Ving-sept ans après, Spike Lee a fait son retour lundi, sur la Croisette avec «BlacKKKlansman», un film policier aux allures de pamphlet où le réalisateur américain voit Donald Trump, le président américain, comme celui qui concrétise l’arrivée au pouvoir de David Duke, le fondateur du Klan. Basé sur l’histoire réelle d’un policier afro-américain qui a infiltré le Ku Klux Klan, le film de Spike Lee, absent du festival de Cannes depuis «Jungle Fever» en 1991, alterne pendant deux heures entre le polar classique et le film politique, terminant sur la dénonciation des événements de Charlottesville, cette ville de Virginie secouée par des violences de groupuscules d’extrême droite le 12 août 2017. Un discours accueilli par une longue ovation du public du Grand Théâtre Lumière à la fin de la projection, devant un Spike Lee coiffé d’un béret noir et vêtu d’une veste imprimée de feuilles dorées, brandissant deux poings américains LOVE et HATE. Côté film policier, nous suivons l’enquête de Ron Stallworth, jeune policier noir de Colorado Springs, interprété par John David Washington, le fils de Denzel Washington, le «Malcolm X» de Spike Lee en 1992. Son idée : infiltrer le KKK. Mais quand il s’agit de rencontrer physiquement le chapitre local du Klan, il lui faut une couverture : ce sera donc son collègue Flip Zimmermann (Adam Driver), blanc et juif. Un duo qui s’en donne à cœur joie, le film débordant même sur le registre de la comédie pure. Côté film politique, le réalisateur de «Do The Right Thing» ou «Nola Darling n’en fait qu’à sa tête» dresse clairement un parallèle entre le fondateur du Klan et le nouveau président américain. David Duke veut «rendre sa grandeur à l’Amérique». Difficile de ne pas penser au slogan de campagne de Donald Trump, «Make America Great Again». Signant son discours, Spike Lee fait un bond d’une cinquantaine d’années pour finir son film en 2017, avec les images des événements de Charlottesville et notamment ces quelques secondes où la voiture d’un militant néo-nazi percute volontairement des militants antiracistes. Une femme de 32 ans, Heather Heyer, y a perdu la vie. En montrant son visage à l’écran, Spike Lee lui dédie son film. En contrepoint de ces images, quelques secondes d’un nouveau discours de David Duke, qui célèbre cette «première étape avant de récupérer l’Amérique». Et celui de Donald Trump, où il refuse de condamner les débordements des manifestants d’extrême-droite, dont beaucoup ne seraient que «de braves gens». Dernière image, un drapeau américain aux étoiles à l’envers. Spike Lee ne cache pas son jeu.