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Chlef : une wilaya à vocation touristique à la traîne

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Si, au cours du mois de juillet, la fréquentation des plages du littoral chélifien a été assez timide cette année, en raison d’une part des contraintes du mois sacré de Ramadhan et d’autre part des congés annuels auxquels les fonctionnaires et les immigrés optent davantage pour le mois d’août, ce dernier demeure incontestablement le mois le plus prisé pour plusieurs raisons. En premier lieu, les conditions météorologiques qui prévalent au cours de ce mois, en effet, les plus grands pics de température sont enregistrés en août .
Ainsi, le mois d’août demeure, par excellence, le mois des vacances et des festivités le plus prisé par les familles algériennes. Avec ses 120 km de côte qui s’étendent de Damous à l’Est, jusqu’à Dechria à l’ouest, et ses 26 plages autorisées à la baignade, la wilaya de Chlef dispose de sites paradisiaques, où leur beauté se mêlent, eau limpide, montagnes somptueuses et forêts de chêne et de pin. La beauté et la tranquillité des lieux est saisissante. Cependant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette wilaya à forte vocation touristique, et dont les paysages n’ont rien à envier à ceux de la corniche jijelienne, reste à la traîne en matière de structures d’accueil, d’hébergement, de restauration et de transport. Pour s’y rendre depuis le chef-lieu de wilaya jusqu’à Ténès, passage obligé pour se rendre le soir vers l’Est, soit vers l’ouest du littoral, les automobilistes et les estivants doivent emprunter la RN19, reliant Chlef à Ténès en passant par Chettia, Ouled-Farès, Bouzghaïa et Sidi-Akkacha, soit une distance de 50 km.
Nous entamons le voyage à partir de la ville de Chlef. Il fait 42 degrés à l’ombre et un embouteillage terrible, qui vous donne l’envie de quitter au plus vite cette fournaise. Direction la RN19, en passant par Chettia. La circulation est beaucoup plus fluide que les week-ends, où la majorité des fonctionnaires se ruent sur le littoral. Mais le bruit assourdissant des vélos-moteurs, ces vieilles motos aux tuyaux d’échappement modifiés, dont seuls les Chélifiens, faut-il le souligner, en détiennent le secret, sont le moyen privilégie des jeunes de la région. On rencontre sur la route de nombreux camions-citernes qui vendent de l’eau provenant de la source de Aïn-Bouchakor. Ils desservent la presque totalité des 35 communes que compte la wilaya. Il faut dire qu’à raison de 20 dinars le jerrican de 20 litres d’eau, beaucoup de personnes ont investi «ce créneau». Ce n’est qu’en arrivant à Sidi-Akkacha que le décor commence à changer, et que l’on aperçoit les articles de plage proposés à la vente, et une brise marine qui nous parvient de loin. Les virages du massif boisé annoncent la couleur, et les gorges qui annoncent l’entrée de la ville ressemblent à celles de la Chiffa. Seulement, l’oued est transformé en égout à ciel ouvert qui ira se déverser en mer, et la circulation routière devient infernale. En effet, pour parcourir les 7 km, reliant Sidi-Akkacha à Ténès, il faut avoir des nerfs d’acier, car il faut au minimum une heure et demie pour arriver à bon port. Heureusement, pour nous, le véhicule qui nous transportait dispose de la clim de quoi supporter la canicule, et aussi la longue file d’attente de voitures sur ce tronçon. On rencontre aussi de nombreux camions de gros tonnage qui fréquentent le port de Ténès. Généralement, les produits importés que transportent ces gros camions sont principalement le bois, le fer à béton et quelques fois des engrais destinés à l’agriculture.
Dès qu’on accède à la ville de Ténès par son entrée sud, c’est la saleté frappante et les odeurs nauséabondes provenant du marché de fruits et légumes, et surtout celle du poisson exposé à tout venant qui vous frappe. Une anarchie règne au niveau de ce carrefour où une poignée de policiers peinent à rétablir l’ordre. Là, également, on observe encore une autre file de voitures devant une station d’essence. Abdelmoumen, notre ami et chauffeur, nous fera remarquer qu’il existe deux seules pompes d’essence, celle appartenant à un privé, située à l’entrée de la ville et une autre à la sortie-Est, propriété de Naftal, et de préciser que vu le nombre impressionnant de véhicules qui transitent par la ville de Ténès, il n’est pas rare d’observer des ruptures de stocks. Mais, à mesure que l’on se fond parmi la population, les choses s’améliorent plus ou moins. Il faut dire que l’accueil est à la limite du supportable. Au niveau des boutiques, la devise du «client est roi» n’est pas apparemment à l’ordre du jour dans cette ville antique. Nous l’avons appris à nos dépends, en voulant acheter un parasol. Le commerçant excédé par nos questions sur la qualité et sur le prix du produit, nous a intimement donner l’ordre de quitter les lieux. Toutefois, il ne faut pas omettre de dire qu’il existe certains commerçants qui sont exemplaires dans leurs relations avec leur clientèle.
Sur les deux principales plages de la ville, celle de «La-Marina» ou celle de la Grande-Plage centrale, les baigneurs ne se posent pas ces questions et profitent des moments de détente. Le front de mer a subi un grand lifting avec l’aménagement des allées, et surtout la disposition des restaurants, tout au long de cette portion du littoral. À la sortie du port de Ténès, un projet immobilier est presque achevé. De très jolis immeubles avec pied dans l’eau. Mais qui a eu cette ingénieuse idée de bâtir un ensemble immobilier face à la plage ! Cet endroit est censé abriter des hôtels, des bungalows, des complexes de loisirs, mais sûrement pas des immeubles, aussi beaux soient-ils. Il faut dire qu’en l’absence d’hôtels, les vacanciers se rabattent sur la location d’appartements. Ces derniers sont cédés entre 40 000 et 60 000 dinars la quinzaine. Mais il faudrait s’y prendre au moins trois mois à l’avance.
De Ténès, l’on peut rejoindre les belles plages de l’Ouest, notamment Sidi-Abderrahmane et El-Marsa, Dechria, Dattier, comme on peut regagner celles qui se trouvent à l’Est, comme Deraghnia Boulechghal, Oued-Goussine, ou Béni-Haoua… Mais, faut-il le souligner, le littoral, ce ne sont pas seulement les plages. La région dispose de plusieurs belles forêts, à l’image de celles de Bissa, Oued-Romane, ou El-Guelta, capables de devenir un lieu de villégiature par excellence. La région recèle également des vestiges phéniciens et romains, des phares aux mille et une histoires, la mosquée de Sidi-Maïza qui date du Xe siècle et le mausolée érigé à la mémoire de Mama-Binet, à Béni-Haoua. Nous prenons le chemin de la côte-Est chélifienne, en direction de Béni-Haoua. Des virages et montagnes boisées sur des dizaines de kilomètres, et pas l’ombre d’un café, d’un restaurant ou d’une plaque indiquant une plage. Puis, au milieu de ces paysages féériques, trois voitures sont à l’arrêt sur le bas-côté. Enfin, un café !, en plein milieu de la forêt. Mais pas la peine de demander de l’eau ou des jus frais. Le petit frigo est vide! Nous demandons au propriétaire de nous indiquer la plage la plus proche. Il nous dit : «À 20 mètres, prenez la première piste à droite». Sur place, un petit fil barbelé, deux torchons accrochés, puis deux bambins tenant une corde, en guise de barrière d’entrée. On nous exige 100 dinars de droit d’accès, et pas de ticket ! Au milieu de la forêt qui descend vers la mer, il faut se débrouiller une place de stationnement entre arbres et tentes érigées un peu partout. C’est un camping sauvage. Pour descendre à la plage, il faudrait user du système D. Des pistes aménagées à la hâte par les campeurs, où le moindre faux pas pourrait être fatal. Une fois en bas, une plage de galets, dont la propreté est irréprochable, offre un cadre de rêve. Mais point de poste de la Protection civile. Plutôt un jeune, que nous avons rencontré et qui gère les lieux et qui loue le parking à 100 dinars la place. Pour y passer la nuit, il faudrait débourser 300 dinars. Un groupe vient tout juste de débarquer. Ce sont des habitués du camping, nous dit-on. ces deniers n’ont pas lésiné sur les moyens. Telle une armée bien entraînée, chacun accomplissait avec ardeur sa tâche, les uns faisant le terrassement du terrain, tandis que les autres installent les tentes, alors que deux autres règlent la parabole, et le reste fait le déménagement. Zodiac, groupe électrogène, frigo, tout y est. La seule chose que ce groupe n’a pas pris en compte, c’est que ce camping sauvage pourrait être démonté, à la simple visite d’une brigade de la Gendarmerie nationale, car non autorisé.

Un habitué des lieux nous informa que nous sommes à Draghnia. Une cinquantaine de mètres plus loin un autre camping apparemment boudé par les familles en raison des tarifs appliqués. Poursuivant notre escapade nous arrivâmes à Béni-Haoua , cette ville appelée autrefois Francis Garnier est surtout connue par la légende de Mama Binette. Selon la légende le 9 janvier 1802,  le navire de guerre français Le Banel s’apprête à quitter le port Toulon en direction des Caraïbes. Le trois-mâts dirigé par le Capitaine Flièrèse Callamand devait réprimer une révolte à Saint Domingue avec d’autres navires de guerre français. 528 militaires, 200 fusiliers marins et neuf femmes néerlandaises se trouvaient à bord du Banel. Le Banel ne devait cependant jamais arriver à destination ; suite à une violente tempête, il s’est échoué sur la côte de Béni Haoua, à 130 km à l’ouest d’Alger. Deux semaines plus tard, M. Fraissinet, consul néerlandais en Algérie, en a été informé. Une partie des survivants aurait été sauvée par des Maures et des Kabyles et une autre partie aurait été tuée.  Toujours selon cette légende, sept, cinq ou quatre femmes (les chiffres diffèrent) avaient été faites prisonnières comme butin de guerre par une tribu locale. Le chef de la tribu, prit une femme pour lui-même et offrit les autres à ses compagnons. Dans le village, les femmes devinrent rapidement célèbres et furent louées pour leur piété et leurs bonnes actions.
La femme la plus âgée était particulièrement chère à la population locale et au chef de son village, qui l’épousa après sa conversion à l’Islam. Après sa mort, cette femme chérie a été vénérée comme un « marabout » (sainte). Son nom d’origine a également été oublié puisqu’elle devient connue comme « Mama Binette », ou « Umm Binette » (mère des filles). Une dalle funéraire endommagée, rappelle toujours cette femme et ses six pieuses compagnes d’infortune. Cette dalle se trouve dans le Mausolée de Mama Binette (édifié en 1936) qui donne sur la « baie des Souahlia » pas loin de l’endroit où Le Banel un jour, fit naufrage. Aujourd’hui, le navire se trouverait à 70 mètres de fond avec toujours deux canons à bord. Le mausolée est  actuellement un lieu de pèlerinage où les femmes algériennes déposent des fleurs et dansent pour chasser le(s) démon(s). Il faut souligner que de nos jours, de nombreux enfants sont d’une beauté remarquable et naissent  avec des yeux bleu et des cheveux blonds. notre visite s’achève par une virée au port de cette ville côtière. Notre ami et chauffeur était tout éxité à la vue du port qui lui rappelle de bon souvenirs. En effet, il venait assez souvent pratiquer son sport favori qui est la pêche au moulinet. « je passai souvent des heures avec mes deux cannes dans l’obscurité, quelque fois la chance me souriait et de belles dorades mordaient à mes hameçons» nous confia notre ami. Voilà bientôt cinq longues heures depuis notre départ de Chlef et nos estomacs commencent à crier famine. Alors nous décidâmes de rejoindre une petite bicoque pas loin du port où l’on sert du poisson frais. Si la qualité du poison était irréprochable, les prix appliqués découragent les plus téméraires. Le restaurateur nous fera remarquer à la suite de la présentation de la note que c’est la saison estivale, qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille, alors que les autres mois de l’année c’est l’agonie.
Pour la direction du Tourisme de la wilaya de Chlef, toutes les mesures ont été prises en vue d’assurer le bon déroulement de la saison estivale. Bien avant l’ouverture de la saison estivale, une commission de wilaya a été installée, regroupant des représentants des directions du commerce, du Tourisme, de l’environnement, ceux de la police, de la Gendarmerie nationale, de la Protection civile et des gardes-côtes. Un planning des opérations de contrôle des plages a été établi, notamment les week-ends qui connaissent une forte affluence, précise-t-on. La wilaya compte 26 plages autorisées et 5 non autorisées. Le direction du Tourisme a indiqué que l’accent a été mis sur le respect de l’hygiène, afin de se prémunir des intoxications enregistrées l’année passée. La wilaya, qui compte six communes situées sur le littoral, a installé des administrateurs de plages dans les six communes. Ces administrateurs sont tenus d’établir un bulletin quotidien où ils notent toutes les informations (statistiques de l’affluence et problèmes rencontrés). Des postes de la gendarmerie et de la Protection civile ont été installés par les services de la wilaya à travers les plages qui n’en disposaient pas.
Toutefois le direction du Tourisme reconnaît le manque de structures d’hébergement  : “À ce jour, il n’existe que trois hôtels dont la capacité ne dépasse pas 110 lits.” Pour ce qui est des campings, les communes du littoral en comptent plusieurs. Mais le problème, c’est que ces campings sont la propriété de sociétés nationales dissoutes. En tout, ce sont cinq campings gérés par les communes, à travers des concessions, sur tout le littoral. «Nous avons constaté la carence en la matière”,  reconnaît un responsable  du tourisme , qui espère que le projet des 10 zones d’expansion touristique (ZET) de 1 600 ha retenues pour la wilaya remédierait à cet état de fait. “D’ici, trois ou quatre ans, nous aurons 2 700 lits supplémentaires. Les dossiers des investisseurs ont été déposés au Calpiref. » Il s’agit de trois ZET prioritaires : Celles de Aïn Hamadi, de Mainis et d’Oued Tergha.
Concernant les campings sauvages la direction du Tourisme rappellera que, pour la seconde année consécutive, il y a un arrêté du wali portant interdiction et éradication des campings sauvages, notamment du côté de Béni Haoua. Tout en promettant de “réhabiliter les campings ». Quant aux élus de l’APW, ils estiment que les APC des villes côtières ne font pas assez d’efforts pour attirer les estivants dans leurs communes, sources de revenus substantiels pour ses habitants. Ils se plaignent également de l’absence totale d’activités culturelles ou sportives durant la saison estivale, de jour comme de nuit : “Les estivants viennent nager et dormir. Même à Ténès ville, le théâtre reste fermé pendant tout l’été.
Bencherki Otsmane

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