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Un « harraga » raconte ses pérégrinations clandestins : «L’Europe est devenue hostile aux migrants maghrébins»

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…On était très curieux de savoir comment Ahmed a eu l’idée d’aller en Espagne, après avoir fait plusieurs escales dans le Vieux continent, la première c’était en Italie à travers un Zodiac de la mort puis l’Allemagne, la Belgique, la Suisse et la France, n’importe comment mais avec un risque très élevé.

Il a fait des milliers de kilomètres sans-papiers et à la moindre erreur il se retrouve de nouveau en Algérie. «J’aime beaucoup mon pays, je suis de Bab El Oued, c’est la bas ou j’ai grandi, ayant des mauvais mais aussi de très bons souvenirs inoubliables en famille, avec les amis et proches. En 2002, j’avais 21 ans, on habitait dans un F3 à 9 personnes. Vous savez dans les quartiers populaires, il y a deux chemins soit celui de la débauche, ou celui du succès. À « Bazita », la rue Basta Ali, il y avait beaucoup de problèmes, les crimes, la drogue et plein d’autres choses, en plus de tout cela, je suis issu d’une famille très pauvre. Du jour au lendemain, Ishak, un ami me disait, qu’il connaît un marin qui pouvait nous aider pour mettre fin à notre calvaire. Il connaissait très bien ma situation, lui c’était pire. Quand il m’a proposé, je ne voulais pas le croire, je voyais ça très étrange surtout qu’il ma dit que c’était gratuitement, j’avais le doute quand même», dira notre interlocuteur qui est devenu un ami à nous aussi. «grâce à vous je deviendrai un lecteur fidèle de votre quotidien Le Courrier d’Algérie et surtout vous me dites quand paraîtra mon passage… »

«Mon cerveau a refusé l’idée d’El harga…»
Il poursuit ses propos : « avant de prendre la décision, j’avais la peur au ventre, comment je vais annoncer ça à mes parents, qu’est ce que je vais leur dire. Dieu me pardonne, je lui ai donné l’accord malgré que mon cerveau a refusé l’idée. Le pire je pensais qu’on embarque au port d’Alger, à la dernière minute il me disait que le départ c’est à partir de Annaba, ouf. En tout cas, j’ai préféré ne rien dire à personne, vous savez en Algérie comment l’information circule…» Il enchaînera : «Je vous ai raconté comment était le voyage au «boutté». Quand les gardes-côtes italiens nous ont intercepté (ndlr), la j’ai appelé mon père, je lui ai tout raconté. Il voulait pas me harceler car ce qui est fait et fait. Je l’ai rassuré que je me porte bien sans plus. Quand j’ai raccroché le téléphone, je me sentais un peu à l’aise puisque mes parents étaient au courant, mais aussi, très mal à l’aise parceque j’ignorais mon sort», a-t-il raconté. Ahmed le très gentil garçon nous a dit notamment que chaque instant passé en Europe est pour lui une histoire, «je vais vous raconter comment je me suis intégré «la casa cojida de los jóvenes» ( association de réhabilitation et insertion des jeunes dans la société espagnole ), je me suis retrouvé à vous raconter ma vie.»
En effet, pour lui, il n’était jamais à l’abri dans tous les pays où il est passé. À chaque fois, il y’a le problème de langues il ignorait ses droits etc… « En Espagne, il y avait un interprète d’origine marocain un ami très proche d’un ami à moi, et c’est lui qui a pu m’aider à intégrer cette association, d’ailleurs, Halim le marocain a tout fait pour moi. Le jour de mon rendez-vous avec les responsables de l’association, il était là heureusement, ils m’ont signalé auprès des autorités espagnoles puis ils m’ont fait un test médical, je suis passé chez le psychologue, etc… après toutes les procédures ils m’ont donné un titre de séjour bien défini pour deux ans, j’étais totalement pris en charge par cette association. Vous savez c’est en Espagne que je pouvais fermer les yeux et dormir comme tout le monde. Je vous ai dit qu’ils m’ont fait une formation professionnelle dans le domaine de l’électricité et la cuisine. Et la je ne voulais pas rater l’occasion car j’avais le droit de ne pas signer l’engagement. Au contraire je l’ai bien saisi. Je pense que pour la première fois dans ma vie j’ai pris une décision très juste. Avec le temps j’ai reçu mes parents, (ouled houmti) qui viennent en Espagne et tout. » Avant de poursuivre : « après les deux ans, j’étais obligé de quitter le centre afin de laisser la place à quelqu’un d’autre, c’est vrai c’était un peu difficile mais la loi c’est la loi, hamdoulilah, j’étais un exemple, tout le monde me respecte, et c’est grâce à eux que j’ai pu avoir de titres de séjours. Quand j’ai quitté l’Espagne, je suis allé à Marseille car ici, il y a beaucoup d’Algériens des gens que je connaîs depuis très longtemps, en plus de ça, ce n’est pas très loin de Barcelone car c’est là-bas que je fais le renouvellement de mes papiers. Dieu merci, je travaille aujourd’hui régulièrement, et je descends en Algérie à chaque fois que l’occasion se présente avec mes enfants. Ce que j’ai à dire pour finir aux jeunes Algériens, s’il vous plaît ne faites pas ce qu’on a fait, c’est hyper dangereux ; combien de personnes sont mortes au large de la mer, et surtout ce qui se passe dans le monde actuellement avec les migrants et réfugiés. Maintenant, ce n’est plus le cas des années 2000. Les lois ont beaucoup changé… »
Mohamed Wali

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