Accueil MONDE Du front au Parlement : Les combattants d’Irak dans l’arène politique

Du front au Parlement : Les combattants d’Irak dans l’arène politique

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Il y a encore peu, ils menaient leurs hommes au combat contre les jihadistes. Aujourd’hui, ils ont troqué le treillis et les armes contre des costumes impeccables et des tracts de campagne pour se lancer dans la bataille des législatives en Irak.

En juin 2014, quand la plus haute autorité chiite d’Irak, le grand ayatollah Ali Sistani, a appelé au combat contre les jihadistes arrivés aux portes de Bagdad, Falih Khazali n’a pas hésité. «J’ai retiré mon costume de ville pour enfiler un treillis et partir au front», raconte-t-il, alors qu’il venait d’être élu un mois plus tôt au Parlement. Une législature plus tard –passée dans sa quasi-totalité au front– il espère conserver son siège après avoir, dit-il, été de ceux qui ont «décroché la victoire là où 66 pays de la coalition internationale n’arrivaient pas à l’emporter» face au groupe Etat islamique (EI). De ses exploits au front, Abdel Amir Najem, lui aussi, fait un argument de campagne. En juin 2014, cet ancien officier des services de sécurité s’est enrôlé comme volontaire au sein du Hachd al-Chaabi, la «mobilisation populaire» en arabe, ces unités de supplétifs intégrés progressivement aux forces gouvernementales. Candidat dans sa région de Bassora, à la pointe sud du pays, M. Najem brigue aujourd’hui son premier mandat. «Après la victoire, comme on s’est battu au front, il faut maintenant combattre les terroristes de la politique», affirme cette tête de liste qui chapeaute un rassemblement de technocrates et de personnalités de la société civile.

«On veut du changement»
Sur sa liste du «Rassemblement des hommes de l’Irak» figurent des médecins, des avocats et des notables locaux, tandis que sur celle de M. Khazali, l’Alliance de la Conquête, les membres du Hachd al-Chaabi sont légion. Devant une photo où il pose aux côtés du chef du Hezbollah chiite libanais Hassan Nasrallah, ce vétéran raconte avec fierté ses batailles et montre ses blessures au combat en Syrie, où il perdu son ?il droit, et en Irak. Comme ce quadragénaire imposant, de nombreux candidats de la Conquête sont issus des différents groupes armés d’Irak. Un atout qui pourrait faire de cette nouvelle coalition l’un des gagnants des législatives du 12 mai, si l’on en croit certains électeurs. «Celui qui s’est sacrifié pour l’Irak sera forcément un bon député», assure ainsi Tareq Jabbar, fonctionnaire de 55 ans, convaincu par ces candidats venus du terrain militaire à l’arène politique. De toutes façons, renchérit Mahmoud Yassine, journalier de 48 ans, «on veut du changement». Depuis la chute en 2003 du dictateur Saddam Hussein dans la foulée de l’invasion conduite par les Américains, «on voit toujours les mêmes visages». Calculatrice et cahier d’exercice en main, Ammar Moufid, étudiant de 24 ans, souhaite aussi un renouvellement. Mais pas à n’importe quel prix. «Certains utilisent le combat contre l’EI en politique, mais, dit-il, ce qu’il faut ce sont des candidats qui agissent contre le chômage», un fléau qui touche un jeune sur cinq.

Corruption, éducation, chômage
Un argument que les combattants en lice pour la députation semblent avoir entendu. Le bureau de M. Khazali est une véritable ruche. Des dizaines de jeunes, colleurs d’affiches ou communicants en passant par les rédacteurs des rapports qui remplissent de nombreuses étagères, tous mettent la touche finale au programme. «J’ai déjà rassemblé 50 dossiers de cas de corruption», la principale préoccupation des électeurs, assure M. Khazali en montrant un cahier en papier glacé où sont réunies les «preuves». En outre, ce commandant au sein des brigades Sayyed al-Chouhada a établi des dossiers sur «l’économie, les jeunes, la pauvreté, le logement, l’emploi, l’agriculture, l’industrie». «Même en ayant passé trois ans et demi au front, je n’ai pas cessé de suivre la politique», confie-t-il. M. Najem, lui, fait de l’éducation sa priorité. «Le système public est délabré, il faut le sauver avant que seules les écoles privées payantes ne dispensent une éducation de qualité», prévient-il. Pour ces élections, «nous misons sur la conscience des électeurs», souligne M. Khazali, qui cite le dernier message de l’ayatollah Sistani appelant aux «consciences» des électeurs pour sortir «les corrompus et les incapables». Cette année, «les allégeances tribales, les intérêts personnels, les promesses, les projets fantoches et les achats de voix» n’auront pas leur place, veut croire M. Najem.

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