Le jazzman et son unique spectateur se font face dans une cave parisienne, à cinq mètres de distance. La Gare est le nom de cette Ssalle de jazz parisienne qui a improvisé un nouveau type de spectacle : le concert à spectateur unique.
Quelques mots de bienvenu au concert et le son du saxophone jaillit, cristallin, comme une libération après plusieurs mois sans musique live pour cause de coronavirus. Depuis le 2 juin, la salle de jazz parisienne La Gare, dans le nord-est de Paris, organise chaque soir une centaine de «concerts solos pour spectateurs seuls», d’environ cinq minutes, à un prix étudié afin de satisfaire et l’artiste et le spectateur accro de musique gratifié d’un concert privé. Après l’inscription, il faut attendre son tour, le temps que les noms sur la liste s’égrènent un à un. Puis la porte se referme pour un spectacle unique, un face-à-face de quelques minutes avec le musicien. Le lien par le passé plein de monde s’offre au spectateur à lui tout seul. Cette longue crypte à arcades est alors plongée dans l’obscurité. Tout au bout, deux lampes, un tapis persan et deux bouquets de fleurs blanches donnent au décor une ambiance tamisée et intimiste. «Bonjour, comment tu t’appelles?», demande l’artiste du soir. Des jeux d’ombre et de lumière se dessinent sur sa peau. Assis sur une chaise à quelques mètres de lui, mesures de distanciation obligent, le spectateur se présente et le «concert solo» peut commencer. Chaque nouveau concert est une nouvelle rencontre. Un émerveillement pour les uns, une découverte pour d’autres. Les couples, les amis, pas plus de deux peuvent accéder à ces concerts uniques que le spectacle français a improvisés pour assurer sa survie en mode corona. À la sortie, les spectateurs sont sous le charme. «Il nous a regardés et je pense que ce qu’il a joué, c’était juste pour nous. C’est comme un chef en cuisine qui te fait un plat juste pour toi», témoigne Alizée Jarycki, 30 ans, venue avec son compagnon. Les yeux encore brillants d’émotion, Thomas Gien s’extasie : «Je vais pouvoir me coucher avec des étoiles dans les yeux». Les deux cogérants de l’espace refusent d’organiser des concerts habituels avec des règles de distanciation entre les spectateurs. Ils refusent de limiter leur grande salle de concert à 50 personnes alors qu’elle peut prendre cinq fois plus. Avec « Un concert solo, tu repars avec un souvenir pour la vie», explique Yacine Abdeltif. «En termes économiques, pour l’instant, c’est catastrophique», admet son associé Julien De Casabianca, qui estime que les recettes sont quatre à dix fois moins importantes qu’en temps normal. À raison d’une centaine de microconcerts solos par soir à partir de 21H00, La Gare annonce 3 000 prestations pour le mois de juin.
Ali El Hadj Tahar
