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Turquie : Erdogan, l’anti-européen

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Le président turc n’a jamais eu véritablement l’intention de faire entrer son pays dans l’Union européenne. « Ces négociations entre la Turquie et l’Union européenne n’aboutiront jamais « : tel est, en privé, le verdict abrupt d’un diplomate proche du dossier. Ankara a déposé sa demande d’adhésion en 1987. Son statut de candidat a été reconnu en 1999 et les négociations ont commencé en 2005. Sur les 35 chapitres de « l’acquis communautaire « en discussion, 14 ont été ouverts et un seul clôturé (science et recherche). Sur la plupart des autres chapitres Ankara traîne les pieds et ne montre aucune volonté d’aboutir. Surtout lorsqu’il s’agit de domaines épineux : liberté de la presse, droits de l’homme, liberté syndicale, marchés publics, etc.
À titre de comparaison, les négociations avec la Croatie, débutées au même moment que celles avec la Turquie, ont été achevées en 2011 et le 1er juillet 2013, ce pays est devenu le 28e membre de l’UE. Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, avait pourtant naguère fait de l’Europe un puissant argument de vente auprès de son électorat. C’était l’époque où, l’ancien membre des Frères musulmans entendait promouvoir un « modèle turc « et démontrer que le fondamentalisme islamique était compatible avec la démocratie et l’économie de marché.

Démanteler l’état kémaliste laïque
Pour se mettre aux normes européennes, il fallait, bien sûr, démanteler les structures peu démocratiques de l’état kémaliste. Faire sauter toutes les digues qui protégeaient la laïcité. Mettre au pas l’armée, gardienne sourcilleuse de l’héritage du père fondateur Moustapha Kemal Atatürk. On découvrit ainsi une série de complots, réels ou imaginaires, de ce fameux « état profond « dont les militaires étaient supposés tirer dans l’ombre les ficelles maléfiques.L’Europe fut ainsi habilement instrumentalisée pour faire aboutir le seul projet qui, en réalité, tenait à cœur du nouveau sultan : s’arroger tous les pouvoirs, mettre au pas le pays et revivifier le rêve ottoman de puissance régionale. Étant presque parvenu à ses fins, Erdogan peut manœuvrer en toute impunité.

Trois milliards d’euros pour arrêter le flux des réfugiés
En Syrie, il joue, quoi qu’il en dise, un trouble double jeu avec Daech, en profite pour réprimer les Kurdes, le véritable ennemi à ses yeux.
Il n’hésite pas à laisser abattre un avion russe qui a peut-être violé l’espace aérien turc, mais ne constituait en rien une menace. Il est vrai qu’entre la Russie et la Turquie, le contentieux historique est singulièrement chargé : 11 guerres ont opposé Russes et Ottomans pour la domination des Balkans et l’accès aux mers chaudes. Sans compter celle de 14-18…En début d’année, Erdogan a, délibérément et sans aucune concertation, ouvert les vannes du flot de migrants qui a ensuite déferlé sur l’Europe. « La décision de laisser partir les réfugiés a été prise en haut lieu et pas seulement par quelques gardes-frontières corrompus «, estime un spécialiste bien placé. Pour arrêter le flux, Erdogan réclame trois milliards d’euro à l’UE, un assouplissement en matière de visas pour les citoyens turcs. Il tient aussi à un sommet UE-Turquie, afin de conforter sa posture, et demande l’ouverture de nouveaux chapitres de négociation dont il se moque, en fait, comme d’une guigne.

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