiat pour permettre l’acheminement de l’aide aux villes assiégées. Le pape François a lancé dimanche un « appel à la communauté internationale pour qu’elle n’épargne aucun effort afin de réunir d’urgence les parties à la table des négociations ». La Russie, qui affirme combattre des « extrémistes » à Alep, a fait la sourde oreille à ce mécontentement croissant et a affirmé que les frappes ne cesseraient pas. Moscou dit, pour sa part, craindre que la Turquie ne prépare une incursion militaire en Syrie. Le recul des rebelles syriens est aussi une défaite pour la Turquie, qui compte depuis le début du conflit sur le départ de Bachar Al-Assad. « Les Russes bombardent sans répit, le régime bombarde sans répit. Mais le monde se tait », déplorait jeudi soir le président turc, Recep Tayyip Erdogan.

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