La Syrie vient de rompre avec son passé. Les damascènes se sont réveillés hier matin avec le bruit des tirs d’armes à feu et des pickups roulant à vive allure dans les rues de la capitale syrienne. Un homme de 42 ans, Abou Mohammed al-Joulani, de son vrai nom Ahmed al-Chareh, à la tête d’un groupe d’hommes armés qui ont pris pour surnom « Hayat Tahrir al-Sham » (HTS), a pris le pouvoir en Syrie dans la nuit de samedi à Dimanche. Au moment où nous écrivons ces lignes, on est sans nouvelles de l’ancien président, Bachar Assad, qui aurait quitté le pays en compagnie de sa famille. L’homme fort du moment, Al-Joulani, serait originaire du Golan. Sa famille aurait fui après l’occupation de cette zone syrienne par Israël en 1967. Il dirige un mouvement issu d’une scission d’Al Qaïda et semble bénéficier du soutien de la Turquie, tandis que la France vient de se « réjouir » de la chute de Bachar Assad et que l’Allemagne considère que « c’est une bonne nouvelle ». Pour la Russie, allié du régime de Assad, son porte-parole, Dimitri Peskov, a déclaré, dimanche, que « Suite aux négociations entre Bachar el-Assad avec un certain nombre de participants au conflit armé sur le territoire de la Syrie, il a décidé de démissionner de son poste présidentiel et a quitté le pays en donnant l’instruction de procéder au transfert du pouvoir de manière pacifique ». Ce qui semble accréditer cette thèse c’est cette déclaration du Premier ministre syrien, Mohammad Ghazi al-Jalali, qui s’est dit prêt à coopérer avec « tout leadership que choisira le peuple syrien ». Les forces d’Al Joulani ont effectivement déclaré être en contact avec lui et ont interdit aux membres de leur groupe « de s’approcher des institutions publiques ». Il faut un peu plus de recul pour avoir une idée très précise sur les objectifs de cet homme et des hommes qui l’accompagnent. Mais d’ores et déjà et si vraiment El-Joulani (du nom du Golan) est originaire du plateau syrien occupé par Israël, l’État hébreu a quelques soucis à se faire. Pourtant certains médias occidentaux affirment, selon leurs sources, que la chute de Assad profite à Tel-Aviv. Ceci dit, le conflit armé en Syrie a débuté avec ce qui est communément appelé « le printemps arabe » en 2011. Aidé militairement par la Russie et de l’Iran, Assad a pu contenir les assauts des groupes armés ponctués par des bombardements de l’armée sioniste. Après une accalmie qui aura duré 8 années, les hostilités ont repris. À la surprise générale et en moins d’une semaine les groupes d’Al Joulani ont réussi à prendre toutes les villes à partir d’Alep et jusqu’à Damas. Il est à craindre que ce n’est pas la fin du désordre, car la Turquie pourrait, dans ce pays multiethnique, poursuivre les kurdes qui eux combattent pour leur autonomie. L’autre question concerne l’avenir des deux bases militaires russes de Tartous et de Kheimim. Il est stratégiquement difficile pour la Russie de quitter cette partie de la Méditerranée. On en saura plus dans quelques jours. Le temps de la décantation !
Zouhir Mebarki