Tout le monde ici a plus ou moins en mémoire le plan de schéma directeur qui cherche à faire du tourisme, par la valorisation des sites touristiques, un secteur aussi rentable que les plus productifs d’entre eux. Le tourisme de montagne est à l’honneur. Tikjda, Hamam Ksenna sont quelques uns des sites qui attirent les touristes par milliers, dont beaucoup d’étrangers. Mais que seraient ces lieux enchanteurs sans les structures d’accueil qui offrent tous les services et le confort nécessaire aux personnes qui viennent de loin et qui souhaitent séjourner plus longtemps ? Et surtout cette préoccupation majeure : comment concilier tourisme et hébergement sans nuire aux sites où sont réunies les conditions d’un séjour agréable ? C’est ce qu’on entend par écho tourisme. Non seulement les constructions doivent être en harmonie avec la nature, mais même la gastronomie. Les métiers artisanaux doivent, eux, s’appliquer à faire
Revivre les traditions à travers leurs produits
Le rapport présenté ce mercredi 14 janvier devant les membres de l’APW réunis en session ordinaire entend se conformer aux directives de la tutelle. Nous ne retiendrons que la partie qui a trait à la valorisation des sites et des équipements pour les accompagner afin de favoriser le développement de ce secteur clef. Ainsi, au titre du programme de développement des Hauts-Plateaux, la wilaya a lancé, entre 2005 et 2009, sept opérations pour un montant de 71 millions de dinars. Ces opérations s’étaient traduites par la création d’un centre d’orientation et d’information à Sour El Ghozlane pour un montant de 11 millions de dinars, d’une maison de l’artisanat au même lieu pour 50 millions de DA, et par la valorisation des sites en 5 opérations ayant mobilisé une enveloppe estimée à 10 millions de DA. Le programme complémentaire consacré aux activités économiques a permis de lancer entre 2009 et 2014, et pour un montant de 150 millions de DA, neuf opérations. On retiendra l’achat d’équipements pour la maison de l’artisanat de Sour El Ghozlane pour 5 millions de DA, la réalisation d’un schéma directeur de la wilaya pour 15 millions de DA, l’étude d’une carte du tourisme, d’un siège de la direction du tourisme pour 2 million chacune, d’une autre étude d’aménagement de zones d’extension touristique pour 8 millions de dinars. (Ces zones dites d’extension touristique concernent Tikdjda, la forêt Errich, Talarana, Hamam Ksena..). Il y a également lieu de noter le lancement d’un siège de direction pour 65 millions de DA, le lancement d’un centre d’artisanat à Lakhdaria pour 55 millions de DA et la mise en valeur de deux sites pour 45 et 17 millions de DA. Le rapport a présenté également un bilan sur les activités développées dans le cadre de la mission dévolue aux responsables du secteur et qui s’est traduite, pour l’année écoulée, par 186 inspections ciblant les hôtels au nombre de 8, les offices du tourisme et 134 visites, dont 74 de constat des locaux artisanaux. Il est enfin fait mention de 936 attributions de locaux au profit des artisans.
L’Algérie à la 111ème place
Notre choix de ne retenir des divers que deux des nombreuses interventions qui ont émaillé la dernière journée de cette session ordinaire, celle de jeudi, pourrait paraître arbitraire. En vérité, ce sont les deux plus intéressantes de toutes, car elles ont permis de passer au crible tout le secteur du tourisme, sujet qui nous intéresse ici. Le premier intervenant commençait donc par s’interroger sur la rentabilité du secteur. Il se demande ce que rapportent les hôtels et les auberges de jeunes, ce que représente le PIB de la wilaya par rapport à celui du pays qu’il estime à 3%. Tout cela pour pouvoir se faire une idée du poids dont pèse ce secteur dans la balance de la wilaya en termes de productivité. Mais savons-nous, par exemple, que sur les 184 pays, nous sommes, en matière de développement du tourisme, à la 111ème place, loin derrière le Maroc qui occupe la 39ème et la Tunisie la 49 ? C’est dire si les défis qui nous attendent sont nombreux. À commencer par la sécurité et l’hygiène. Et l’intervenant, tout en insistant sur le volet sécuritaire qu’il convenait, selon lui, de renforcer, il a invité à dépasser le syndrome de l’exécution du touriste français Hervé Gourdel par les terroristes et à mettre l’accent sur l’hygiène pour la préservation des sites touristiques actuellement dans un état qu’il considère comme déplorable. L’autre aspect du problème souligné en l’occurrence avait trait aux activités mêmes qui se développent au sein de ce secteur clef et le parasitent, car n’ayant aucun lien avec lui. Ainsi s’interrogeait cet élu pour savoir si nous avons vraiment des cordonniers artisans, des menuisiers artisans, des charretiers, des dinandiers (pourtant « ni le cuivre, ni l’argent ne manquent à la wilaya »), des verriers, des meuniers, des vanniers ? Avons-nous même des locaux d’artisanat ? La réponse est non : cordonniers, menuisiers et autres métiers qui occupent confortablement ces créneaux du tourisme font du commerce et non de l’artisanat décrétait notre élu. Les locaux eux-mêmes ne méritaient pas le qualificatif qui s’applique à eux, car les activités qu’ils abritaient sont d’ordre commercial.
Où serait dès lors la vocation primaire qui, elle, est de faire revivre ces métiers qui ont disparu ou tendent à disparaître ? Que perpétuons-nous des vieux usages et des traditions qui font partie de notre patrimoine culturel? Appelant à adopter une nouvelle vision, une nouvelle approche pour une nouvelle stratégie en matière de tourisme, laquelle stratégie implique dynamisme et maturité, l’intervenant, a plaidé pour l’établissement d’une banque afin «d’encourager les investisseurs locaux et étrangers», seul moyen à ses yeux de relever le secteur et de le hisser à ce rang auquel a droit un pays qui fait «trois fois la France». Considérant d’autre part que l’embellie financière produite par les hydrocarbures tant que le prix du baril s’était maintenu à une hauteur honorable est quasi terminée, et la prise de conscience qui en est résultée, tardive, il a montré que nos produits artisanaux peuvent constituer une solution de rechange qui nous affranchirait économiquement de la dépendance de ce combustible. Illustration à l’appui : le haïk kabyle s’est vendu à 350 euros et le litre d’olive à 8,50 euros en France.
Et la péroraison se terminait par ce conseil : la mise en place d’une stratégie de développement articulée sur un concept touristique moderne appuyé sur une expérience et un savoir-faire ancestral sûr. Le second intervenant bâtira son discours sur trois axes que faute d’espace nous condenserons ainsi : donner à nos villes « une façade » digne d’une ville moderne ; élever des stèles sur les lieux historiques retraçant les grands moments de notre histoire et intervenir rapidement pour conserver ces vestiges de l’époque romaine menacés de dégradation. À propos du premier point, l’élu racontait comment, tout récemment, arrivés en vue de Bouira, avec un espagnol et des émigrés en compagnie desquels il voyageait, ces derniers avaient eu l’impression de voir une ville en guerre. (Allusion aux chantiers non terminés). Pour les pierres romaines, l’intervenant appelait à une action urgente afin de les préserver d’une dégradation certaine, celles-ci étant abandonnées le long des rues et exposées aux intempéries. Leurs inscriptions en latin font d’elles de vraies pages d’histoire qu’il convient de traduire.
Tout n’est pas aussi noir
Pour le wali qui a commenté le rapport, les choses ne se présentent pas aussi mal. Tout n’est pas aussi négatif. Les potentialités existent. La wilaya est même gâtée sur ce plan. Elle a de très beaux sites, elle dispose de 8 hôtels et est en train de réaliser 11 autres, elle mène continuellement des opérations de nettoyage. Et le premier responsable de la wilaya, qui promenait un regard de Talarana à El Esnam, s’interroge : « À quoi bon des zones touristiques, quand tout est à l’arrêt ?». Ce qu’il propose ? Il faut« se tourner dans d’autres directions ». Quelques pistes s’offrent : la forêt Errich, par exemple, qui accueille de plus en plus de familles. En effet, ce parc d’attractions connaît un engouement singulier qui montre que cette culture, dont parlaît le wali ce jeudi existe déjà et augure plutôt bien de l’avenir de ce secteur. Mais, la bonne nouvelle, c’est le projet d’aquaculture qui concerne le barrage de Tilzdit, retenu avec trois autres à l’échelle nationale. Ce projet va donner un nouvel élan au tourisme dans la région grâce aux activités qu’il va permettre de développer. Au sujet des routes, notamment celle qui relie Maâla à Kadiria inscrite pour 2015-2018, ainsi que le contournement de Lakhdaria, l’intervenant a fait savoir que la wilaya a bénéficié d’un programme financé à hauteur de 24 milliards de dinars, consommé seulement à 15 milliards. De même, il a annoncé la création de trois petites gares routières à Beckhloul, Lakhdaria et Aïn Bessem. Ces petites opérations qui consistent en la construction de quais et d’abris-bus seront inscrites en PCD a fait savoir le wali.
Il s’agit de créer de petites haltes autour desquelles pourraient se développer des activités rentables. Donc, même s’il y a des critiques à adresser au secteur sur le plan de l’accueil (conduite pas toujours exemplaire, des routes dégradées), de l’hygiène (prolifération des décharges sauvages), des routes, dans l’ensemble, la situation n’est pas aussi catastrophique qu’il peut paraître à priori.
Et si le rapport présenté ce mercredi semble peu ambitieux au regard des grands défis qui attendent le secteur, il n’en demeure pas moins que beaucoup efforts ont été consentis et qu’ils ont permis d’aboutir à des résultats satisfaisants. Compte tenu des nombreuses épreuves par lesquelles le secteur était passé (sabotage des structures, incendies de forêts, insécurité…), il y a plutôt lieu de s’en féliciter.
Ali D.