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L’Allemagne redécouvre l’extrême droite

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Le verrou imposé par la catastrophe nazie est-il en train de sauter ? À droite de la CDU-CSU, l’AfD pourrait devenir la troisième force politique du pays. Est-ce la fin de l’exception allemande ? Alors que les partis d’extrême droite ont pignon sur rue dans la plupart des pays européens, l’Allemagne se distinguait jusqu’à ce jour par l’absence d’une force politique bien implantée à la droite de la droite démocratique.
Les petites formations d’extrême droite se contentaient de faire des poussées de fièvre aux régionales avant de disparaître à nouveau.
Jamais un parti d’extrême droite n’a passé la porte du Bundestag, le Parlement allemand. Le tabou moral imposé par la catastrophe nazie, la bonne santé économique du pays faisaient rempart aux populistes et aux démagogues. Mais l’afflux de réfugiés et les craintes qu’il a fait naître sont-ils en train de faire sauter ce verrou ?

Troisième force politique
Si l’on juge le résultat des municipales qui ont eu lieu dimanche dernier en Hesse, et si l’on croit les pronostics pour les trois grosses régionales de dimanche prochain en Saxe-Anhalt, dans le Bade-Wurtemberg et en Rhénanie-Palatinat, l’échiquier politique allemand serait en train d’assister à la naissance d’une nouvelle force politique. L’AfD (Alternative für Deutschland), nouveau parti à la droite de la CDU-CSU, a fait une percée spectaculaire en Hesse. Avec 10,3 % des suffrages à Francfort (l’une des villes les plus multiculturelles et les plus libérales d’Allemagne) et jusqu’à 16 % à Wiesbaden, l’AfD double les Verts et le petit parti libéral et devient, pour ce scrutin, la troisième force politique du pays. Les partis traditionnels sont sous le choc.

La question des réfugiés
Les sondages indiquent que la tendance risque de se confirmer aux élections régionales du 13 mars, le dernier test avant la course à la Chancellerie en 2017. Fondé au cœur de la crise de l’euro par Bernd Lücke, professeur d’économie assisté d’une poignée d’autres intellectuels de droite, qui prône la sortie de l’Allemagne de la zone euro, l’AfD était au départ davantage un phénomène médiatique qu’une force politique capable de déranger les habitudes des partis traditionnels.
Mais il y a six mois, le parti s’est débarrassé de ses fondateurs plus modérés, dont Bernd Lücke, pour se radicaliser et adopter un credo nettement xénophobe réclamant en particulier que les gardes-frontières tirent sur les réfugiés qui tenteraient d’entrer en Allemagne clandestinement. Depuis qu’Angela Merkel a décidé d’ouvrir les portes de son pays aux migrants au début de l’automne dernier, l’AfD surfe sur la vague porteuse de la crise des réfugiés dont elle fait son thème quasi unique. Les communales de Hesse sont donc son premier triomphe. Les dirigeants de l’AfD estiment qu’un parti aussi jeune n’est pas encore assez mûr pour former des coalitions au niveau des communes et préfère se cantonner à l’opposition pour faire ses premiers pas en politique.

Une formation populiste émergente
Face à de tels succès, les ténors des partis traditionnels essaient de garder leur calme et de croire à une simple poussée de fièvre. Le vote AfD n’est pas un vote d’adhésion, mais un cri de protestation et surtout d’angoisse face à l’arrivée de plus d’un million de réfugiés en un an. Son électorat est volatil et son personnel politique n’est pas très convaincant.
La dirigeante de l’AfD, Frauke Petry, est très controversée à l’intérieur de son propre parti. En particulier parce que cette mère de quatre enfants a quitté le domicile conjugal pour se mettre en ménage avec un de ses collègues, père lui aussi de quatre enfants. Une décision qui fait mauvais effet dans un parti qui prône la famille traditionnelle et nombreuse.
Le mari de Frauke Petry, un pasteur, vient d’ailleurs d’adhérer à la CDU d’Angela Merkel pour bien se distancier ouvertement de la politique menée par son épouse. Depuis des semaines, le débat fait rage : est-il souhaitable d’inviter Frauke Petry sur les plateaux des talk-shows ? Plusieurs dirigeants politiques à droite comme à gauche ont déjà fait savoir qu’ils refuseraient de s’asseoir sur le même plateau de télévision que l’égérie de l’AfD.
Mais le fait qu’elle ait déjà fait la une de l’hebdomadaire Der Spiegel est bien la preuve que l’AfD n’est plus considérée comme un phénomène marginal dont on fait des gorges chaudes sans trop le prendre au sérieux, mais bien comme une formation populiste émergente avec laquelle l’Allemagne jusqu’à présent épargnée va devoir compter.
L’AfD siège aujourd’hui dans quatre parlements régionaux. Deux à l’Ouest et trois à l’Est. Si les prévisions se révèlent exactes, le parti devrait dimanche prochain occuper des fauteuils dans trois autres parlements régionaux.

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