Le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Zarif a poursuivi mardi à Bruxelles, troisième étape d’une tournée dans les pays signataires de l’accord sur le nucléaire iranien, son offensive pour tenter de sauver le texte après le retrait et le rétablissement de sanctions économiques par les Etats-Unis.
M. Zarif a eu dans la matinée un premier entretien avec la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini. Il doit rencontrer dans la soirée ses homologues français, allemand et britannique, représentants des trois pays européens impliqués dans cet accord. «La question est de savoir comment faire survivre l’accord après la décision américaine et comment protéger les intérêts économiques et iraniens», a expliqué une source diplomatique européenne. Les dirigeants de l’UE sont censés adopter une position commune lors d’un sommet jeudi à Sofia. «Si l’Iran respecte ses engagements, l’UE respectera les siens. Ce sera le message» délivré à Sofia, a indiqué mardi matin un haut responsable européen. «Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker présentera différentes options pour protéger les intérêts économiques européens dans le commerce avec l’Iran», a-t-il précisé. Le chef de l’Etat français Emmanuel Macron et le président russe Vladimir Poutine se sont entretenus mardi par téléphone et ont confirmé l’engagement de leurs deux pays à mettre en oeuvre cet accord. – M. Zarif était à Moscou lundi après une visite à Pékin, la Russie et la Chine étant également signataires de l’accord de Vienne de 2015. Les Européens veulent éviter à tout prix que l’Iran abandonne l’accord et relance son programme pour se doter de l’arme nucléaire. «L’accord avec l’Iran fonctionne, nous devons faire le maximum pour le préserver», a plaidé Maja Kocijancic, porte-parole de Mme Mogherini. Ce texte «peut servir de base», a-t-elle ajouté, mais «il ne faut pas y mettre (…) des points qui n’y sont pas», a-t-elle souligné, en réponse à la demande américaine de renégocier un nouvel accord. L’accord a été conclu en juillet 2015 après des années d’âpres négociations entre l’Iran et le groupe 5+1 (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie). Aux termes de l’accord, Téhéran a accepté de geler son programme nucléaire jusqu’en 2025. Les Européens attendent, en contrepartie, des concessions de l’Iran pour dissiper les inquiètudes suscitées par son programme de missiles balistiques et les risques de déstabilisation des équilibres régionaux. «On va tester les intentions iraniennes, leur dire qu’il est indispensable de faire des gestes dans les autres domaines», a expliqué une source européenne. «Ce dialogue doit être séparé de l’accord sur le nucléaire», soutient Mme Mogherini. Ses services se disent très sceptiques sur les chances de voir aboutir une renégociation incluant les missiles. «L’Iran n’a pas l’intention d’abandonner son programme balistique. Les Iraniens le considèrent comme un pilier de la sécurité nationale et un puissant instrument de dissuasion», assure Nathalie Tocci, directrice de l’Istituto Affari Internazionali (IAI) et conseillère de Federica Mogherini dans un entretien à la revue italienne Formiche. Les dirigeants européens misent sur la disposition montrée par le président iranien Hassan Rouhani à discuter de ces problèmes. «On va tout faire pour le conforter», a assuré un diplomate européen. Le président iranien est fragilisé par le mécontentement provoqué par les difficultés économiques, s’inquiète un responsable européen impliqué dans les négociations avec Téhéran. L’étape à Bruxelles est la troisième de la tournée diplomatique entamée par M. Zarif pour sauver l’accord. «L’objectif final de tous ces pourparlers, c’est d’obtenir des assurances que les intérêts du peuple iranien, garantis par (l’accord) seront défendus», a-t-il déclaré lundi à Moscou.
Rare rapprochement
La Russie «est prête à continuer à respecter l’accord nucléaire iranien malgré le retrait des Etats-Unis», a déclaré le président Vladimir Poutine, cité par l’un des conseillers en marge d’une rencontre à Sotchi avec le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) Yukiya Amano. La sortie des Etats-Unis pourrait entraîner un rapprochement entre Moscou et les Européens, une évolution rare vu les tensions de ces dernières années, alimentées par les dossiers syrien et ukrainien et récemment renforcées par l’empoisonnement de l’ex-espion Sergueï Skripal en Angleterre. De son côté, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo s’est également entretenu ces derniers jours avec ses homologues des pays européens signataires de l’accord pour leur demander de poursuivre leur «forte coopération» avec Washington, a rapporté lundi le département d’Etat américain dans un communiqué. Il a estimé que les Etats-Unis et leurs alliés européens avaient des intérêts identiques: «Faire en sorte que l’Iran ne se dote jamais de l’arme nucléaire» et «contrer les activités déstabilisatrices du régime iranien dans la région», selon ce communiqué.