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Tunisie : Ben Ali veut censurer une émission satirique

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Depuis son exil saoudien, l’ex-dictateur demande l’interdiction de « Allo Jeddah » diffusée durant le ramadan. Croquignolesque.
Il y a des désirs qui ne détellent jamais. Ainsi de Ben Ali et de son goût immodéré pour la censure. Ce dernier a mandaté son avocat pour faire interdire une émission satirique diffusée pendant le ramadan. On croirait à un canular, un gag potache concocté par quelques humoristes cruels. Mais non. La chaîne de télévision privée Attassia (« la neuvième ») fait face, depuis le 10 juin, à une plainte en référée d’un plaignant peu ordinaire : Zine el-Abidine Ben Ali, l’auteur du coup d’État médical* contre le président Bourguiba, dictateur vingt-trois ans durant, avant de fuir son pays le 14 janvier 2011. Réfugié en Arabie saoudite, à Jeddah, l’homme a, depuis, été condamné par la justice tunisienne dans plusieurs affaires. Contraint à la retraite par ses hôtes saoudiens, Ben Ali a quitté le cocon du silence. Et porte plainte pour « diffamation et usurpation d’identité ». Au vu de l’histoire récente de la Tunisie, les soucis d’images de Ben Ali semblent pour le moins décalés. Me Ben Salha s’est occupé de la déclinaison procédurière de son client. Le tribunal de première instance de Tunis examinera l’affaire mardi 14 juin. En cause : Allo Jeddah, vingt minutes diffusées quotidiennement.

Une émission miroir
Depuis la mi-mai, Attassia TV annonçait une caméra cachée mettant en scène Ben Ali. Buzz garanti. Quatre épisodes ont été diffusés depuis le début du ramadan, période de très forte audience pour les télévisions. En plateau, le journaliste Mekki Hella reçoit un invité et lui fait croire que Ben Ali sera en duplex par Skype. En régie, l’imitateur Migalo interprète la voix du réfugié de Jeddah. Les résultats sont très surprenants. Un ancien député qui se présentait comme révolutionnaire a dialogué avec celui qu’il croyait Ben Ali, lui proposant refuge dans sa propre maison en Tunisie. Un journaliste, dont les articles pourfendaient le despote après sa chute, a chanté ses mérites. Un troisième a pleuré. Cette émission, habile, met en lumière les contradictions de certaines élites tunisiennes cinq ans après l’instauration de la démocratie. De la part des invités, la nostalgie le dispute à la flatterie la plus primaire sur le plateau de la Neuvième.

Ex-dictateur soucieux de son image
Il peut sembler stupéfiant à un esprit rationnel que Ben Ali attaque en justice une émission satirique. Me Ben Salha tempère la démarche. D’un côté, son client jugerait très drôle Allo Jeddah, ne voulant pas sa suppression, de l’autre son client veut en faire supprimer certains passages. L’HAICA, le CSA tunisien, a également été saisi. Seule certitude : Ben Ali a des convictions inébranlables en matière de censure. Le Tribunal rendra son avis le 14 juin. À moins qu’un accord à l’amiable intervienne entre Jeddah et Allo Jeddah. Ce qui ne manquerait pas de harissa.
Dans la nuit du 7 novembre 1987, Ben Ali contraint sept médecins à signer un document jugeant Bourguiba sénile et inapte à ses fonctions. Le chiffre 7 était alors devenu la mascotte du régime.

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