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Syrie : À Alep, les civils au cœur de la tourmente

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Alors que les rebelles cèdent du terrain face aux forces du régime, les civils se trouvent piégés au milieu des bombardements et des combats.

Les rebelles ont perdu le tiers d’Alep-Est, leur principal bastion, face aux forces du régime syrien qui espère rapidement reprendre cette partie de la ville que fuit la population en proie à la faim et au froid. Le Conseil de sécurité des Nations unies doit discuter, mardi, à New York ( nord-est des États-Unis ) du conflit syrien. La chute totale de la partie orientale de la grande cité du nord de la Syrie infligerait aux différents groupes d’insurgés leur pire défaite depuis le début de la guerre en 2011.

Situation humanitaire « effrayante »
Après avoir résisté au siège imposé depuis juillet au secteur rebelle, où vivaient quelque 250 000 habitants, par le régime de Damas, les civils semblent prendre désormais le chemin de l’exode. «Les premiers rapports indiquent que jusqu’à 16 000 personnes ont été déplacées, beaucoup dans des situations incertaines et précaires. Il est probable que des milliers d’autres n’auront pas d’autre choix que de fuir si les combats continuent à s’intensifier au cours des prochains jours », a annoncé mardi le patron des opérations humanitaires de l’ONU Stephen O’Brien qui parle d’une situation « alarmante et effrayante ». L’« intensification des combats au sol et les bombardements aériens aveugles au cours des derniers jours auraient tué et blessé des dizaines de civils» alors que plus aucun hôpital ne fonctionne et que « les stocks alimentaires sont pratiquement épuisés », a-t-il déploré. «C’est le premier exode de ce genre à Alep-Est » en plus de quatre ans, a relevé Rami Abdel Rahmane, directeur de l’OSDH. D’autres familles se sont réfugiées dans des quartiers encore contrôlés par les insurgés, où des habitants leur ont donné des couvertures pour affronter le froid de la nuit. « Ce sont les pires journées depuis le début du siège. La situation est catastrophique. Il y a un exode massif et le moral est au plus bas », a témoigné Ibrahim Abou Laith, porte-parole des Casques blancs, le service de secouristes d’Alep-Est. « Il n’y a ni nourriture, ni eau, ni abri, ni moyens de transport. ( … ) Les gens dorment dans la rue », a-t-il dit, la voix brisée. « Jusqu’à quand le monde sera-t-il contre nous ? »

Bombardements soutenus
Les troupes du président syrien Bachar el-Assad se sont emparées en totalité, lundi, du nord-est d’Alep, où au moins six civils ont péri, selon l’OSDH. En perdant un tiers d’Alep-Est, les rebelles essuient « leur plus grand revers depuis 2012 », a commenté Rami Abdel Rahmane. Après avoir repoussé plusieurs offensives du régime pendant un an, ils sont cette fois submergés par l’opération terrestre et aérienne déclenchée le 15 novembre par l’armée, avec le soutien de combattants étrangers aguerris. La lutte est devenue trop déséquilibrée, car « nous affrontons l’Iran et la Russie » qui soutiennent militairement le régime, déplore Yasser al-Youssef, un responsable du groupe de rebelles Noureddine al-Zinki, un des principaux d’Alep. La reconquête de la ville par le régime « serait un tournant » dans la guerre dévastant la Syrie depuis le printemps 2011, car elle montrerait que « l’opposition est incapable d’avoir un succès majeur sur le plan militaire » et de se poser comme « choix alternatif » face à Damas, souligne Fabrice Balanche, expert de la Syrie au Washington Institute. La chute d’Alep-Est constituerait aussi une défaite pour les alliés de l’opposition ( Arabie saoudite, Qatar, Turquie… ) et les Occidentaux. Elle renforcerait, en revanche, les soutiens de Damas, au premier rang desquels la Russie, qui a fortement contribué à affaiblir les rebelles depuis le début de son intervention en septembre 2015. L’offensive déclenchée le 15 novembre a tué au moins 247 civils ( 18 lundi ), dont 32 enfants, à Alep-Est, selon l’OSDH. Les rebelles ont parallèlement tué au moins 40 civils ( 12 lundi ), dont 18 enfants, en bombardant les zones gouvernementales d’Alep-Ouest. La progression des forces du régime s’est accélérée avec la prise, samedi, du quartier de Massaken Hanano, le plus grand d’Alep-Est, permettant ensuite à l’armée de prendre le contrôle lundi des quartiers de Sakhour, d’Haydariyé et de Cheikh Khodr et de couper Alep-Est en deux, selon l’OSDH et les médias officiels syriens.

Réunion du Conseil de sécurité de l’ONU
Face à la « catastrophe humanitaire » à Alep en Syrie, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a demandé mardi que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunisse « immédiatement » afin « d’examiner la situation de cette ville martyre et les moyens d’apporter secours à sa population ». « Plus que jamais, il y a urgence à mettre en œuvre une cessation des hostilités et à permettre un accès sans entrave de l’aide humanitaire », estime Jean-Marc Ayrault dans un communiqué.
Des consultations sur la Syrie étaient déjà prévues ce mardi au Conseil de sécurité. Lundi, l’ONU s’était déjà dite « extrêmement inquiète » pour les plus de 250 000 civils qui vivent « dans des conditions horribles ». « Nous demandons instamment à tous les belligérants de cesser leurs bombardements aveugles ( … ) et de laisser entrer l’assistance humanitaire urgente comme l’exige le droit international humanitaire », a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric.

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