Accueil ACTUALITÉ Da L’Ho, le dernier des pères de la Révolution s’est éteint

Da L’Ho, le dernier des pères de la Révolution s’est éteint

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Le dernier père de l’Algérie, celui qui n’a cessé de dire, tout au long de son parcours de militant, de combattant et de surcroît de dirigeant politique, qu’« il n’a d’historique que le peuple algérien », est parti, en laissant ses empreintes, dans l’Histoire du pays, la mémoire collective et le souvenir d’un homme politique hors-pair, dans l’esprit de chaque Algérien et Algérienne. Convaincu, dès son jeune âge, que la lutte armée est l’unique et seule voie à emprunter, alors que des acteurs politiques du mouvement national, continuaient à penser, que l’action politique, suffisait, à elle seule, à libérer l’Algérie et son peuple des chaînes du système colonial français, Da L’Ho et ses camarades ont été au rendez-vous avec l’Histoire, en décidant, à moment T, la préparation et le déclenchement de la lutte armée pour l’indépendance de l’Algérie. L’un des 22 dirigeants historiques de l’organisation spéciale (OS) qui a dessiné, les contours et la teneur de ce que devait être, laRévolution algérienne contre l’ordre colonial français. Après le décès de son compagnon de lutte, Mohamed Belouizdad, suite à sa maladie, Aït Ahmed lui succède à la tête de l’OS, quelques années après avoir plongé dans l’action politique, dès l’âge de 16 ans, en adhérant au PPA-MTLD. Après les horribles massacres du système colonial français perpétrés contre le peuple algérien, lors des manifestations pacifiques du 8 mai 1945 revendiquant, liberté et dignité, comme les autres peuples qui célébraient, en cette date, à travers le monde, la victoire contre le fascisme, Hocine Aït Ahmed plaide pour le recours à la lutte armée pour arracher cette liberté et cette dignité. Il dira, faut-il le rappeler, «pour nous, le 8 mai 1945 a été le début d’une conscience révolutionnaire, c’était la fin de la politique», et s’en va, en première ligne, dans la création de l’Organisation spéciale, avec d’autres compagnons convaincus, que la lutte armée conduira inéluctablement l’Algérie à l’indépendance. Née, le 20 août 1926, à Aïn El-Hamam, trente ans, jour pour jour, avant le rendez-vous historique, le plus déterminant et important, dans la lutte de libération nationale, le 20 août 1956, date de la tenue du Congrès de la Soummam, Da L’HO sera enterré, selon son vœu, en Algérie, dans son village natal à Ain El Hamam dans la wilaya de Tizi-Ouzou, dans les hautes montagnes de Djurdjura, qu’il reposera en paix éternellement, en terre d’Algérie et au milieu des siens. Cette terre pour laquelle Ait Ahmed a consacré toute sa vie, de militant, combattant et responsable politique durant la révolution algérienne et après l’indépendance il fût un acteur politique d’une trempe inégalée, jusqu’à la fin de sa vie, dont son idéal démocratique et l’état de droit demeurera celui des Algériennes et Algériens, lui qui disait « le patriotisme aujourd’hui, c’est la démocratie». Réagissant au décès de Aït Ahmed, le moudjahid Lakhdar Bouragaâ, a souligné que «l’Algérie perd en la personne d’Aït Ahmed, l’une des figures emblématiques de la révolution» appelant les générations montantes à « s’attacher aux valeurs de ceux qui se sont sacrifiés pour l’indépendance du pays». Figure emblématique et l’un des chefs historiques du mouvement national et de la Révolution algérienne, après l’indépendance, il a demeuré un opposant infatigable au système politique mis en place, depuis 1962. Le 21 décembre 2012, Da L’Ho annonce, dans un message au conseil national, réuni en une session extraordinaire, à Alger, son retrait de la présidence du FFS, parti politique qu’il a fondé en 1963, interdit depuis, jusqu’au printemps 1991, date de la tenue du premier congrès du FFS, dans la légalité, après l’avènement du multipartisme suite aux évènements d’octobre 1988.

Ayant adhérer à la création du CRUA, en mars 1954, soit quelque mois avant le déclenchement, en novembre de la même année, de la Révolution algérienne, Ait Ahmed qui était dans l’action politico-diplomatique, au Caire avec Ahmed Ben Bella et Mohamed Khider, rendent publique la proclamation du Front de libération nationale (FLN). Dans sa lutte sur les plans régional et international, lui et le défunt martyr M’’hamed Yazid ont mené une action politique en dévoilant, au Monde entier, la vrai nature de tout système colonial, notamment celui de la France en Algérie. En avril 1956, en effet, Ait Ahmed et M’Hamed Yazid, réussisent une action politico-diplomatique, par l’ouverture d’un bureau, auprès de l’organisation des Nations unies (ONU), à New York, traçant ainsi la voie de l’inscription de la question algérienne à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU, qui s’est traduite, en septembre de la même année. Un mois après, le 22 octobre 1956, l’avion en partance de Rabat vers Tunis, à son bord Ait Ahmed, Mohamed Boudiaf, Mostefa Lacheraf Mohamed Khider et Ahmed Ben Bella est piraté par les autorités coloniales françaises pour être détourné vers Alger, pour être sous le coup d’une arrestation et de leur transfert après à la prison de la Santé en France, pour être libéré,, après la signature des accords d’Évian et la proclamation du cessez-le-feu.

Après l’indépendance c’est dans l’opposition qu’il se distingue
Alors que des tensions et des affrontements armés se sont manifestés au lendemain, d’un évènement historique, pour le peuple algérien et la Nation algérienne, l’indépendance, Ait Ahmed ne perdait pas espoir dans la voie politique. Mais ce fut pour une courte durée. Le 9 septembre, l’armée des frontières rentre victorieuse à Alger et l’Assemblée nationale constituante (ANC) a été élue sur liste unique, et tous les responsables de la Révolution sont désignés députés d’office et Ferhat Abbas élu président de l’ANC. Mais les pro-Ben Bella se réunissent à la salle de cinéma Atlas (ex-Majestic), à Bab-El-Oued, Alger, adoptent un texte d’avant-projet pour la Constitution, sans que la sous-commission de la rédaction de ce texte, désignée par l’ANC ne soit au courant et le texte fut adopter, alors qu’Ait Ahmed et Ferhat Abbas avaient annoncé leur démission de l’assemblée constituante. Da L’HO avait déclaré à propos de la constitution qui venait d’être adoptée qu’elle « a été faite dans un cinéma par des gens triés sur le volet » disait Ait Ahmed, version, d’ailleurs confirmée par Ali Haroun, qui était, faut-il, le rappeler, membre de la commission de rédaction de la Constitution. Les conflits et les clivages au lendemain de l’indépendance, remontent, comme le soulignent bon nombre d’historiens, avant et pendant la Révolution, et Hocine Aït Ahmed a refusé le système politique qui se mettait en place, sous la coupe d’un parti unique, alors que, la Révolution a été menée par des courants politiques au sein du FLN, et Aït Ahmed plaidait dans une Algérie indépendante, pour une souveraineté de l’Assemblée constituante et un pluralisme politique.
Depuis il a emprunté la voie de l’opposition et lors d’un meeting populaire organisé au centre-ville de Tizi Ouzou, le 29 septembre 1963, Aït Ahmed et le colonel Oulhadj proclament officiellement la création du Front des forces socialistes (FFS), qui privilégiait la résistance politique, sans négliger pour autant la voie militaire qui s’est vite manifestée, d’ailleurs. La guerre des Sables de septembre 1963 à février 1964, déclenchée par l’offensive des troupes militaires marocaines contre l’Algérie, l’ensemble des acteurs algériens, militaires et politiques, ont marqué l’arrêt de leurs affrontements et des tensions causées par leur clivages, pour réagir en un seul homme, par le bruit des bottes et le feu des armes, rappelant ainsi à l’ordre Rabat, qui a vite fait de se replier à l’intérieur de ses frontières. Emprisonné à Lambèse, Batna, puis à la prison d’El Harrach et condamné à mort, Ait Ahmed bénéficie d’une grâce présidentielle en 1965, puis choisit de s’exiler en Suisse, pour poursuivre son activité politique et celle clandestine, en Algérie, du parti qu’il a fondé en 1963, le FFS. En réaction aux évènements du printemps berbère, d’avril 1980, Ait Ahmed avait lancé à partir de son exil, que «la revendication culturelle en Kabylie s’inscrit dans l’ensemble des revendications sociales, politiques et culturelles de l’Algérie».
Il rentre à Alger le 15 décembre 1989, après les évènements d’octobre 1988, et est reçu à l’aéroport international, en héros national par des milliers de personnes. Figure emblématique et charismatique du FFS, Ait Ahmed «n’était pas à l’abri comme tout humain d’ailleurs, de quelques erreurs de jugement sur les hommes et les situations» comme le souligne l’ancien et cadre dirigeant du FFS, Samir Bouakouir, mais, poursuit-il, dans sa réaction au décès d’Ait Ahmed, «en aucune manière il n’aurait accepté de renier ses convictions, le pouvoir n’était pas pour lui une finalité mais un moyen» a affirmé Bouakouir.
Pour celui-ci, Da L’Ho «s’en va mais laissera dans nos esprits et j’espère dans ceux de nombreux militants et militantes de la démocratie» dira Samir Bouakouir «cette volonté de ne jamais marchander leurs convictions, leur idéal, celui d’une Algérie réconciliée, libre et heureuse» souligne-t-il avant de conclure «et ce même quand tout pousse au renoncement, à la démission et au désespoir». Repose en paix Da L’HO
Karima Bennour

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