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Séisme politique sur le vieux continent : les Britanniques disent oui au Brexit

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Le Royaume-Uni quitte l’Union européenne. Ce qui était jusqu’à la soirée d’avant-hier seulement un des termes de l’alternative proposée aux Britanniques, est aujourd’hui un fait avéré.

Et ce, même s’il a été obtenu aux forceps : l’écart, en termes de taux et de voix, entre les partisans et les adversaires du Brexit étant, en effet, minime : si 17,4 millions de Britanniques ont voté pour la sortie de leur pays de l’UE, soit un taux de 51,9%, ils étaient, en revanche, 16,1 millions, soit un taux de 48,1%, à souhaiter qu’il ne le fasse pas. Un fait qui va indubitablement peser, au double plan économique et politique, sur les relations intereuropéennes et internationales.
Comme le laissent déjà supposer les premières, et rapides, réactions qui ont suivi la proclamation définitive des résultats du référendum d’avant-hier. Sur le plan économique, toutes les places boursières internationales, européennes et asiatiques, notamment, ont ouvert hier en baisse sensible : les bourses de Londres, Francfort, Paris, Madrid, Athènes et Tokyo ont plongé, respectivement, de 9%, 9,5%, 10%, 12%, 15% et 7,92%. Cette réaction d’ensemble des marchés financiers, de par « son amplitude et sa rapidité », est considérée par nombre d’analystes internationaux comme étant « l’une des plus fortes depuis la crise financière de 2008 ». Ce qui explique, assurément, la rapide réaction de la Banque d’Angleterre (BoE) qui a annoncé, dans la matinée d’hier, qu’elle « se tenait prête à injecter 326 milliards d’euros de fonds additionnels pour assurer des liquidités suffisantes au fonctionnement des marchés ». Mais également celle de la Banque du Japon (BoJ) qui s’est déclarée, elle aussi, prête à en faire de même, sans préciser toutefois le montant des fonds qu’elle compte injecter, « en coopération avec d’autres banques centrales, afin de limiter l’impact (du Brexit, aujourd’hui effectif) sur les marchés». Sur le plan politique, les réactions ne se sont pas fait également attendre. Surtout, parmi les responsables européens qui, dans leur majorité, semblent avoir été fortement surpris par les résultats du référendum. À l’évidence, beaucoup ne pensaient pas que les Britanniques allaient franchir le pas de voter pour la sortie de leur pays de l’UE. Une conviction que la réaction horrifiée de la classe politique et de l’opinion publique britanniques à l’assassinat, par un militant d’extrême-droite pro-Brexit, de la députée travailliste anti-Brexit, Jo Cox, avait grandement renforcée. Commentant le vote des Britanniques en faveur du Brexit, qu’il a qualifié « de choix douloureux », le président français, François Hollande, a déclaré qu’il « (mettait) gravement l’Europe à l’épreuve ». Ce qu’a reconnu implicitement le président du Conseil européen, Donald Rusk, en faisant part de « la détermination des (désormais) 27 dirigeants européens à garder (leur) unité à 27 ». Non sans préciser, au passage et dans le clair souci de suggérer que celle-ci n’était point finie, que « pour nous tous – en clair, les 27 Etats restants -, l’Union (Européenne) est le cadre de notre avenir commun ». La gravité de l’évènement que constitue, pour les responsables européens, le Brexit, transparaît également dans l’empressement qu’ils ont mis à programmer des réunions pour en débattre. Le président du Conseil européen a, en effet, annoncé son intention « d’organiser, en marge du sommet européen prévu pour les 28 et 29 juin (en cours), une réunion informelle des 27 chefs d’État et de gouvernement (qui prendront part à ce sommet), pour discuter des conséquences du Brexit ». Alors que le ministère allemand des Affaires étrangères a annoncé, dans la matinée d’hier, la tenue, samedi 25 juin, « d’une réunion d’urgence des chefs de la diplomatie des six membres fondateurs de l’Union Européenne » ; à savoir, l’Allemagne, la France, l’Italie et les trois États du Benelux : la Belgique, la Hollande et le Luxembourg qui, par le Traité de Rome, signé en mars 1957, avaient institué le Marché commun européen.
Une réunion qui portera, selon le communiqué diffusé par le ministère allemand, « sur des discussions et un échange sur les thèmes actuels de la politique européenne » ; une formulation diplomatique qui n’arrive pas, cependant, à cacher l’inquiétude des dirigeants européens quant au devenir de ce vaste et riche ensemble politico-économique qu’est leur Union. Surtout que les forces centrifuges en son sein gagnent de plus en plus en présence et en force avec la montée en puissance, dans quasiment tous les pays européens, des partis d’extrême-droite, fortement opposés à l’UE et à l’immigration ; une montée en puissance à laquelle n’est pas étrangère la difficile situation de crise économique, aigue et presque endémique pour certains d’entre eux, comme la Grèce, dans laquelle se débattent nombre de ces pays. Cette perspective d’éclatement de l’Union européenne est partagée par deux économistes algériens que nous avons contactés hier. Et ce, même si leur appréciation d’ensemble de la situation induite par le vote des Britanniques en faveur de la sortie de leur pays de l’Union européenne diverge quelque peu.
Pour Bachir Messaitfa, professeur d’économie et ex-secrétaire d’État chargé des Statistiques et de la Prospective, le Brexit « aura, à court terme, du moins, deux conséquences négatives sur l’économie britannique : la première d’ordre financier et la seconde, d’ordre macro-économique ». Et d’expliquer : « Le pays va rapidement connaître une sortie de capitaux qui entraînera une baisse de la valeur de la Livre sterling par rapport aux principales devises étrangères, notamment par rapport au dollar et à l’euro, ainsi qu’une baisse des investissements ». Ce qui ne manquera pas a-t-il ajouté, « de se répercuter sur le taux de chômage dans le pays » (Voir entretien ci-dessus). Quant à Farid Benyahia, docteur en relations internationales diplomatiques, il a nuancé quelque peu les retombées négatives du Brexit sur le pays : « Leur gravité dépendra de la réaction des autorités (britanniques) » ; une manière de suggérer que le Royaume-Uni a les moyens de dépasser rapidement les effets négatifs du Brexit sur son économie. Une sortie qui était, nous a-t-il déclaré, « dans l’air depuis plusieurs années et que j’avais personnellement déjà prévue». Et ce, pour un ensemble de facteurs qui tiennent, a-t-il ajouté, « de la géographie, de l’histoire et de la culture ». Et d’expliquer : « Les Britanniques ont toujours eu un pied dans l’UE et un autre en dehors. Insulaires dans l’âme, ils ont toujours cultivé leur particularisme. Au point qu’ils n’ont pas rejoint la zone euro et l’espace Schengen. C’est ce particularisme qui a fait qu’ils ont difficilement vécu la forte immigration que l’entrée de leur pays dans l’UE a provoqué. Et c’est ce rejet latent de l’immigration qui les a poussés à voter en faveur du Brexit ». À toutes ces raisons, notre interlocuteur a ajouté « la proximité naturelle du Royaume-Uni avec les Etats-Unis et leur forte nostalgie pour leur passé impérial ». Deux raisons qui vont permettre aux Britanniques de dépasser « la période de transition que le Brexit va ouvrir » ; la nostalgie pour leur passé impérial va, a-t-il poursuivi en guise d’explication, les pousser à se tourner beaucoup plus résolument vers le Commonwealth, un marché de plus de deux milliards de personnes ». Et leur proximité avec les Etats-Unis qui « ne voient pas d’un mauvais œil l’éclatement de l’UE, leur donne l’assurance d’un appui assuré en cas de problèmes sérieux ».
Mourad Bendris

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