À un peu plus d’un mois des élections en Libye, prévues le 24 décembre, le Premier ministre Abdelhamid Dbeibeh est interpellé par un groupe de parlementaires sur la proposition qu’il a faite à la société pétrolière française TotalEnergies de lui vendre la société américaine Hess Corporation, c’est à dire prendre une participation de 8,16 % dans la société libyenne Waha Oil Company, ce qui porterait la part de Total dans Waha à 24,49 %.
Actuellement, la National Oil Corporation détient 59,18% des concessions d’Al Waha, en association avec Total avec 16,33%, Conoco Phillips avec 16,33% et Hess avec 8,16%. Ce samedi, selon le journal libyen Chahed, 56 membres de l’Assemblée libyenne ont signé une déclaration pour demander l’arrêt de la transaction concernant l’augmentation de la participation de Total dans la société Waha Oil Company. Les signataires ont refusé que le gouvernement Dbeibeh cède une part d’Al Waha de 8,16% à travers la prise de contrôle de la société américaine Hess Corporation. Ils rappellent que seul le ministère du Pétrole est habilité à faire l’étude et l’évaluation de cette transaction et qu’il faut se référer au Conseil des ministres si nécessaire. Ils estiment que la surprenante décision du Premier ministre n’est pas réfléchie et qu’elle constitue une atteinte à la source de revenus des Libyens avec de graves dommages à l’économie du pays. Les parlementaires signataires de cette déclaration attirent l’attention sur le volume, très grand, de la transaction et sur le fait qu’elle est en violation des dispositions législatives en vigueur dans le domaine pétrolier en Libye. Ils indiquent que les entreprises libyennes peuvent acheter cette part comme il est possible également d’associer le secteur privé. Les 56 parlementaires mettent en garde le gouvernement de Dbeibeh contre la poursuite de cette transaction, d’autant plus, soulignent-ils, qu’elle ne relève pas de ses attributions. Ils demandent l’abandon de la vente de Hess Corporation à la société Total, en vertu du droit de préemption prévu par le Droit libyen. Ils menacent de faire ouvrir une enquête officielle sur cette affaire au sein de l’Assemblée et de prendre les mesures nécessaires pour empêcher cette vente, protéger la richesse du pays, et exiger des comptes aux responsables impliqués. Le journal Chahed rapporte que des fuites ont révélé que le Premier ministre libyen a fait son offre à Total, 3 jours avant la Conférence de Paris sur la Libye. Il indique ne rien savoir sur le montant de la transaction, ni sur la réponse de Total, mais révèle, par contre, que le Premier ministre aurait demandé à Total « 45 millions de dollars à affecter aux domaines du développement et de la jeunesse ».
La démarche des 56 parlementaires libyens opposés à la vente de Hess Corporation à Total, met au grand jour les enjeux pétroliers des élections prochaines en Libye. La priorité en Libye, une fois la situation politique stabilisée par les élections, sera de trouver les financements pour la reconstruction et pour relancer son économie notamment à travers le secteur pétrolier. Dans cette perspective, TotalEnergies qui a fortement renforcé sa présence dans le pays ces dernières années (elle est présentée comme la seconde compagnie la plus active en Libye en termes de valeur, notamment après le rachat des parts de la compagnie américaine Marathon Oil dans le consortium de Waha), a l’intention d’investir dans les activités pétrolières et gazières. Selon les sources spécialisées, «le groupe français semble faire de la Libye un objectif prioritaire afin d’assurer le développement de sa production pétrolière et gazière future ». Pour les mêmes sources, «la Libye est une cible de choix car elle offre des réserves importantes, un brut de grande qualité et des coûts de production très bas». Pour rappel, les spécialistes insistent sur le poids de la Libye : les plus importantes réserves pétrolières d’Afrique et d’importants gisements gaziers en mer Méditerranée.
M’hamed Rebah