Accueil ACTUALITÉ Publicité étatique : Ne pas mettre la charrue devant les… bof !

Publicité étatique : Ne pas mettre la charrue devant les… bof !

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Les annonces faites simultanément par le ministre de la Communication et le PDG de l’ANEP interpellent à plus d’un titre. Nécessitent également des remarques à faire aussi bien sur le plan de la forme que sur celui du fond. L’avenir de la presse privée, vitrine de la démocratie pluraliste algérienne est bel et bien en jeu. Nulle place ne doit être cédée à l’improvisation. Au regard des enjeux en cours, l’erreur ne sera pas permise. Sur le plan de la forme, d’abord, il est nécessaire de relever que l’annonce de ces critères concernant l’octroi de la publicité étatique aux journaux privés a été faite sans que les principaux concernés, les professionnels des médias en l’occurrence, n’aient été consultés. Cette démarche étonne et interpelle parce qu’elle est le fait de deux journalistes au long cours, Amar Belhhimer et Larbi Ouanoughi, qui connaissent donc mieux que personne les vertus du dialogue et de la consultation. La démarche suivie par ces deux responsables, dont la bonne foi ne doit quand même pas être mise en doute, pêche précisément par le fait qu’elle place les professionnels du secteur devant le fait accompli. Aucun d’entre eux, en effet, n’a eu son mot à dire. Or, il est certain que si la gestion de la publicité étatique doit être réformée en profondeur, tout porte à croire que les choix ainsi fait nous paraissent à tout le moins discutables.
De fait, le critère le plus important qui nécessite remarques et commentaires de notre part est bien celui de la « justification du tirage. Or, il est bon de rappeler l’axiome que voici : aucun journal ne peut « doper » son tirage à 15 ou 20.000 exemplaires s’il ne bénéficie pas, en retour, d’insertions publicitaires conséquentes. Ceux qui ont applaudi ce choix jouent donc aux apprentis-sorciers, en optant pour une sorte de mortelle fuite en avant. Ici, nous ne pensons quand même pas révéler un quelconque secret en soulignant que certains des journaux favorables à ce critère ont pris la décision irréversible de se « fâcher » avec l’imprimerie en refusant de s’acquitter régulièrement des coûts de leur tirage. Voilà pourquoi les créances non recouvrées des imprimeries ne cessent de grimper jusqu’à atteindre des niveaux abyssaux. Cette forme de gestion, qui « éreinte » les gérants des rotatives, est le fait de patrons de journaux qui noient artificiellement le paysage médiatique, se donnent des allures de « grands journaux » au détriment des finances publiques. Au regard de ces critères nouvellement imposés, les journaux petits ou moyens sont irrémédiablement condamnés à le rester, à ne jamais grandir. À moins que les directeurs de journaux, dotés d’une vision juste et prospective, qui paient leurs frais d’impression rubis sur l’ongle, ne se transforment, à leur corps défendant, en négriers, en payant mal leurs personnels, et en ne s’acquittant que « sommairement de leurs charges sociales et fiscales. Une menace grave et très sérieuse plane sur la presse privée. Or, paradoxalement, Amar Belhimer et Larbi Ouanoughi, en voulant aider et protéger les journalistes, risquent de les mettre tous au chômage. Des centaines de journaux privés sont en effet menacés de mettre la clé sous le paillasson. Ce n’est pas tout, les aides directes et indirectes dont bénéficie la presse privée, au nom de la démocratie et de la liberté d’expression ne doivent en aucune façon être soumises à des conditions impossibles à satisfaire, un peu comme devoir augmenter son tirage en déstabilisant au passage les chiffres de sa tésoreries. De plus, il serait chimérique, et même prétentieux de parler de tirage, d’en justifier et consolider les chiffres alors qu’aucun OJD –office de justification des tirages et diffusion n’existe encore en Algérie.
Ce qui nous pousse à croire que cette démarche ne semble pas avoir été suffisamment réfléchie, et longuement mûrie, l’on retrouve parmi les critères qui peuvent priver un professionnel de son quota publicitaire la possibilité que le concerné ait été condamné pour diffamation. Or, il est certain qu’un journaliste professionnel, qui n’écoute que sa conscience et les règles déontologique n’est jamais à l’abri d’un risque pareil. La liberté de la presse, et le journalisme d’investigation risquent d’en pâtir très sévèrement. Pour imager le propos, c’est comme empêcher un joueur de foot de faire étalage de son talent s’il commet la moindre faute durant le jeu.
Le Courrier d’Algérie

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