Accueil Culture+ Cinéma : «Knight of Cups», adieu à la narration

Cinéma : «Knight of Cups», adieu à la narration

0

Poème filmique sur le vide de nos vies contemporaines, «Knight of Cups» de Terrence Malick, qui sort ce mercredi sur les écrans, désoriente les sens mais peine à émouvoir.
Depuis «Les Moissons du ciel», son second long métrage, et plus sûrement depuis «Tree of Life», son film-somme, Palme d’or du Festival de Cannes en 2011, le cinéaste américain Terrence Malick cherche une forme cinématographique qui se débarrasserait de la narration traditionnelle pour approcher quelque chose de plus immédiatement sensible. Il n’est bien sûr par le seul ou le premier à utiliser le montage comme un cheminement d’idées formelles et non de sens, mais le fait qu’il soit, peut-être malgré lui, un metteur en scène qui parvient à convaincre les stars hollywoodiennes à le suivre dans ses aventures cinématographiques, transforme ses projets en un gigantesque ballon de baudruche prêt à exploser. Lors de la présentation au Festival de Venise d’«A la merveille», une partie de la presse avait sifflé son essai poétique. S’il s’appelait Terrence Malickothekul et tournait avec des acteurs inconnus, personne ne trouverait à redire quant au style unique et non narratif de son montage.

ASSOCIATION D’IDÉES ET D’IMAGES
Son dernier essai peut se résumer en quelques lignes, tant ce n’est pas le propos, il nous semble, qui l’intéresse ici. Rick (Christian Bale, plus convaincant que Ben Affleck dans le rôle du taiseux sur lequel passe l’émotion) est une superstar d’Hollywood déconnectée du monde réel. Il passe de femme sublime en femme sublime à la recherche de l’amour et de «la perle», cette chose qui comblerait son cœur. Il erre dans un désert affectif, au sens propre comme au sens figuré, essayant de se souvenir qui il est réellement, au commencement de son existence, alors qu’il n’a pas «tué le père» avec son frère.
Chapitré par des figures de Tarot, «Knight of Cups» tient de la métaphore sur la décadence de nos existences déconnectées dont les signaux de vie se résument à de factices panneaux de publicité dans la nuit noire de Los Angeles ou de Las Vegas. La «grande beauté» de l’industrie du rêve, des décors de cinéma et des propriétés hollywoodiennes est bien sûr un leurre, un miroir déformé de la réalité, une boule de verre dans laquelle vivent de riches blancs oisifs et perdus. Terrence Malick fait délibérément le choix de laisser la dimension sociale hors champ – tout juste quelques plans sur un lépreux et une SDF avec un gobelet America au premier plan-, ce qui peut laisser songeur quant à sa connaissance du monde réel et donne parfois au spectateur l’impression de feuilleter une revue d’art contemporain. Cela limite l’universalité d’un film alors qu’il se place pourtant immédiatement sous cette égide – magnifique ouverture cosmique qui rappelle «Tree of Life».
Sur le plan formel, «Knight of Cups» surprendra ceux qui critiquent l’approche publicitaire de son cinéma. Le travail du chef opérateur Emmanuel Lubetzki («Gravity», «Birdman») sur les différentes textures et registres d’images trouve ici un prolongement presque naturel. Il est impossible de prévoir l’enchainement des plans – voilà bien une différence fondamentale avec la publicité – et il arrive souvent qu’une même scène mélange des plans filmés à la Go Pro ou avec d’autres caméras numériques et plans tournés en 35 ou en 65 millimètres. Le rendu est parfois extraordinaire et si la voix-off est parfois absconse – le propos général reste néanmoins limpide -, la beauté conceptuelle de l’«objet» rend «Knight of Cups» à la fois unique et précieux.

Article précédentBoumerdès : la robe kabyle dans toute sa flamboyance, clou de la semaine culturelle de la wilaya à Constantine
Article suivantCAN-2015 (U 23) : les Verts s’envolent aujourd’hui pour le Sénégal