Tandis que les manifestants arrêtés et placés en garde à vue, avant-hier, devraient être présentés aujourd’hui devant le procureur de la République, les avocats ont confirmé que les détenus d’opinion, interpellés les 13 et 17 septembre derniers à Alger, ont décidé d’entamer une grève de la faim.
En parallèle, la liste des détenus d’opinion, mise à jour par le comité de défense des détenus, et déclarée non exhaustive, a atteint 129 détenus avant le 33e vendredi de manifestation populaire. L’avocat Badredine Bouallag, membre du Collectif national pour la libération des détenus (CNLD), a d’ailleurs, confirmé l’information, en précisant que «la multiplication des arrestations vise à occuper les avocats ». « Quelque part, ils sont en train d’occuper les avocats. Défendre les détenus d’opinion, nous prend beaucoup de temps et nous désengage des questions plus importantes », a analysé Me Bouallag. Revenant aux procédures, l’avocat a précisé que « selon le code des procédures pénales, la détention provisoire ne peut excéder quatre (4) mois ». Toutefois, il a signalé que « lorsqu’il s’avère nécessaire de maintenir l’inculpé en détention, le juge d’instruction peut, après avis motivé du procureur de la République, prolonger par ordonnance motivée la détention provisoire une seule fois pour quatre autres mois encore ».Ainsi, les premiers détenus du 21 juin dernier, ont d’ores et déjà passé plus de trois mois en prison.
Selon les explications de l’avocat, « la date butoir » de ces mandats de dépôt est prévue pour le 23 octobre prochain. «Les personnes arrêtées le 21 juin dernier, doivent être jugées. Néanmoins, dans la mesure où on décide de prolonger le mandat de dépôt, ça sera très grave, même pour l’avenir du pays », a signalé l’avocat. Pourtant, Me Bouallag a précisé que « toutes les mesures prononcées par la justice contre les manifestants, notamment ceux pour port du drapeau amazigh, n’ont aucun lien avec les infractions pouvant conduire à une détention préventive. Au contraire, elles présentent toutes les garanties nécessaires pour qu’ils bénéficient d’autres mesures, comme la liberté provisoire, le contrôle judiciaire ».
Le Tribunal de Sidi M’hamed, une exception ?
Sur un autre sillage, l’avocat s’est interrogé sur le recours «abusif» des juges d’instruction, au niveau du tribunal de Sidi M’hamed, au mandat de dépôt, contrairement aux autres juridictions. « Si la plupart des détenus sont libérés un peu partout dans le pays, ceux qui passent par le tribunal de Sidi M’hamed font exception. Ils sont quasi systématiquement mis sous mandat de dépôt », a analysé l’avocat, en signalant que les « lois de la République ne changent pas selon la juridiction ». Pis encore, Me Bouallag a dénoncé « la lenteur des procédures ». « La loi exige l’accélération de la procédure quand il s’agit de détenus mais dans ce dossier il y a une lenteur incroyable », a fait remarquer Me Bouallag, en précisant qu’un « nombre limité de détenus ont été auditionnés dans le fond ». « À Annaba, à Mostaganem et à Batna, des jeunes manifestants, arrêtés pour avoir brandi l’emblème amazigh, ont été tout simplement acquittés par des juges d’instruction qui ont même ordonné la restitution des emblèmes saisis ; ce qui confirme que ces écharpes ne constituaient pas un objet de délit. À Alger, en revanche, et pour les mêmes motifs, les détenus en sont à leur troisième mois d’emprisonnement sans savoir quel sera leur sort », a-t-il encore déclaré. Dans tous les cas de figures, l’avocat nous a confirmé que « le groupe des détenus des 13 et 17 septembre derniers ont entamé une grève de la faim ». « Ils ont décidé de recourir à l’acte militant le plus extrême, avec tous les risques que cela comporte sur leur santé », a-t-il regretté.
Lamia Boufassa