La descente policière au marché parallèle de la devise, sis au square Port-Saïd à Alger, dimanche passé, n’a pas dissuadé les cambistes de déserter les lieux de leur business. L’opération coup-de-poing de la police au fief des cambistes a fait plus de peur que de mal. Pour nombre de citoyens, la descente policière effectuée au square Port-Saïd, suivie de la saisie des sommes d’argent, en devises et en dinars, a un objectif médiatique qu’autre chose. Quatre jours après cette opération, les cambistes reviennent sur les lieux, et s’adonnent toujours à leur commerce de la vente des devises. Le décor et l’ambiance sont les mêmes qu’avant la descente musclée de la police au fief du change parallèle des devises. La rue principale Abane-Ramdane et les ruelles adjacentes au square Port-Saïd grouillaient des cambistes. Sauf que ces derniers n’exhibent plus les liasses de billets, toutes monnaies confondues, en public.
Pas un seul billet entre leurs mains. Lors d’une virée effectuée hier, sur les lieux, rien n’indique que la police est passée par là, il y a de cela quatre jours. Les revendeurs de devises reviennent sur les lieux et s’indignent sur la saisie de leur marchandise. Rencontré à la rue Abane-Ramdane, Mourad, un habitué des lieux, n’a pas compris la motivation des pouvoirs publics qui se sont acharnés sur eux ce jour-là, 12 avril. «Les pouvoirs publics, s’ils veulent éradiquer le marché parallèle, ils n’ont qu’à s’attaquer aux barons de la devise», s’est-il indigné.
Mourad ne voit pas une raison de surseoir à son activité de vente de la devise, alors que «tout le monde travaille et s’adonne au commerce informel». Les cambistes sont à l’affût de la moindre information sur le retour de la police sur les lieux, après quatre jours de leur opération coup-de-poing. Cette fois-ci, ils se sont mis sous le mode «vigilance». Pas de liasses de billets dans les mains, et pas d’argent dans les poches. La marchandise est cachée ailleurs, s’est-il confié. Après le tremblement de terre causé par la descente musclée de la police à la «bourse» du square Port-Saïd, les cambistes s’attendaient à des répliques, ne serait-ce d’une moindre intensité. Mais, rien de tout cela. La «bourse» du square Port-Saïd a repris son activitéet les acheteurs viennent chercher les devises chez les revendeurs. Farid, un autre cambiste, partage entièrement l’avis de son collègue Mourad. Pour lui, ce n’est pas en s’attaquant au marché parallèle de la devise du square Port-Saïd qu’on éradiquera ce commerce informel. Son explication est plus que logique: «Tant que l’État n’arrive pas à satisfaire à la demande en devise, le marché parallèle de la vente des devises continuera d’exister», a-t-il dit. Le constat de Farid se vérifie au quotidien. Des citoyens viennent s’abreuver au square Port-Saïd. Parmi eux Hamid, la trentaine, vient pour acheter les devises. Pour lui, à défaut des bureaux de change, comme il se fait partout dans le monde, les gens se rabattent sur ces marchés parallèles des devises. Les éradiquer ne règle pas le problème, a-t-il estimé. Ces marchés obéissent à la loi de l’offre et de la demande, et tant que la demande est là, ils continueront d’exister.
Le marché parallèle de la devise reprend son cours normal, et les cambistes ont adopté une autre stratégie pour échapper à une éventuelle descente de la police sur les lieux. «Recevoir la demande des clients par téléphone et vendre les devises discrètement pour ne pas attirer l’attention de qui que ce soit», a-t-il dit.
Pour lui, la descente musclée de la police au square Port-Saïd a provoqué la rareté de la devise, engendrant l’augmentation de son cours sur le marché parallèle. Hier, 1 euro était échangé contre 16.20 dinars sur la bourse de square Port-Saïd à Alger.
Hacène Naït Amara