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L’ex-agent Paul-Louis Voger balance tout de la DST : Des milliers d’Algériens concernés par le «fichage musulman»

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Spécialiste du contre-espionnage à la DST et de la lutte antiterroriste, Paul-Louis Voger est aujourd’hui à la retraite. Comme beaucoup de ses collègues qui ont raccroché définitivement les crampons, il a quitté la Direction de la Sécurité territoriale et s’est mis à coucher sur papier ses souvenirs ; cela a donné un livre paru récemment sous le titre déjà polémique «Je ne pouvais rien dire».

Paul-Louis Voger a fait toute sa carrière dans les «services» du ministère de l’Intérieur. Recruté dans les années 1980 au contre- espionnage de la DST (où il affirme avoir même été agent double pour contrer la pénétration de la police française par le KGB), il en dévoile les méthodes, parfois à la limite de la légalité : interrogatoires, visites de domiciles, écoutes, recrutement d’indics, examen de fadettes et manipulation de sources humaines.
Certains présumés terroristes d’origine algérienne sont zoomés ; le récit détaille aussi certaines autres affaires terroristes que l’auteur a vécues en direct : la traque de Djamel Beghal, le mentor des frères Kouachi, le suivi des réseaux salafistes dans les quartiers ou en prison.
Sur son ancienne maison, il est sans concessions et balance tout, les petites vérités pas bonnes à dire et les grandes œuvres opérées dans le secret. Parmi les dizaines d’anecdotes et faits qu’il relate, un sujet nous intéresse particulièrement : le « fichage » des suspects de confession musulmane. L’auteur séduit dès les premières lignes et on ne peut plus s’en détacher : « Espion. Le mot donne le frisson, nourrit les fantasmes, car il reste souvent nébuleux, parfois sulfureux. Mes trente-deux années de carrière dans le renseignement à la DST, puis à la DCRI et enfin au Renseignement territorial, n’ont pourtant fait de moi ni James Bond, ni OSS 117 ! Agent secret tout de même, ou plutôt très discret, agissant dans l’ombre et tenu au silence, même vis-à-vis de mon épouse. Comment le suis-je devenu? Une vie professionnelle se joue parfois à peu de choses, à une simple rencontre ».
Son récit est d’autant plus vraisemblable qu’il est corroboré par d’autres témoignages sur le « filage » de milliers d’Algériens et de Maghrébins en France, sur simple soupçon ou dans le cadre très fourre-tout de la prévention
« IMSI catchers » vous connaissez ? Moi non plus. Et pourtant, la chose mérite d’être connue. « En 2008, un collègue de la DST m’a fait la démonstration des nouveaux IMSI catchers », cette valise capable de capter tous les numéros de puce de téléphone portable dans un rayon de quelques dizaines de mètres. Il avait ainsi accès aux adresses mails et connexions des environs, dont celles d’un cabinet d’avocat et de médecins ».
Le fichage des musulmans de France ne lui fait pas plaisir et il ne pouvait rien faire, comme l’indique le titre de son livre : « Sous la pression des évènements, l’«opération Mirre » s’essuie alors les pieds sur l’état de droit. À partir des fichiers administratifs, on convoque massivement des gens qui n’ont rien à se reprocher pour, leur explique-t-on, « actualiser » leur dossier. Or, de quoi s’agissait-il, sinon d’un « fichage musulman » ? La méthode est digne de la Loubianka, quartier général du KGB soviétique. Mais, reconnaissons-le, l’opération a permis de recruter des sources ». Comment se fait l’infiltration, la manipulation et le noyautage des Musulmans de France ? Simple. Il faut juste être un bon profiler, connaître la psychologie de l’homme, celle des individus et élaborer un profil de chaque cas. La réussite est au bout. Voilà ce qu’en pense Paul-Louis Voger : « On joue sur les quatre fondamentaux : l’argent, l’idéologie, la compromission et l’ego. Mais dans la pratique, j’ai toujours essayé de limiter au maximum les remises d’argent.
Un islamiste veut un appartement ? Je vais voir le préfet en lui expliquant qu’un «correspondant occasionnel du service public », comme on dit dans notre jargon, a besoin d’un logement pris sur la réserve préfectorale.
Il devient urgent de rééquilibrer le système en redonnant de l’importance aux sources humaines face au « sigint », la technique. Les terroristes, conscients de la surveillance technologique, reviennent d’ailleurs aux « boîtes aux lettres mortes », aux messages déposés entre deux pierres ou aux signes codés sur les abribus, comme lorsque j’ai commencé dans le contre-espionnage soviétique ».
Et de justifier son livre : « Si je partage certains secrets, c’est pour éveiller les consciences. Il y a eu des échecs pointés par des journalistes spécialisés ou des commissions d’enquête. Je fais le même constat : les services français, comme toutes les administrations, vivent dans une culture de chapelle, dans lesquelles les informations sont sécurisées à l’extrême, à la limite de la paranoïa. J’ai choisi de raconter tout cela par le terrain, à hauteur d’agent, en relatant leur travail de bénédictin, garantie de notre sécurité. Fallait-il que je me taise ? »
Toute la question est là…
F. O.

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