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Tiwizi en Kabylie : Les chants des cueilleuses d’olives, un patrimoine à sauvegarder

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«Assa Tiwizi anleqdh azemour», un chant qui jadis raisonnait à travers les oliveraies de la Kabylie annonçant un volontariat et l’entraide communautaire pour la récolte des olives, ne subsiste aujourd’hui que dans quelques villages, perpétué par des femmes et des associations soucieuses de la préservation de ce patrimoine culturel.

À Tizi-Ouzou, même si «Tiwizi» ou la «Touiza» existe encore à travers plusieurs villages de la wilaya, les chants traditionnels, appelés «Ichewwiqen» ou «Izlan» interprétés principalement par les femmes lors de ces volontariats, n’accompagnent plus les longues et épuisantes journées de cueillette, et les oliveraies sont devenues tristement silencieuses. Faisant vraisemblablement l’exception, la région de Bouzguène continue de perpétuer ce legs ancestral.

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Des femmes se chargent de ramasser les fruits tombés au sol avant de poser les filets sous les arbres à récolter. On installe les filets et les hommes grimpent aux arbres pour cueillir, à la main, les olives, une opération appelée «Achraw». Des femmes participent aussi à cette opération et certaines grimpent aux arbres, mais souvent, lorsque les hommes sont présents, elles se chargent des branches proches du sol.

e travail commence dans le silence, puis un «Achewwiq» est entonnée par une femme à voix basse, repris spontanément et en chœur par ses accompagnatrices. Et le chant se poursuit par des refrains repris à intervalle régulier. «Ichewwiqen nous donnent de la volonté, du courage et de la force pour accomplir le travail sans ressentir la fatigue», a observé Djoher. «Aujourd’hui, les gens sont pressés, ils arrivent aux champs, placent les filets et entament rapidement la cueillette dans la précipitation, et les chants sont devenus rares et sont interprétés à voix basse», a-t-elle regretté.

Le soleil, une fois au zénith, réchauffe le verger et emporte avec lui le froid glacial du matin. Les Iwiziwen (volontaires) se détendent et les voix des femmes, qui chantent en chœur lorsque l’Izli (poème) est connu par les autres femmes, montent crescendo, couvrant l’ambiance joyeuse, faite de rires et de boutades que les volontaires s’échangent. «Par le passé, toutes les femmes chantaient, mais à présent elles sont rares celles qui chantent pendant la cueillette», ont déploré les participantes à cette Touiza. «Nous chantons juste entre nous sans élever la voix pour être entendues par les cueilleuses qui sont dans les autres vergers comme cela se faisait jadis», ont-elles observé. Durant la «décennie noire», lorsque les oliveraies étaient quasiment désertées pour cause d’insécurité, les voix de femmes se sont tues à travers les oliveraies de la wilaya.

Pendant cette période, s’est produite une véritable cassure. Non seulement les chants n’étaient plus interprétés mais aussi la relève n’était pas formée et les jeunes filles n’ont pas pu apprendre ces chants traditionnels alors que des «ichwwiqen» sont tombés dans l’oubli, ont expliqué les femmes de Sahel. Même si l’interprétation des «Izlan» est libre et n’obéit pas à un enchaînement particulier, puisque les femmes se laissent guider par leur humeur dans le choix des poèmes, dont les thématiques sont très variées (chants satiriques, d’amour, de louange, de cueillette des olives), un court poème était tout de même de mise au début de la cueillette.

Le premier achewwiq est une sorte de cri de victoire. Durant ces volontariats, il y avait une sorte de concurrence entre les cueilleuses d’olives. Les paniers étaient suspendus autour du cou par un foulard pour faciliter et accélérer la tâche. Dès qu’une femme remplit son panier, elle crie «amîine amîine, ghelvagh leflani ournemîne, awer tsîine, Ouiiiii» et toutes les femmes, qui sont dans les oliveraies avoisinantes, répliquaient en chœur «Ouiiii». Tittem a souligné que «jadis lors des Tiwizi, il y avait tellement une bonne ambiance qu’on ne se rendait pas compte du temps qui passait et on n’était pas pressé de rentrer au village.

Ce n’est que lorsque les rayons du soleil commencent à disparaître derrière la montagne que les femmes se décident à rentrer en se donnant rendez-vous pour d’autres volontariats». Si les chants renforcent les liens sociaux, les repas partagés les consolident davantage et c’est le moment fort de la journée de travail épuisante, lorsque tous les Tiwiziwine se réunissent autour d’un repas. Celui-ci est généralement modeste et est souvent composé de couscous, facile à transporter et qui permet de nourrir un nombre important de cueilleurs sans avoir à engager de lourdes dépenses.

Qu’il soit aux légumes secs ou au poulet servi sans sauce «seksou n’tassilt» ou aux légumes frais cuits à la vapeur «Tamaqfoult» et accompagné d’œufs durs, d’oignons frais, de piments et de petit lait, ces repas consommés en pleine nature sont de véritables festins. L’universitaire Ali Chouitem (université de Bouira) qui a travaillé sur «Les chants kabyles traditionnels, typologie et situations d’énonciation», a observé que «le chant traditionnel des femmes kabyles se considèrent comme l’un des meilleurs accompagnants de leur vie quotidienne.

Un chant qui s’anime au gré des occasions différentes. En berçant son enfant, en l’endormant, en faisant écraser son orge par le moulin traditionnel, en tissant, en modelant l’argile, en ramassant les olives, en faisant la fête .. la femme kabyle chantait». Achewwiq, a-t-il ajouté, «est un genre de poésie kabyle traditionnelle, souvent, chanté par les femmes sans instruments musicaux sous une forme mélodieuse avec des longueurs d’ondes à couper le souffle, abordant divers thèmes par des métaphores et des images, pour exprimer un sentiment de joie ou de deuil, des rêves souvent secrets, l’amour, la souffrance, l’espoir, le désespoir».

M. Chouitem a relevé que Achewwiq est l’un des genres de poésie chanté le plus représentatif de la culture kabyle traditionnelle», ajoutant que ces chants interprétés lors des Twiza donne de la force et du courage aux femmes lors de l’exécution de leurs travaux.

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