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Kosovo : la pauvreté chasse des milliers de personnes vers l’UE

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Le paisible lieu de villégiature de Palic, à la frontière serbo-hongroise, est inhabituellement animé cet hiver. Des milliers de Kosovars, fuyant la pauvreté qui ronge le Kosovo, la plus jeune nation d’Europe, y convergent pour passer illégalement en Hongrie et rejoindre la terre promise de l’UE. Ces dernières semaines, les petits hôtels et villas parsemés autour du lac du même nom, sont bondés d’Albanais du Kosovo candidats à l’émigration clandestine qui attendent de négocier leur passage. Un réseau de passeurs kosovars albanais les y accueille et leur fait payer au prix fort chaque étape de ce périple désespéré. Le Kosovo – environ 1,8 million d’habitants, qui a proclamé son indépendance de la Serbie en 2008 et que Belgrade ne reconnaît pas -, est un des pays les plus pauvres d’Europe où un tiers des habitants sont au chômage et environ 40% vivent dans la pauvreté. Le voyage de ceux en quête d’une vie meilleure commence à Pristina d’où, ce jour de février, trois autobus de l’agence touristique au nom révélateur «Adio tours», soit environ 150 personnes, dont le correspondant de l’AFP, sont partis en direction de Palic. «Nous avons l’indépendance, mais nous avons le ventre vide», lâche Hasan Fazliu, 27 ans, serrant dans ses bras son fils Liridon, âgé d’un an. Après dix heures de route à travers la Serbie, où les Kosovars peuvent se rendre légalement en vertu d’un accord sur la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina parrainé par Bruxelles et conclu en 2013, l’autobus rejoint enfin Palic. «Je suis ici avec ma femme et mes deux enfants. On paye 100 euros la chambre et on nous demande 980 euros pour nous guider vers la Hongrie», raconte Selman, 32 ans, montrant du doigt la villa Lira, un des points de rassemblement des clandestins. «Je n’ai pas cet argent, je ne sais pas ce que je vais faire», enchaîne Rizah, 29 ans, tenant dans ses bras son bébé emmitouflé dans une couverture. Sous la neige qui ne cesse de tomber, quatre jeunes Kosovars arrivent en taxi devant la villa. «Nous essayerons par nos propres moyens ce soir», décident-ils en apprenant les tarifs des passeurs. Selon les médias locaux, environ dix autobus quittent le Kosovo pour la Serbie tous les jours.

Un business lucratif
Depuis le début de l’année quelque 13 000 personnes ont déposé des demandes d’asile en Hongrie contre 43 000 en 2014, selon les autorités hongroises. Leur nombre pourrait atteindre 100 000 en 2015, si la tendance actuelle se poursuit, s’est inquiété Antal Rogan, haut responsable du parti Fidesz au pouvoir à Budapest. A Palic, les passeurs kosovars sont épaulés par la pègre locale pour mener à bien ce business lucratif.
Leur chef, que ses complices appellent Sami, est un homme arrogant qui crie volontiers sur ses compatriotes installés dans la villa. «Fait le boulot et ne revient pas avant de le finir», hurle-t-il dans son téléphone portable. Il ne se calme que lorsqu’un de ses complices, lui apporte le gain de l’opération de la nuit précédente. Sami compte l’argent attablé dans le vestibule de la villa. Sami et ses acolytes ne sont pas les seuls a profiter de ce trafic. Un des chauffeurs d’autobus raconte: «Mon chef rage de ne posséder que deux autobus. Si j’en avais cinq, tous les sièges seraient vendus une semaine à l’avance m’a-t-il dit», confie cet homme qui refuse de révéler son identité. Les autorités kosovares ne font pas grand-chose pour prévenir ces départs à l’exception d’appels à ne pas abuser du droit à voyager librement en Serbie. Certains responsables rejettent la responsabilité sur les autorités serbes accusées de laisser faire sans intervenir. «La Serbie a ouvert ses portes en grand aux clandestins kosovars», a ainsi déclaré la présidente Atifete Jahjaga. A Belgrade, la police a annoncé l’arrestation de près de 450 Albanais du Kosovo au cours des derniers trois jours lors de tentatives illégales de franchir la frontière et rapporte une demande accrue, plus de 60.000 ces dernières semaines, pour obtenir des passeports de la République de Serbie. Les Kosovars sont toujours obligés de se munir d’un visa pour voyager dans l’UE tandis que les ressortissants serbes peuvent circuler librement dans la majorité des pays membres du bloc des 28.

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