L’année 2014 aura été l’année du relogement dans la capitale, qui a assisté à la plus grande opération de recasement dans le cadre de la résorption de l’habitat précaire (RHP), depuis l’indépendance du pays. Avec les plus de 14 300 logements distribués, depuis juin dernier, la Capitale enjambe un grand pas en matière du logement et l’éradication des bidonvilles. Vu sa complexité, le recasement constituait un grand chantier pour les autorités de wilaya, ayant lancé aussi des projets d’envergure juste après la récupération des terrains. Si cette opération a procuré de la joie à des milliers de familles, il n’en est pas de même pour certaines autres. Des dizaines, voire des centaines de familles, obligées de quitter leurs taudis, se sont retrouvées à nouveau dans la rue. Les raisons sont multiples. Certaines n’ont pas bénéficié de cette opération car, selon les services de wilaya, inscrites auparavant dans d’autres programmes de logement. D’autres, les familles nombreuses notamment, ne pouvaient s’entasser dans des appartements F3. D’après les chiffres avancés par les services de la wilaya, il a été procédé au recasement d’une moyenne de six personnes par appartement, tout en respectant, selon eux, les caractéristiques sociologiques de la famille algérienne. Ainsi, l’opération, largement contestée, a provoqué la plus importante vague de contestation sociale dans la capitale depuis des années. Des milliers de contestataires exigeaient la priorité à un toit décent et une opération de digne de ce nom. À signaler qu’un plan de recasement des occupants des sites précaires d’Alger a été exécuté entre 2010 et 2011 au profit d’environ 12 000 familles. Mais celui de 2014 est beaucoup plus important, en sachant que 14 378 familles ont été relogées au cours des six derniers mois. Depuis juin dernier, la wilaya a en effet organisé 15 opérations ayant permis le déménagement de 13 338 familles vivant jusqu’ici dans les bidonvilles, les chalets, les terrasses, les caves et les immeubles menaçant ruine (IMR). À ceux-ci, s’ajoutent les 1 040 familles qui ont bénéficié de logements socio-participatifs en mai, à Rouïba, à l’est d’Alger. Le wali, Abdelkader Zoukh, ne cachait pas sa satisfaction quant à cet «exploit», indiquant qu’il ne s’attendait pas à ce résultat, à cause de la lourdeur des opérations de recasement, et les vagues de contestation sociale qui l’ont suivi. La wilaya tente encore d’organiser une 16e opération avant la fin de l’année en cours en attendant la distribution de 11 000 autres logements sociaux durant le premier semestre 2015, avait assuré Zoukh. Ceci dit, l’exécutif de la wilaya et les maires ne cessent de se rejeter la balle à propos de l’affectation de 6 010 logements imputés au programme de résorption de l’habitat précaire et versés dans le programme normal de distribution. Ce quota n’est pas distribué depuis juin dernier, l’affichage des listes des bénéficiaires étant toujours en suspens. Dans leur lutte contre l’habitat précaire à Alger, les autorités locales sont à l’aise ne serait-ce que parce que l’offre en logements dépasse la demande, tient à rappeler à chaque fois le wali. Pour prendre en charge 72 752 familles, recensées jusqu’en juillet 2013, selon le directeur de wilaya du logement Smail Loumi, la wilaya dispose d’un programme de 84 766 logements, dont 25 808 sont en cours de distribution depuis juin dernier, le reste sera réceptionné d’ici 2016. Le gros de ce programme est réalisé à Alger, dans les communes de la banlieue comme Birtouta, Ouled Chebel, Khraïcia, Tessala El Mardja, les Eucalyptus et Heuraoua. Une partie est implantée dans les wilayas de Blida (Larbaâ, Sidi Hamed et Meftah) et de Boumerdès (Si Mustapha).
Désagréments et violence
Si le relogement de milliers de familles est considéré comme étant un exploit par le wali, il n’en demeure pas moins que l’opération à provoqué le soulèvement du front social, dénonçant souvent des «irrégularités et le manque de transparence» dans l’attribution des logements. Le lancement de ce programme est intervenu dans un contexte difficile du fait de la contestation dans plusieurs quartiers de la capitale. Coupures de routes à la circulation, fermetures des sièges de l’administration locale et affrontements avec les services de sécurité soldés par plusieurs arrestations, voilà ce qui a marqué aussi la capitale en 2014. Un état de violence et anarchie a été provoqué par des manifestants opportunistes voulant profiter de cette conjoncture pour arriver à des fins inavouées, ce qui a encouragé notamment le banditisme. Certaines familles sont allées jusqu’à tenter de squatter les appartements, en plus de la falsification des dossiers et autres moyens leurs permettant d’accéder au logement. À Bab El Oued, El Madania, Gué de Constantine, Bachdjarrah ou à Chéraga pour ne citer que ces exemples, chaque quartier cherchait à obtenir la priorité sur l’autre dans cette distribution de logements. Cette pression a poussé les autorités de wilaya à consacrer du temps pour réétudier soigneusement les demandes ainsi que des recours émis par les contestataires.
Lancement de plusieurs projets d’envergure.
À chaque opération, le wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, insistait sur la nécessité de procéder au lancement des projets dès la récupération des terrains libérés. Plusieurs projets sont restés en effet en stand-by depuis des années, en attendant que les terrains soient libérés. Critiquée pour avoir privilégié le recasement des habitants des bidonvilles, qui sont au nombre de près de 58 500 familles selon le recensement de juillet 2013, la wilaya s’est défendue par la voix du chef de l’exécutif qui a expliqué que la priorité est la relance d’un certain nombre de projets bloqués. Par l’éradication des bidonvilles, La wilaya voulait éviter le scénario des années précédentes, où des familles avaient refusé de renoncer à leurs taudis malgré le relogement. Ainsi, Le stade communal de Birkhadem, le nouveau lycée d’El Hamiz, le barrage-réservoir de Douéra, l’aménagement de Oued El Harrach, le nouveau siège du ministère des Affaires religieuses à Mohammedia, la ligne ferroviaire Birtouta-Zéralda, sont quelques-uns des projets relancés à la faveur de l’évacuation des familles occupant le périmètre des chantiers de réalisation de ces projets. D’ailleurs, la wilaya d’Alger à décidé de s’attaquer au plus grand bidonville de la capitale, celui d' »Erramli » au Gué de Constantine, afin de permettre la poursuite des travaux d’aménagement de Oued El Harrach et le lancement des travaux de réalisation d’un échangeur permettant une liaison rapide entre les deux autoroutes de la dorsale sud de la ville (les autoroutes de Ben Aknoun et de Zéralda).
Salim Nasri