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Cloverfield Lane : le scénario original était très différent du film

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Le huis clos produit par J. J. Abrams a bien changé entre son écriture et sa mise en scène. Le projet de Bad Robot, sorti mercredi, n’est connu sous le nom de 10 Cloverfield Lane que depuis le 15 janvier, date à laquelle le studio a mis en ligne sa première bande-annonce. Avant cela, il fut lancé sous le titre The Cellar, à partir du scénario éponyme de Matt Campbell et Matt Stuecken écrit en 2012. Après avoir été modifié par Damien Chazelle, qui voulait pendant un temps le réaliser, le projet a finalement été mis en scène par Dan Trachtenberg en fin d’année 2014.

La technique promotionnelle est maligne, mais si vous lisez ces lignes, c’est que vous avez vu le film et que vous savez que malgré tous les mystères de l’équipe, le long-métrage n’a finalement pas grand-chose à voir avec Cloverfield, produit par la même firme en 2008.
Comme lui, c’est un film de monstres, mais plutôt au sens figuré (les révélations sur le personnage de John Goodman) plutôt que pour ses créatures vues à la fin, car rien de dit que celle du « found footage » de Matt Reeves est liée aux extra-terrestres de 10…
Jusqu’à quel point ce long-métrage de science-fiction a-t-il été pensé comme un épisode de la saga Cloverfield ? C’est difficile à dire, surtout quand on découvre la première version de son scénario, qui s’éloigne encore plus de l’intrigue du film sorti il y a huit ans. The Film Stage détaille ainsi l’histoire de The Cellar en la comparant point par point à celle du résultat final, révélant qu’à la base, le projet était très différent du long-métrage final. Voici les détails.

Michelle n’était pas un personnage aussi fort
Le long-métrage met clairement en avant Michelle (Mary Elizabeth Winstead), une jeune fille d’une vingtaine d’années, douée pour le stylisme, qui est déterminée à savoir pourquoi elle est retenue contre son gré dans un abri atomique. Méfiante, elle ne croit pas tout ce qui lui dit Howard (John Goodman) ou Emmett (John Gallagher Jr). Guidée par son instinct de survie, elle rentre dans leur jeu pour mieux tenter de leur échapper, multipliant les plans pour quitter les lieux.
Dans The Cellar, Michelle était plus jeune (18 ans environ). L’étudiante n’avait pas trouvé sa voie, et son accident de voiture était en partie lié au fait qu’elle conduisait sous l’emprise de l’alcool après s’être chamaillée avec son copain lors d’une soirée. Moins prompte à imaginer des moyens d’évasion, elle se retrouvait malgré elle au cœur d’une rivalité masculine entre Howard et Emmett (alors appelé Nate), le premier voyant en elle l’image de sa fille et le second une conqête facile à manipuler.
Howard était déjà ambigu, mais aussi plus émouvant
« Que ce soit dans le film ou dans le premier scénario, Howard est un personnage compliqué, écrit The Film Stage. Mais pas de la même manière ». A l’écran, c’est un survivaliste se présentant comme un protecteur organisé, qui veut diriger sa « petite famille » comme il l’entend. Il souffre du fait de ne plus voir sa fille, Megan, qui a déménagé à Chicago quand il s’est séparé de sa femme, mais Michelle finit par se rendre compte que la photo de l’adolescente qu’il présentait comme sa fille est en fait celle d’une autre jeune femme. S’il avait raison sur le fond (le monde extérieur est bien en pleine destruction), il n’en est pas moins complètement dérangé, le film laissant entendre qu’il a vraisemblablement tué cette fille avant de provoquer l’accident de Michelle.
Dans The Cellar, le personnage était aussi grincheux et inquiétant, mais finalement plus touchant et mélancolique qu’à l’écran. C’était un ancien alcoolique, souffrant également de la disparition de sa fille. La reconnaissant dans la personnalité de Michelle, il finissait par lui avouer avoir tué sa femme, au cours d’un accident de la route. Il conduisait ivre mort, ce qui lui fit perdre au passage la garde de Megan. Il n’était donc pas question de meurtre au premier degré dans cette version, mais plutôt d’un accident le hantant encore des années plus tard.

Nate était un traître
Dans la première version, Emmett s’appelait Nate et il se blessait déjà en tentant d’intégrer l’abri. Sauf que la scène ne se passait pas avant l’arrivée de Michelle, mais au milieu de l’intrigue, à la place du passage de la femme infectée. Détail intéressant : il arrivait vêtu d’une combinaison de protection, ce qui intrigait l’héroïne puis accélérait son évasion, vu qu’elle n’avait pas à la fabriquer. Dès son arrivée, Nate se lançait immédiatement dans un rapport de force malsain avec Howard, et dans un jeu de séduction tout aussi manipulateur avec l’héroïne. Ils finissaient par avoir une relation sexuelle doublement intéressée -jugée « cliché » par la source- une sorte de pacte pour se protéger l’un/l’autre des coups de colère de Howard, avant de le piéger un peu comme dans le film pour lui voler son arme. Sauf que juste avant le climax où ce dernier tire dans la tête du jeune homme, Nate révélait avoir témoigné contre Howard lors du procès pour une histoire d’argent. Au sein de ce trio initial, c’était donc lui le méchant, et non Howard, même si ce personnage était déjà caractériel et dirigiste.
Notons qu’il n’y avait aucun moment de calme au milieu de toute cette tension, contrairement à la partie du film où les habitants du bunker se détendent sur l’air d' »I Think We Are Alone Now », de Tommy James & The Shondells. Il n’y avait donc pas non plus la scène du « Taboo », où Howard effraie les deux jeunes en tentant de leur faire deviner un mot anodin.

La fin n’a plus rien à voir
Le climax entre Michelle, Howard et Nate était très différent de celui montré dans le film, même s’il se terminait de la même manière : Nate était subitement assassiné et la jeune femme restait seule avec Howard, toujours bien décidé à la « protéger ». Elle réussissait pourtant à lui échapper et à se sauver de l’abri, mais il restait en vie, la poursuivant dans le champ en lui criant de « faire attention ». Se retrouvant seule sur une route vide, elle grimpait alors sur une colline pour chercher des secours et découvrait que la ville la plus proche était en flammes. Aucune trace d’extra-terrestre, en revanche. Rien n’était expliqué sur l’origine de toute cette destruction, ni sur ce qu’elle allait faire une fois libérée. Elle comprenait simplement que Howard avait raison sur ce point, avant de retirer son masque à gaz.
Sans monstre ou extra-terrestre à proprement parler, le film n’était donc même pas vraiment de la science-fiction! En se terminant de cette façon, la scène d’apocalypse dévoilée à la fin pouvait, en effet, avoir été causée par l’homme (explosion atomique, attentat chimique etc.). Un thème déjà exploré au cinéma et à la télévision (dans La Quatrième Dimension et Metal Hurlant, notamment), qui plaçait encore plus clairement cette histoire dans la veine d’un huis clos classique que dans la lignée de Cloverfield.
La première version était-elle meilleure, ou l’équipe a-t-elle bien fait de transformer son intrigue ? Le scénario déniché et décrypté par The Film Stage prouve en tout cas que le projet a évolué pour être rattaché à Cloverfield, alors qu’il n’avait absolument aucun rapport avec ce film à la base.

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