Accueil ACTUALITÉ Nouvelle chute du baril de pétrole : arguments économiques et desseins géopolitiques

Nouvelle chute du baril de pétrole : arguments économiques et desseins géopolitiques

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Le pétrole poursuit sa chute sur les marchés et, hier lundi, le Brent coté à Londres (référence pour le pétrole algérien) a inscrit un nouveau plus, en glissement annuel (52 semaines) en séance, passant sous la barre symbolique des 55 dollars. Vers 13 heures, il cotait 54,73 dollars, son plus bas niveau, depuis plus de cinq ans et demi. De fait, le baril reste pénalisé par la forte hausse de la production mondiale et l’absence d’une perspective d’accord au sein de l’Opep pour une réduction de la production. L’Arabie saoudite, principal pays Opep, s’oppose toujours à une telle perspective, pour plusieurs raisons. Elle craint, selon des déclarations d’officiels saoudiens, une perte de ses parts de marché. En réalité, la position du royaume saoudien, où deux tendances s’opposent, et alors que l’on parle, à voix feutrée, de la succession du roi Abdallah, est bien plus politique qu’économique. En effet, selon les experts, le prix du baril de pétrole brut a été divisé par deux, en six mois. Le cours de l’or noir est censé etre un prix de marché. Mais un marché «orienté», pour ne pas dire «manipulé», quand les circonstances s’y prêtent. Pour un expert des marchés pétroliers, le prix actuel qui pourrait connaître des planchers plus bas, comme l’affirme, avec arrogance, le ministre saoudien de l’Énergie, l’inamovible Cheikh Nouaïmi, est «très politique donc, forgé par la dégradation accélérée des relations entre les États-Unis et la Russie». Selon lui, Il y a des «gagnants», et quand il s’agit du prix de l’or noir, autrement dit le cours du baril de pétrole brut, le «commentaire public dominant semble affecté d’un étrange strabisme». «Que le prix s’envole vers de nouveaux sommets, et c’est haro sur les spéculateurs. Mais qu’il s’effondre, et ce sont les théories du complot qui sont appelées à la rescousse d’une toujours subtile causalité. Comme si les «spéculateurs» ne jouaient qu’à la hausse.» Depuis le printemps dernier, le cours de l’or noir est en chute libre. De quelque 115 dollars, le baril aux plus hauts de l’année, qui vient de s’achever, à moins de 55 dollars aux plus bas pendant la trêve des confiseurs. Une division par deux. En six mois. Pour les consommateurs des pays importateurs, ce nouveau «contre-choc» pétrolier est l’équivalent d’une soudaine, inespérée et significative réduction d’impôt. «Si un prix moyen du baril se maintient à 65 dollars sur les douze prochains mois, cela équivaudrait pour l’économie mondiale à une baisse d’impôt de 1 500 milliards de dollars», a calculé l’économiste et financier canadien Kenneth Courtis. D’après lui, la chute du prix du brut serait pour beaucoup dans l’accélération récente de la reprise économique aux États-Unis. Un remède, semble-t-il, plus efficace que les acrobaties monétaires de la Réserve fédérale des États-Unis. Sans doute moins dangereux, à terme. Mais d’autres analystes financiers estiment qu’il y a bien une «manœuvre conjointe de l’Arabie saoudite et des États-Unis (deux des trois premiers producteurs mondiaux d’huile, avec la Russie) visant à déstabiliser leurs ennemis respectifs (et parfois communs). Et il ne faut pas chercher très loin pour pointer du doigt la Russie et l’Iran , avec, en toile de fond, la situation en Ukraine et en Syrie. Pour Kenneth Courtis, qui réfute le terme de complot, le moment clef aurait été la rencontre de six heures, à Djeddah, le 11 novembre dernier, entre le secrétaire d’État américain, John Kerry, et le roi Abdallah, non annoncée, et confirmée seulement quelques jours plus tard. L’accord de Djeddah s’est traduit par un changement d’attitude des monarchies du Golfe vis-à-vis des mouvements djihadistes qu’elles avaient financés et armés, depuis le début de la guerre civile en Syrie. Et par une hausse de l’engagement américain, y compris sur le terrain avec des «conseillers» supplémentaires, contre le groupe de l’État islamique. Dans le collimateur de cette alliance américano-saoudienne renouvelée, avant tout, les Russes et les Iraniens, principaux soutiens de Bashar al-Assad. Alliés objectifs face au terrorisme djihadiste au Moyen-Orient, les négociateurs américains et iraniens peinent, cependant, à trouver sur le programme nucléaire de la République islamique un accord qui aurait une chance de passer auprès de leurs conservateurs respectifs. «Les Américains lucides savent que c’est bien davantage la baisse continue du prix du pétrole, à partir de 1979, que la stratégie offensive de Ronald Reagan qui a mis à genoux une Union soviétique rendue incapable de se refinancer», rappelle Kenneth Courtis. il estime que « la question est de savoir si l’approche «énergétique» peut donner les mêmes résultats avec la Russie poutinienne qu’avec l’URSS brejnévienne, et dans quels délais »? Pour les experts, le facteur temps doit être pris en compte dans l’équation. La chute des cours du brut est-elle un accident de parcours ou, au contraire, un phénomène durable, imposé par des facteurs structurels que les différents acteurs ont, plus ou moins, bien anticipé pour en tirer avantage?

Selon Anatole Kaletsky, «le prix du pétrole va rester déprimé, au moins pour toute l’année 2015, jusqu’à ce que les Saoudiens soient convaincus d’avoir fait suffisamment mal à leurs concurrents géopolitiques et économiques pour regagner leur pouvoir de fixer les prix. La grande question est, maintenant, de savoir si un prix autour de 50 dollars le baril, soit encore 10 à 15% inférieur au niveau actuel, sera le plancher de la fourchette pour les années à venir, comme ce fut le cas entre 2005 et 2014, ou si 50 dollars s’installe comme le plafond d’une nouvelle fourchette basse, qui prévalait de 1986 à 2004». Un élément essentiel est la modification structurelle du marché provoquée par la «révolution de l’huile de schiste» venue des États-Unis. Non seulement, elle contribue à l’excédent durable de l’offre sur une demande mondiale déprimée, mais à une redistribution des rôles. Pour le moment, ce sont surtout des pays -Algerie, Nigeria, Venezuela- dont les economies sont très dépendantes de l’or noir qui font les frais de la chute du baril. Notre pays, qui a des ressorts pour amortir le choc, doit impérativemnt s’engager dans une nouvelle politique energétique, privilégiant les energies renouvelables, dont le solaire, un gisement éternel autrement plus important que le gaz de schiste, dont l’exploitation pose problème.
Mokhtar Bendib

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