Accueil MONDE Libye : le gouvernement d’union nationale suscite toujours la méfiance

Libye : le gouvernement d’union nationale suscite toujours la méfiance

0

Revers. Le Parlement a refusé sa confiance au gouvernement de Fayez al-Sarraj, cinq mois après son installation à Tripoli.

Le Parlement libyen a refusé, le 22 août, d’accorder sa confiance au gouvernement d’Union nationale (GNA), tout en donnant au Premier ministre, Fayez el-Sarraj, une « dernière chance » pour qu’il propose un nouveau cabinet. « La majorité des députés présents à la séance du Parlement aujourd’hui ont refusé d’accorder leur confiance au gouvernement », a déclaré à l’AFP Adam Boussakhra, porte-parole du Parlement, à l’issue de ce vote qui n’avait pas été annoncé. Ce GNA, nommé le 30 mars dernier, n’avait toujours pas fait l’objet d’un vote, car le Parlement, très divisé, peinait à rassembler le nombre de députés nécessaire pour procéder à un scrutin. Le 13 juin dernier, le vote avait donc encore été reporté. À ce moment, Fares Al Labidi pressentait déjà l’issue de ce suffrage : « Je pense que cela prendra plus de temps et que le Parlement n’est pas encore prêt à donner sa confiance au gouvernement. » Le vote de lundi lui a donné raison : sur les 101 membres du Parlement présents (sur un total de 198), 61 députés ainsi que le président de cette instance, Aguila Saleh, ont voté contre la motion de confiance, un seul en faveur et 39 se sont abstenus, selon un communiqué paru sur le site du Parlement. Selon Libya Channel, une télévision privée, les députés proches du GNA n’étaient pas présents lors du vote.

Le GNA de Tripoli concurrencé par un gouvernement à Baïda
Issu d’un accord interlibyen parrainé par l’ONU et signé en décembre 2015 au Maroc, le GNA gère les affaires courantes, mais peine à asseoir son autorité à l’échelle de tout le pays. Selon l’accord de décembre, le GNA devait obtenir, pour entrer en fonction, un vote de confiance de la part du Parlement. Ce dernier avait rejeté le 25 janvier une première version du gouvernement d’union. Selon RFI, la majorité des parlementaires trouvent que le GNA a échoué dans sa mission. Il a montré son « incapacité à gérer le pays », indique le député Rida Omran, avant d’ajouter que ce gouvernement, « né faible », a déjà perdu quatre de ses membres. Le 30 juin, les ministres de la Justice, de l’Économie et de l’Industrie, des Finances et de la Réconciliation nationale ont, en effet, été limogés, car ils n’avaient toujours pas investi leur fonction au sein du GNA. Le GNA peine donc à retrouver des politiques originaires de l’est du pays qui lui soient favorables. « Dans l’est de la Libye, il n’y a que rejet et méfiance pour le GNA », expliquait à l’AFP Mohamed Eljarh, du centre de réflexion Atlantic Council basé à Washington. « Chacun de ces ministres [démissionnaires, NDLR] a dû subir des pressions pour ne pas rejoindre le GNA », supposait-il. Le Parlement, qui avait dû déménager à Tobrouk (Est) après la prise de Tripoli par une coalition de milices il y a deux ans, est reconnu par la communauté internationale, mais soutient un exécutif rival au GNA, basé à Baïda, également dans la même région. S’il peine à asseoir son autorité, c’est donc en grande partie en raison de l’opposition de cette autorité politique de l’Est. Cependant, l’existence de ce second organe n’est pas l’unique cause du désaveu du GNA. Lorsque le cabinet dirigé par le Premier ministre Fayez el-Sarraj s’était formé avec le soutien de l’ONU, l’émissaire de l’ONU, Martin Kobler, estimait que 95% des Libyens lui étaient favorables, selon ZamanFrance.
« C’était en avril. Il y avait alors beaucoup de bonne volonté en faveur du gouvernement d’union », explique le diplomate allemand dans les colonnes de la Neue Zürcher Zeitung. « Il a, depuis, perdu une partie de son soutien. » Selon lui, le gouvernement d’accord national (GNA) peine à imposer son autorité dans un pays confronté à de profondes rivalités politiques et militaires ainsi qu’à la multiplication des coupures d’électricité et à une chute de la monnaie qui pénalise les importations de biens indispensables.

Une possible crise institutionnelle
Depuis des mois, les puissances étrangères mettent la pression pour que les deux camps se rapprochent afin, notamment, de mieux coordonner la lutte contre le groupe djihadiste État islamique (EI), actif dans ce pays proche des côtes européennes. « Reste à savoir si M. Sarraj et les députés qui le soutiennent vont reconnaître la légitimité de ce vote », a indiqué à l’AFP Mattia Toaldo, expert au sein du groupe de réflexion European Council on Foreign Relations. Selon lui, « il est possible que ce vote […] finisse par faire tomber le Conseil présidentiel (CP)», un organe composé de neuf membres, dont le Premier ministre, des vice-Premiers ministres et des ministres, et qui désigne les membres du cabinet. « Cela pourrait donner lieu à une nouvelle crise institutionnelle en minant la légitimité du GNA et ramenant le processus [politique] à la case départ », a ajouté M. Toaldo. Par ailleurs, selon lui, des pourparlers impliquant des acteurs « à la fois libyens et étrangers » ont eu lieu cet été sur un éventuel remplacement du gouvernement et même du CP.
Après avoir rejeté la confiance au GNA, le Parlement a réclamé au CP la formation d’un « gouvernement restreint » en lui donnant « un délai de 10 jours » pour soumettre de nouveaux candidats, selon un texte obtenu par l’AFP auprès de M. Boussakhra. Selon cette déclaration, acceptée par les députés présents, selon M. Boussakhra, « il s’agit de la dernière chance » pour le CP pour former un gouvernement susceptible d’obtenir l’aval du Parlement. En attendant, le Parlement a affirmé que toutes les décisions adoptées par le CP étaient considérées comme « nulles et non avenues ».

Le GNA : des actions fortes malgré son manque d’autorité
Si le GNA ne parvient pas à contrôler l’ensemble du pays, il a toutefois réussi à rassembler des forces en vue de chasser l’EI de Syrte, une ville située à 450 kilomètres à l’est de Tripoli et place forte des djihadistes. Les forces progouvernementales ont réussi à s’emparer d’une grande partie de cette ville depuis le début du mois d’août, disposant notamment du soutien de l’aviation américaine. « Nos forces ont pris le quartier al-Naga et un ancien bâtiment de la Sécurité intérieure que l’EI utilisait comme prison », dans le centre-ville, a indiqué lundi le centre de presse de ces forces. D’après la même source, des combats se sont déroulés au sud du quartier résidentiel n° 1 situé dans le nord de la ville en bord de mer, l’un des derniers, avec le quartier n° 3, à ne pas avoir encore été « libéré».
Sur le plan économique, le GNA tente également de relancer les exportations de pétrole, qui pourrait redevenir une grande source de revenus, étant donné que la Libye dispose des plus grandes réserves de pétrole en Afrique. Selon Impact 24, cette activité rapportait entre 45 et 50 milliards de dollars en 2010, contre 4 milliards de dollars aujourd’hui. Pour relancer ce commerce, le GNA a ainsi conclu un accord avec la milice des Gardes des installations pétrolières qui monopolise les sites pétroliers. Les efforts de ce gouvernement n’auront pourtant pas suffi à convaincre. Reste à voir la nouvelle formation que proposera le conseil présidentiel.
In Lepoint.fr

Article précédentIntempéries à Béchar : une première averse transforme la ville en Venise du Sahara
Article suivantAbdelwahab Nouri lève un gros scandale à Dounia Parc (Alger) : 65 hectares attribués illégalement