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EN DÉPIT DU HIRAK, DE L’HIVER, DES PROMESSES… L’émigration clandestine reprend de plus belle

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On n’est pas près de finir avec ce phénomène qui provoque autant de peur que de mal : l’émigration clandestine qui – on le sait maintenant d’une façon assez nette – a encore de beaux jours devant elle. Il ne se passe pas, en effet, une semaine sans qu’on parle de cadavres rejetés par les vagues, d’opérations de sauvetage en mer, de bébés à bord de pneumatiques à la merci des vents…

Et l’on a beau être abreuvé de ces récits macabres, de ces images de corps en pleine décomposition, de ces familles entières entassées dans des embarcations de fortune…, le phénomène demeure – et demeurera – une blessure purulente dans l’inconscient de toute la société algérienne. Et quoi qu’on fasse, la mer, dans toute sa splendeur et sa cruauté, nous jettera à la figure – presque à intervalle régulier – les échecs de plusieurs décennies. On a – aussi – beau tenter de mettre fin au phénomène en renforçant les mesures sécuritaires de part et d’autre de la Méditerranée, en promulguant texte (de loi) après texte, en organisant des rencontres à l’international dont les résolutions demeurent souvent des lettres mortes…, l’immigration clandestine continue, été comme hiver, à défrayer la chronique. Et la raison est toute simple : elle (l’immigration clandestine) n’est que le fruit des rêves irréalisables d’une jeunesse continuellement désabusée. Et, on le sait bien, un rêve, ça ne se combat pas avec des blindés. Non plus avec des textes de lois. Non plus avec des recommandations oiseuses. Un rêve se « combat » avec la possibilité d’un autre rêve (d’autres rêves) : réussir dans son propre pays, ce qui est tout simplement impossible pour de larges franges de la société algérienne. Chômage, précarité de l’emploi quand emploi y a, cherté de la vie, bureaucratie…, le tout semble mis en place pour que les Algériens désespèrent de l’« ici » et  rêvent d’« ailleurs ». À cette amère réalité qui peut être chiffrée et décrite à loisir s’ajoutent les difficultés d’avoir un visa qui permettrait de rejoindre l’eldorado européen en toute sécurité, notion qui perd tout sens quand chaque jour que Dieu fait apporte son lot de douleur et de misère. Et penser que se jeter à la mer dans l’intention de rejoindre un pays où la vie serait plus clémente est un « sport d’été », c’est mal mesurer l’étendue de l’envie qu’ont certains de nos jeunes à donner un coup de pied dans la fourmilière glaciale et morose de leur vie « algérienne ». Les rêves n’ont pas, en effet, de saison pour éclore.

Le Hirak, un rêve qui a dû ne pas durer
Voyons de plus près. « Les éléments du groupement territorial des garde-côtes de Skikda ont intercepté, dans l’après-midi de mercredi passé, douze (12) jeunes harraga, au large du Cap de Fer à Skikda. Originaires de Chlef, Mila et Constantine et âgés entre 23 et 33 ans, ces candidats à l’immigration clandestine étaient à bord d’une embarcation avant d’être interpellés à plus de 9 miles marins du Cap de Fer, dans la commune de la Marsa à l’Est de Skikda. Les 12 harraga ont été remis aux services de sécurité compétents afin de les présenter devant la justice pour répondre de leur acte ». C’est dans ce style aussi glacial que les longues nuits d’hiver qu’un site d’informations plus ou moins visité a rapporté l’information. Et c’est loin d’être l’unique tentative. Rappelons que pour l’année 2017, les chiffres ont donné – donnent – froid dans le dos. Selon la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme « du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, plus de 3 109 tentatives d’immigration clandestine avaient été déjouées par les garde-côtes algériens sur le littoral ». La LADDH avait alors assuré – comble de malheur ! – que ce chiffre ne reflétait en aucun cas la réalité du terrain, puisqu’il s’est agi uniquement des harraga qui ont été arrêtés. En fait, l’on n’avait pas tenu compte de ceux qui étaient morts noyés en mer lors de leur fatale aventure et qui n’ont jamais été repêchés. L’année 2018 ne sera pas plus clémente : la LADDH parlera de quelques 4000 tentatives, soit plus d’une dizaine de tentatives, en moyenne, la journée.
Puis, il y a eu le Hirak, ce doux monstre qui a marché dans toutes les rues de l’Algérie et qui promettait « liberté, dignité et prospérité ». Et, durant quelques mois – peut-être deux, au plus trois –, les Algériens ont presque cessé de se jeter à la mer. « Nous n’avons enregistré durant cette période aucun départ à partir de l’Est. Mieux, durant les premières manifestations, les jeunes disaient : ça ne sera plus nous les harraga mais les décideurs », déclarait Kouceila Zerguine, avocat spécialisé dans les questions migratoires, à une journaliste du Point. Mais, hélas ! le rêve (celui de pouvoir vivre dignement dans son pays) ne durera pas trop longtemps : durant le mois de septembre seulement – le doux monstre ayant peut-être commencé à montrer ses limites et son incapacité à mettre sur pied un pays moderne –, les services de sécurité ont mis en échec 720 tentatives d’émigration illégale. Le mois d’avant (août), on n’en avait enregistré que 336, moins que la moitié. En un week-end seulement de la fin du mois de septembre, « 121 personnes ont été interceptées au large du territoire maritime national », rapportait, en outre, la presse nationale. Pour mieux illustrer l’ampleur de la reprise de ce phénomène, rappelons qu’en seulement 24 heures (c’était entre le 26 et le 27 décembre de l’année écoulée), pas moins de 11 tentatives d’immigration illégale ont été déjouées au large des côtes de Mostaganem.

Les passeurs, ces commerçants de rêves
Et pour rester à Mostaganem – une nouvelle fraîche, comme dirait un journaliste friand des nouvelles fraîches – un réseau d’organisation d’émigration clandestine y a été démantelé. « “Huit personnes ont été arrêtées dont un mineur suite à ce démantèlement”, a-t-on appris jeudi de source sécuritaire », a écrit l’APS. « Cette opération, rajoute la même source, intervient suite à des informations faisant état d’une personne préparant une traversée d’émigration clandestine par mer à partir de la plage “Rocher” située à l’ouest de Benabdelmalek Ramdane ». Les investigations et enquêtes diligentées par la police ont permis d’arrêter deux personnes sur la plage : un passeur âgé de 24 ans et un mineur (17 ans) et ensuite appréhender six membres du réseau originaires de la wilaya de Mostaganem, a-t-on fait savoir. Rapportons l’information au complet, puisque c’est là de l’actualité « glaçante » : « pour le délit du trafic d’émigrés par un groupe criminel organisé et de mise en danger de la vie de personnes dont un mineur, les personnes arrêtées ont été présentées devant la justice, qui a ordonné de placer deux en détention provisoire et le reste sous contrôle judiciaire ». Du répressif qui, on le voit au quotidien, n’apporte pas grand-chose : tant que l’absence de perspectives demeurera, les tentatives de quitter le pays par tous les moyens se poursuivront. Qualifiés par certains de criminels, les passeurs continuent, rêves de fortune obligent, à sévir. Pour des sommes pour lesquelles beaucoup d’Algériens ont travaillé dur, ils proposent, dans la majorité des cas, des embarcations de fortunes : souvent des bateaux pneumatiques poussés par des moteurs à la qualité douteuse. Et ce n’est pas cette donnée – secondaire, en fait – qui va dissuader les Algériens de se jeter à la mer, car ils continuent à rêver. C’est un peu leur nature. C’est un peu la nature de l’Homme…
Hamid Fekhart

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