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Côte d’Ivoire : L’ancien président Laurent Gbagbo libéré sous conditions par la CPI

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La Cour pénale internationale (CPI) a libéré sous conditions, vendredi, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, après son retentissant acquittement il y a deux semaines de crimes contre l’humanité commis en 2010 et 2011 lors de violences post-électorales en Côte d’Ivoire.

«La Chambre d’appel a décidé à l’unanimité l’ajout d’un ensemble de conditions qui assortissent la mise en liberté» de Laurent Gbagbo, dont l’obligation de résider dans un Etat membre de la CPI en attendant un éventuel procès en appel, a déclaré le juge président de la CPI, Chile Eboe-Osuji. Dans leur décision, dernier épisode en date d’un feuilleton judiciaire qui tient en haleine la Côte d’Ivoire, les juges n’ont pas précisé le pays qui accueillerait M. Gbagbo, ni si un retour de l’ancien président dans son pays était envisageable. La Côte d’Ivoire est bien un des Etats membres de la Cour. Toutefois, ce pays a refusé de remettre à la CPI Simone Gbagbo, épouse de l’ancien président, malgré un mandat d’arrêt délivré en ce sens. La Cour, qui siège à La Haye, pourrait donc refuser le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire dans l’attente d’un éventuel procès en appel. Selon la CPI, un pays dont le nom n’a pas été divulgué «s’est dit prêt à accueillir M. Gbagbo» à condition qu’il accepte de signer un engagement à retourner devant la cour si elle le demande. «Nous sommes très heureux pour M. (Charles) Blé Goudé qu’il soit enfin libéré. C’est une décision justifiée», a déclaré devant des journalistes son avocat Geert-Jan Knoops, en référence à l’ex-chef du mouvement des Jeunes Patriotes dont la CPI a également décidé la libération.

«Réconciliation»
Dans la soirée, la CPI a indiqué que MM. Gbagbo et Blé Goudé avaient quitté le centre de détention de la CPI à La Haye pour un lieu «transitoire» en attendant que leur destination finale soit déterminée. Devant la CPI, située dans un quartier résidentiel de La Haye, des dizaines de sympathisants ont entonné des chants, brandissant des drapeaux ivoiriens. «Gbagbo est libre!», «Respectez le pouvoir de Gbagbo!», ont-ils notamment scandé, sous l’oeil d’une vingtaine de policiers, déployés pour garantir le maintien de l’ordre. «Nous sommes très heureux. La réconciliation peut enfin commencer en Côte d’Ivoire», a déclaré Abdon Bayeto, un des plus proches conseillers de l’ancien président ivoirien. A Abidjan, dans le grand quartier de Yopougon réputé pro-Gbagbo, il n’y a pas eu de grandes scènes de liesse comme en décembre lors de la fausse annonce de sa libération ou mi-janvier lors de l’annonce de l’acquittement. «C’est arbitraire d’assortir la libération d’un acquitté de conditions. Après huit ans, il devrait être totalement libre», s’insurge Évelyne, une sympathisante qui se dit découragée par la procédure. Vendredi matin, au début d’une journée haletante, l’accusation avait déclaré être prête à accepter la mise en liberté de l’ancien président ivoirien et de M. Blé Goudé à condition qu’il leur soit interdit de rentrer en Côte d’Ivoire.

Liberté limitée
Jugés pour des accusations de crimes contre l’humanité commis entre 2010 et 2011 en Côte d’Ivoire, MM Gbagbo et Blé Goudé ont été acquittés le 15 janvier en première instance. Depuis ce retentissant acquittement, le maintien en détention des deux hommes était au coeur des débats devant la CPI, la défense ayant demandé une mise en liberté immédiate et inconditionnelle. «Il est impossible de limiter la liberté d’une personne innocente», a répété l’avocat de M. Gbagbo, Emmanuel Altit. L’accusation craignait que MM. Gbagbo et Blé Goudé ne se présentent pas devant la Cour dans le cas d’un procès en appel, et souhaitaient que les deux hommes remettent leurs passeports et soient remis à la garde d’un pays proche des Pays-Bas. A ce stade, l’accusation attend toujours que les juges communiquent leur décision écrite. «Ce n?est qu?après un examen et une analyse approfondis de ces motifs que mon bureau va décider ou non d?interjeter appel», a déclaré vendredi la procureure de la CPI Fatou Bensouda. En détention depuis plus de sept ans, Laurent Gbagbo était jugé pour des crimes commis pendant la crise de 2010-2011, née de son refus de céder le pouvoir à son rival, l’actuel président ivoirien Alassane Ouattara. Les violences avaient fait plus de 3.000 morts en cinq mois.

Preuves «exceptionnellement faibles»
Il avait été arrêté en avril 2011 par les forces du président Ouattara, soutenues par l’ONU et la France. Il est le premier ancien chef d’État à avoir été remis directement à la CPI. MM. Gbagbo et Blé Goudé étaient accusés de quatre chefs de crimes contre l’humanité: meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains, pour lesquels ils ont toujours plaidé non coupable. A la majorité, les juges de la chambre de première instance ont estimé que les preuves présentées par l’accusation étaient «exceptionnellement faibles». Un seul juge a exprimé une opinion dissidente. Selon lui, «il existe des éléments de preuve permettant à une chambre de première instance raisonnable de condamner l’accusé». L’acquittement de M. Gbagbo intervient à une période tendue en Côte d’Ivoire, à l’approche de la présidentielle de 2020, alors qu’Alassane Ouattara n’a pas dévoilé ses intentions et que la coalition formée avec Henri Konan Bédié, son ancien allié contre Gbagbo, a explosé.

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