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Le trafic de médicaments plus rentable que le trafic de drogue, selon le président du CNOP

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Les propos ont été tenus lors du Forum Santé et Pharma, portant sur le thème « Pharmacie, psychotropes et les dangers du marché parallèle », qu’a organisé, ce samedi, au Foyer familial de la Cnas à Ben-Aknoun, la boite de communication DZLink.

Dans la foulée de sa plaidodoirie en faveur de la corporation, notamment dans le volet lié à la commercialisation des substances psychotropes à la lumière du vide juridique qui la conforte, le président du Conseil national a jeté un pavé dans la mare, probablement dans l’intention de généraliser cette pratique, au motif qu’elle ne soit pas l’apanage du secteur privé pharmaceutique. En voulant nuancer ses propos, il déclara que ce phénomène est récent dans notre pays, il suffirait d’une démarche pluridisciplinaire, confortée, comme déjà rapporté, par une assise réglementaire et législative, pour espérer atténuer de son ampleur. Car, et cela fait l’unanimité, le pharmacien, dans sa mission d’assurer une prestation pharmaceutique « axée sur la sécurité, la qualité et la disponibilité des produits pharmaceutiques aux patients, et devant être empreinte de rigueur et de vigilance », est livré à lui-même. Benbahmed relève que le pharmacien dispense les médicaments dans un cadre qui ne lui est opposable, alors que, d’autre part, il risque l’emprisonnement de 10 à 15 ans, dans le cadre des dispositions de l’arrêté 04-18 du 25-12- 2014, relatif à la prévention et répression de l’usage illicite des stups et psychotropes. Ouvrons une parenthèse ici pour souligner, toujours dans ce contexte, que le président du bureau du Snapo de Skikda, Ayache Salah, joint par téléphone, recommande de faire le distinguo entre psychotropes et stupéfiants, régis par des arrêtés distincts, respectivement l’arrêté 94 du 1 octobre 1996, et l’arrêté 98 du 1 octobre 96. Il en appelle, d’ailleurs, à la révision de cette disposition réglementaire, préalable à la proposition d’enrichissement de l’arrêté 097 du 1 octobre 96, dans un but d’augmenter de 12 à 120 produits, comme a été proposé par le bureau national du Snapo. « Car, il ne sert à rien d’augmenter le nombre des produits pharmaceutiques, lorsqu’on est pas bien protégé. Cela ne fera, en somme, de démultiplier le risque d’emprisonnement du pharmacien », argumente notre serviteur. Fermons la parenthèse. Le déchainement du syndicaliste, dans l’euphorie d’une levée de boucliers dans la salle, a été motivé par le terme de voyou imputé, par euphémisme, aux pharmaciens. Le hic c’est que celui-ci a été proféré par son…vice-président, Sanadiki M.S., qui, dans sa communication, « le trafic des médicaments en Algérie », a relevé que les gens qui s’adonnent à cet exercice sont des voyous qui ne font que salir la corporation. « Il n’y a pas de supra-pharmacie, il y a des pharmaciens honnêtes et des pharmaciens voyous », précise-t-il. La sélection est on ne peut plus claire et ne s’encombre nullement de généralisation humiliante, comme ont tenté d’y déceler quelques pharmaciens, touchés, semble-t-il, dans leur amour propre. Car tout le monde sait que chaque profession a ses brebis-galeuses, ses ripoux, ses intrus, ses anomalies ambulantes.
La cupidité dont font preuve quelques pharmaciens, serait motivée, de l’avis du vice-président, par l’indicateur mirobolant de rentabilité de ce trafic, 20 à 45 fois plus rentable que le trafic de drogue. Pour 1000 dollars investis, le conférencier souligne que le trafiquant peut engranger un bénéfice de l’ordre de 400 000 dollars, contre 20 000 dollars pour l’héroïne, soit 20 fois plus. Globalement, les bénéfices du marché sont de l’ordre de 200 milliards de dollars. Il y est également rapporté que 800 000 personnes en meurent par an. C’est dire que sa plus-value s’accompagne d’un taux de mortalité qui n’est pas à négliger. D’où le cri d’alerte de danger public que revêt la vente des psychotropes, que ne devra résoudre que l’approche écartant de son point de mire le fait, et uniquement lui, de faire endosser au pharmacien tous les malheurs découlant de la toxicomanie et autres dépendances. Par ailleurs, selon quelques-uns, c’est le mésusage qui en fait d’un médicament une drogue. La substance chimique devant apporter le confort, le bien-être aux malades, deviendra nocive imprégnant ces derniers d’une certaine dépendance. L’abus (doses ou durée de traitement trop élevées), cumul (association de médicaments aux principes actifs identiques) ; la dépendance, si la vie de la personne se centre sur la recherche et la consommation du produit; et l’usage du médicament pour un autre effet que thérapeutique (se «défoncer», se doper, altérer la conscience d’une personne, etc.). ce sont là les trois mises en cause du mésusage signalé par le Professeur N. Benyakhlef, de l’EHS Drid Hocine de Kouba, dans sa communication « L’usage, la dépendance et le mésusage du médicament psychotrope ». Pour sa part, W.Hamrour Gacem, pharmacienne responsable à l’hôpital Drid-Hocine, recommande dans son intervention intitulée, « Psychotropes et Réglementation: Classification et produits à surveiller », le respect des conditions de délivrance, de dispensation, de vente, etc. Soit la chaine englobant l’industrie (les établissements pharmaceutiques fabriquant des psychotropes doivent obligatoirement tenir un registre spécial des entrées et sorties des principes actifs et produits finis. Cette obligation s’inscrit dans un souci de traçabilité), la distribution (les grossistes répartiteurs doivent également être soumis à tenir un registre spécial des quantités reçues et livrées ainsi que les stocks restants), la classification (qui repose sur les propriétés pharmaceutiques et thérapeutiques des différentes familles des psychotropes : Neuroleptiques classiques, neuroleptiques antipsychotiques, antiépileptique, hypnotique, anxiolytique, correcteur, antidépresseur).
Les chiffres des services de sécurité sont là également pour nous rappeler que le danger existe. Durant l’année 2015, la police a procédé à la saisie de 393 429 comprimés, dont 237 665 de rivotril, 10 650 de kitil, et 4218 de tranxène. La plus grosse saisie, soit 145 401 comprimés, a été enregistrée à l’Ouest du pays.

Un fichier national des malades mentaux : une urgence !
Parmi les recommandations émises lors des différentes communications, on peut citer, l’impératif d’établir un fichier national des malades mentaux, classer les substances psychoactifs, favoriser le bon usage des psychotropes par l’analyse des ordonnances, encadrer les conditions d’utilisation des médicaments psychoactifs (de prescription et de délivrance), réduire les conditionnements de certains psychotropes. Dans le cadre préventif, il est exigé de maintenir l’accès des psychotropes uniquement sur prescription médicale et, à fortiori, l’obligation de dispensation par un pharmacien, ainsi que de renforcer et pérenniser le dispositif de veille et de surveillance.
En sus de cela, une prise de conscience globale(les pouvoirs publiques, les professionnels, les medias, les citoyens) doit être de mise, aux fins de donner aux dangers du commerce illicite les proportions à la mesure de ses conséquences néfastes. Aussi, comme souligné par Sanadiki, qu’Il n’y a pas des médicaments miracles, « il y a une nomenclature de 5000 produits pharmaceutiques, choisis par une élite de professeurs en médecine et en pharmacie qui jugent et actualisent cette liste annuellement par rapport à leur service médical rendu. ».
Zaid Zoheir

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