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CRISE AU NIGER : L’Algérie tempère les ardeurs

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Tout en invitant « les putschistes » à retourner à l’ordre constitutionnel au Niger, la diplomatie algérienne tente d’assagir la Cédéao pour évacuer le risque d’intervention militaire. Autrement que la solution doit être pacifique, sinon bonjour les dégâts !

Le président du Benin, Patrice Talon, et son homologue ghanéen, Nana Akufo-Addo, à la tête de deux pays qui sont membres de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui menace d’intervenir militairement au Niger pour rétablir l’ordre constitutionnel dans ce pays de la sous-région, après le coup d’état du 26 juillet dernier, sont attendus prochainement en Algérie, dans des visites séparées, à l’invitation du président, Abdelmadjid Tebboune.
Vu les circonstances actuelles, et la menace d’un embrasement total de toute la région, la crise au Niger aura sûrement la part du lion des discussions entre les dirigeants de ces pays au moment venu. En effet, la situation inquiétante au Niger constitue une priorité pour les pays de la région pour éviter le spectre d’une guerre élargie avec notamment les mises en garde du Mali et du Burkina Faso qui affirment que toute agression contre le Niger est synonyme d’une déclaration de guerre à leur encontre et la réponse ne sera que commune et coordonnée. La crise au Niger pourrait ainsi précipiter la venue de ces dirigeants africains en Algérie eu égard à son caractère urgent menaçant la stabilité de toute la région. L’organisation ouest-africaine, rappelle-t-on, a menacé de déloger de forces les militaires putschistes s’ils refusent le retour à l’ordre constitutionnel.

La diplomatie algérienne en marche
Dans le feu de tous ces échanges entre les va-t-en en guerre poussés par la France et les pays qui s’y opposent, l’Algérie qui s’est déclarée, dès le début, contre toute intervention militaire au Niger a actionné sa machine diplomatique en dépêchant, dans la région, depuis mercredi dernier, son ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, M. Ahmed Attaf, investi d’une mission de « déminage » dans la région. Le chef de la diplomatie algérienne est porteur d’une approche politique de sortie de crise sans effusion du sang élaborée par le président Tebboune visant à éviter une guerre de trop, à des conséquences incalculables, sur toute la région. Le diplomate algérien a entamé sa mission à partir du Nigéria, pays voisin du Niger et président en exercice de la CEDEAO, où il a plaidé l’approche de l’Algérie qui a finalement reçu un écho favorable auprès des dirigeants nigérians. Le chef de la diplomatie s’est ensuite envolé vendredi au Benin, pays frontalier du Niger avant de rejoindre la capitale ghanéenne, Accra, dernière escale de sa tournée régionale en vue de rallier ces pays à la position algérienne et son approche.
À Cotonou (Bénin) le chef de la diplomatie algérienne a passé en revue, avec son homologue béninois, M. Adjadi Bakari Olushegun, les récents développements de la crise au Niger et les moyens de contribuer à apaiser la situation et d’œuvrer en faveur d’un retour à l’ordre constitutionnel dans le pays pour préserver sa sécurité et sa stabilité.
Les deux ministres ont également échangé des informations et des analyses sur « les efforts consentis en faveur de la solution pacifique et pour éviter le recours à la force, qui risque d’exacerber les défis auxquels le Niger et la région tout entière sont confrontés.
« Nous sommes, au sein de la Cédéao comme en Algérie, sur une même ligne de travail celle de coordonner au maximum nos efforts pour aboutir à la réalisation d’un objectif commun qui est la restauration de l’ordre constitutionnel au Niger », a déclaré à la presse M. Attaf, chargé dans sa mission par le président Tebboune. Le diplomate algérien a affirmé que l’organisation économique et l’Algérie regardent dans la même direction et travaillent pour un objectif commun, à savoir: la restauration de l’ordre constitutionnel au Niger, assurant que les deux parties « sont actuellement dans le temps de la recherche d’une solution politique » à la crise nigérienne.
Ahmed Attaf, a réaffirmé, à l’occasion, sans équivoque, que la crise dans ce pays est le résultat d’un changement anticonstitutionnel » qui est « au centre des préoccupations de la Cédéao et aussi de celles de l’Algérie ».
Sur l’intervention militaire, le diplomate algérien a rappelé la position de l’Algérie qui a toujours rejeté les interventions (militaires) étrangères partout où elles se sont produites ».
Ahmed Attaf a rappelé, dans ce cadre, que le recours à la force « a toujours été un élément de complication et non pas un élément de solution », rappelant les conséquences désastreuses des interventions militaires en Irak, en Syrie et en Libye.

Convergence de vue
entre l’Algérie et le Bénin
« Nous partageons cet attachement à la conquête du pouvoir par les urnes et non pas par les armes. Nous partageons aussi le fait qu’on ne peut pas laisser prospérer dans la région des régimes militaires non constitutionnels », a souligné, de son côté, son homologue béninois, Adjadi Bakari Olushegun, réaffirmant la convergence des points de vue entre l’Algérie et la Cédéao et donc par ricochet entre l’Algérie et le Bénin », à propos de la crise nigérienne.
« Nous allons travailler ensemble pour que les objectifs fixés par les présidents Abdelmadjid Tebboune et Patrice Talon (du Benin) puissent se matérialiser le plus rapidement possible concernant le Niger ».
À propos de ce dernier point, il faut rappeler que les deux dirigeant ont eu des concertations téléphoniques dès le début de la crise et se sont engagés à œuvrer en faveur d’un retour à l’ordre constitutionnel dans le pays pour préserver sa sécurité et sa stabilité et éviter l’effusion du sang, et l’embrasement de toute la région, tout en réaffirmant leur attachement aux respect des règles légales en usage de l’Union africaine (UA), instaurées lors du Sommet de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) tenu à Alger en 1999, visant à traiter le fléau des changements anticonstitutionnels de gouvernements.

Le Ghana salue les efforts de l’Algérie
Poursuivant sa noble mission dans la région, le ministre Ahmed Attaf, s’est rendu, hier, en provenance du Bénin, au Ghana, troisième et dernière escale de son périple pour plaider la vision algérienne et son approche politique de sortie de crise au Niger. Le diplomate algérien a été reçu à l’occasion par le président de la République du Ghana, Nana Akufo-Addo, « auquel il a transmis les salutations » du Président en plus d’un message portant sur la crise au Niger et les perspectives d’intensifier et d’unifier les efforts pour promouvoir les bases d’un règlement pacifique évitant à ce pays et aux pays de la région, les répercussions d’une éventuelle escalade de la situation.
« Les entretiens avec le président Nana Akufo-Addo étaient très fructueux et ont fait ressortir une totale convergence de vues entre nos deux pays et nos deux Présidents. Ils ont souligné l’attachement permanent et commun des deux parties au renforcement de la sécurité et de la stabilité au mieux des aspirations de nos peuples dans la région », a déclaré Attaf à la presse à l’issue de l’audience que lui a accordée le Président ghanéen.
Sur la situation au Niger, le ministre Attaf a indiqué avoir informé le Président ghanéen « des initiatives prises » par son homologue algérien pour renforcer la position et le rôle de la voie politique dans la résolution de cette crise », car, enchaîne-t-il, cette voie « demeure » aux yeux de l’Algérie la seule permettant d’atteindre les objectifs autour desquels s’unissent tous les peuples et États de l’Union africaine, et soutenus par la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ».
Ces objectifs clairement définis par le président Tebboune, affirme le ministre, consistent en le respect total et strict du cadre juridique africain lié aux changements anticonstitutionnels de gouvernements, le retour à l’ordre constitutionnel au Niger, et la réhabilitation totale de la gouvernance démocratique dans ce pays frère, préserver les acquis réalisés par le Niger au cours de la décennie écoulée aussi bien sur le plan de la concrétisation du modèle démocratique que sur le plan de la lutte contre le terrorisme et le soutien de la stabilité dans le pays de manière directe et dans la région de manière indirecte, et éviter au Niger, et à toute la région, les répercussions du recours à la force, et les dangers des interventions étrangères qui risquent d’embraser la situation dans ce pays et dans la région toute entière ».
Pour sa part, le président ghanéen Nana Akufo-Addo a chargé M. Attaf de transmettre ses « salutations et ses encouragements à son frère le président Abdelmadjid Tebboune », saluant « son rôle important et ses efforts louables visant à contribuer efficacement à mettre un terme à la crise au Niger », affirmant qu’il aspirait à rencontrer le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, lors de la visite d’État qu’il compte effectuer en Algérie.

L’approche algérienne gagne du terrain
Après le Nigéria, le Bénin et le Ghana, qui constituent ainsi des soutiens de taille pour l’Algérie, l’approche algérienne pour une résolution pacifique de la crise dans ce pays a eu également le soutien de l’Italie, membre de l’Union européenne, qui s’est déjà déclarée, elle aussi, pour une solution négociée et contre l’usage de la force pour rétablir l’ordre constitutionnel. En effet, dans un appel téléphonique passé au diplomate algérien, son homologue italien, M. Antonio Tajani, lui a affirmé que le Gouvernement italien « soutient » et « salue hautement » l’initiative du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, visant à faire prévaloir la logique de la solution politique à la crise au Niger.
« L’Italie partage pleinement l’inquiétude de l’Algérie quant aux répercussions du recours à la force », affichant « la disposition de son pays à soutenir les efforts et les démarches de l’Algérie, visant à apaiser la situation et à œuvrer au retour à l’ordre constitutionnel au Niger par des voies pacifiques », a ajouté le ministre italien cité dans un communiqué.
Le soutien des Italiens intervient quelques jours après les déclarations de l’ambassadrice américaine en Algérie, Elizabeth Aubin, qui a réaffirmé que Washington est en convergence totale avec Alger sur la situation au Niger qui privilégie la voie du dialogue pour trouver une issue à la crise à Niamey, assurant que l’Algérie est un partenaire important de ce pays de la sous-région et comprend bien la situation au Niger.
Outre les pays déjà cités, plusieurs autres pays se sont prononcés contre une intervention militaire au Niger priorisant la voie diplomatique pour résoudre le conflit, à l’instar de l’Allemagne pour ce qui est de l’Union européenne, la Turquie, 2ème force militaire au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) et l’Égypte également, entre autres.
Entre temps, les déboires de la France dans la région chassée déjà de plusieurs pays d’Afrique notamment parmi les alliés de Niamey, n’en finissement visiblement pas. En effet, son ambassadeur à Niamey, Sylvain Eit, vient d’être sommé de quitter le Niger dans les 48 heures sur décision du Conseil militaire et ce pour avoir refusé, selon le communiqué du ministère nigérien des Affaires étrangères de répondre à son invitation à mener un entretien, et « d’autres actions du gouvernement français contraires aux intérêts du pays.
Brahim O.

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