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Aretha Franklin : La trame sonore des droits civiques

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De ses cachets versés à des collectes de fonds, à ses hymnes et sa voix phénoménale qui ont électrisé les activistes, Aretha Franklin est intimement liée au mouvement des droits civiques.

Comme si elle en avait écrit la partition… «Respect», sa signature, sa chanson, reprise d’un tube d’Otis Redding, deviendra une ode féministe, mais aussi un hymne derrière lequel de nombreux Noirs américains, hommes et femmes, se rassembleront à travers le pays dans les années 60, combattant, pacifiquement, pour l’égalité des droits. Sa musique a toujours été «source de joie», confie à l’AFP Jesse Jackson, figure du mouvements des droits civiques. Aretha Franklin «a usé de son rang pour d’autres enjeux que la seule chanson», dit-il, depuis Chicago. «Certains chanteurs acceptent les compromis sur leur intégrité raciale, de genre, pour atteindre des records», poursuit-il. Pas Aretha Franklin. Sa musique a toujours été «optimiste, portant les individus toujours plus haut». Jesse Jackson a connu Aretha Franklin adolescent. Et il a rendu visite mercredi, la veille de sa disparition, à la «Reine de la Soul», pour prier à ses côtés. Le pasteur se souvient de «la chaleur de sa main». «C’était très difficile de lui dire au revoir.»

«Elle est restée debout»
Aretha Franklin est née dans un sud ségrégué, à Memphis, dans le Tennessee, le 25 mars 1942. Sa famille s’est ensuite installée à Detroit, dans le Nord. Son père, C.L. Franklin était un pasteur baptiste et militant pour les droits des noirs américains, aidant Martin Luther King à organiser, en juin 1963, la Marche pour la Liberté à travers le centre de Detroit, seulement deux mois avant son discours historique «I have a dream» à Washington. L’icône des droits civiques était un ami proche du père d’Aretha Franklin, venant à l’occasion à Detroit, afin de passer du temps dans la maison familiale ou à la New Bethel Baptist Church, l’église où officiait C.L. Franklin, confiait en 1999 la chanteuse à la radio NPR. «A une reprise quand nous avions des difficultés à lever de l’argent à cause de la posture anti-guerre du docteur King, elle a chanté gratuitement, levant de l’argent pour la cause», poursuit Jackson. «Une nuit à Houston au Texas, elle était sur scène et ils ont lancé du gaz lacrymogène sur le ventilateur», décrit-il. «Elle a continué à chanter, elle est restée debout.» Aretha avait chanté aux funérailles de Martin Luther King. Quarante ans plus tard, elle donnait de la voix à l’investiture de Barack Obama, le premier président noir de l’histoire des états-Unis.
«Muse» «Dans sa voix, nous pouvions lire notre Histoire, dans son entièreté et dans toutes ses nuances: notre puissance et nos peines, notre côté sombre et notre lumière, notre quête de la rédemption et le respect gagné difficilement», a salué Barack Obama après sa disparition. Le NAACP, la grande organisation de défense des droits civiques, a remis en 2008 à Aretha Franklin un prix pour son action. «Personne ne peut évoquer le mouvement des droits civiques ni la musique sans offrir son respect à la Reine de la Soul», a indiqué, le président du NAACP, Leon Russell. La légende de la soul a donné argent et conseils aux activistes américains pour les droits civiques. En 1990, elle a chanté à un rassemblement dans sa ville en l’honneur de la libération de Nelson Mandela en Afrique du Sud. Montant sur scène, Mandela a raconté à quel point il avait apprécié écouter «le son de Detroit» quand il était enfermé. «Quand elle chantait, elle incarnait ce pour quoi nous nous battions et sa musique nous renforçait. Elle nous revigorait», se remémore l’élu du Congrès John Lewis, autre figure historique du mouvement. «Elle était comme une muse dont les chansons nous donnaient la force de continuer. Sa musique nous a donné un plus grand sentiment de détermination pour ne jamais abandonner ni capituler et pour garder la foi.» Pour des générations de femmes, d’Afro-Américaines en particulier, elle était une icône, une inspiration, un modèle qui a représenté non seulement le combat pour l’égalité des droits mais aussi l’égalité hommes-femmes. Devant l’église de son père le soir de son décès, un ouvrier, Maurice Black, 53 ans, ayant grandi dans le quartier, a raconté que sa mère allait venir depuis l’Alabama dans un convoi de deux voitures pour assister aux funérailles d’Aretha Franklin. «Vous devez comprendre, elle était les droits civiques, donc tous les gens du sud vont être ici à Detroit», dit-il. «Vous pouvez me croire.»

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