Accueil À LA UNE SA PRÉSIDENTE, IBTISSAM HAMLAOUI, SE CONFIE : « Le CRA revient de loin ! »

SA PRÉSIDENTE, IBTISSAM HAMLAOUI, SE CONFIE : « Le CRA revient de loin ! »

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La présidente du Croissant rouge algérien semble préférer le terrain au confort de bureau. Le  temps d’une demi-heure d’un entretien qui s’est déroulé, dimanche dernier, au siège du CRA à Dely-Brahim, elle a pris 2 à 3 appels téléphoniques. C’est dire qu’elle a beaucoup plus la tête dans le feu de l’action humanitaire. Dans cette interview, Ibtissam Hamlaoui a répondu à nos questions sur l’action locale et internationale du CRA. Comme elle s’est  confiée sur l’organisation humanitaire qu’elle dirige depuis mai 2022.

Entretien réalisé par Farid Guellil

-Le Courrier d’Algérie : Le CRA est au cœur de l’action de solidarité. On sait que vous avez remis des aides  à des familles nécessiteuses dans les 58 wilayas à l’occasion de Ramadhan. On voudrait un aperçu sur cette opération et celles au profit des sinistrés des intempéries …

-Ibtissam Hamlaoui : Tout d’abord, sachez que le CRA vit une nouvelle ère en ce moment après le rajeunissement de tous les comités de wilaya. Il y eu un changement de critère de choix des présidents et des membres du bureau des comités. Pour répondre à votre question, il y a eu effectivement une action de solidarité énorme pour Ramadhan qui est un mois très important pour les Algériens. Plus de 100 000 colis alimentaires ont été distribués. Il faut savoir que l’action du CRA est composée de deux parties ; l’action centrale orchestrée par le siège national qui s’occupe de la gestion des fonds et des achats et l’action de solidarité locale qui fait plus appel aux donateurs beaucoup plus en nature qu’en espèces. Nous avons distribué aux 58  wilayas entre 1000 et 2000 colis alimentaires chacune et ce selon la situation et les besoins exprimés. Nous avons axé notre action sur les régions frontalières ainsi que les wilayas du grand Sud. Les populations nomades ont bénéficié d’importantes aides en nourriture et médicaments. Beaucoup d’autres wilayas du centre, régions et « d’chour » dans les reliefs montagneux ont bénéficié de colis alimentaires. Il y a des comités locaux qui, à eux seuls, ont distribués 10 000 colis chacun telles que Batna, Mascara et Biskra qui ont fait un excellent travail. Pour le « f’tour », nous avons prévu 250 restaurants du cœur. Mais sur le terrain, nous en sommes à 226 (statistiques arrêtées au 19 mars 2023) pour 63 268 repas servis/jour. En dehors des restaurants, nous avons 93 points de distribution. En outre, on est présent sur les Routes nationales pour la distribution des repas aux automobilistes. Il faut souligner que nous avons banni le mot « Rahma » (miséricorde) au CRA par respect à la dignité des gens. Et puis, nous ne sommes pas là que pour les démunis. On peut être riche et,  de passage, prendre son f’tour.

Concernant les sinistrés, le CRA a toujours été au taquet. Il faut savoir que nous avons un stock de sécurité permanent, notamment en matelas, couvertures et colis alimentaires. En cas de nécessité, on peut agir dans les 24 heures facilement. L’opération est centralisée, car il y a des critères à remplir et qui rentrent en jeu comme le stockage et les dates de péremption.  Ce stock de sécurité nous a ainsi permis d’agir rapidement au cours des inondations à In  Guezzam en 2023 et les feux de forêt. Nous avons aussi agi récemment lors des inondations de Jijel. Nous étions les premiers à intervenir. Nous avons remis aux sinistrés 1300 matelas/couvertures et des colis alimentaires. C’est dire que nous sommes sur tous les fronts, ce qui n’est pas facile à gérer. Ceci étant, il y a une grande satisfaction qui fait qu’on continue. 

– Où résident les difficultés ? 

-D’abord un manque en moyens financiers. Il faut savoir que contrairement à ce que l’on raconte, le CRA ne bénéficie pas d’aides de l’État, du moins au cours  de mon mandat (entamé en mai 2022, Ndlr). Toute l’action est basée sur un effort personnel. C’est-à-dire, c’est nous qui allons chercher les donateurs, c’est nous qui essayons de créer des petits projets pour un autofinancement. Puis, il y a un manque de cadres, puisque les gens cherchent des salaires beaucoup plus importants. Bien que chez l’humanitaire, les salaires sont les plus importants au monde, les cadres cherchent à accéder à des fonctions supérieures de l’État et la stabilité de l’emploi. Donc, c’est très difficile d’avoir des cadres qualifiés. C’est pour cela que notre action est basée sur le volontariat, ce qui n’assure pas cette stabilité. À titre de comparaison, la Croix rouge française dispose de 

15 000 employés. C’est dire l’importance de la main d’œuvre dans l’action humanitaire. Nous ? On est à seulement 150 employés. Ce qui est un chiffre dérisoire sachant que 10 employés s’occupent des finances.  Ils sont répartis sur le siège national, nos cellules à Oran et Tindouf, quatre crèches à Alger, quatre dépôts, école de formation et centre d’accueil des migrants vulnérables. 

– Parlons de l’action à l’international. Qu’en est-il de  la Palestine ? Ce qui a été fait comme action de solidarité face au drame humanitaire que vivent les Palestiniens …

-La situation est très très difficile. Il faut savoir que l’UNRWA qui est privé des subventions n’arrive pas à faire entrer les aides humanitaires à Ghaza. Au CRA, on a essayé avec les Croissants rouges palestinien et égyptien. Là on nous informe qu’il y a une petite brèche pour faire rentrer des aides alimentaires. En ce moment même (dimanche dernier, Ndlr), on est en train de charger, à l’aéroport militaire de Boufarik destination de l’aéroport d’El-Arich en Égypte 150 tonnes d’aides à acheminer sur deux navettes. Il faut savoir que les données change instantanément au niveau du passage de Rafah. On ne peut donc rien prévoir. Ceci étant, nous sommes prêts à agir dès qu’il y a ouverture d’une brèche pour faire entrer les aides à Ghaza. La première fois on a envoyé 110 tonnes. Nous sommes parmi les premiers pays en la matière d’aides contrairement au « blabla » qui se répand çà et là. Des pays plus proches n’ont pas fait mieux que l’Algérie qui est à quelque 6 heures de vol. 

– On s’aperçoit que depuis votre arrivée à la tête du CRA,  vous êtes, en dehors d’une tradition avec la Palestine et le Sahara occidental, intervenus  en Libye et même à Cuba. N’est-ce pas un objectif stratégique en phase avec la nouvelle dynamique de la diplomatie algérienne ? 

-Effectivement on a mené par mal d’actions humanitaires en dehors de la Palestine et du Sahara occidental. En Libye et à Cuba, mais pas que. Nous avons aussi acheminé des aides en Mauritanie (plusieurs fois), en Syrie et en Turquie.  Cette action rentre dans le cadre d’une stratégie en droite ligne avec la nouvelle politique internationale menée par Monsieur le président de la République.  Il faut savoir que la diplomatie humanitaire est une composante de la diplomatie en général. Pour preuve, le président Abdelmadjid Tebboune a mis en place l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement qui s’occupe de la construction, l’installation des projets… etc. Le CRA, qui ne travaille pas avec l’Agence, mais collabore étroitement avec le ministère des Affaires étrangères, fait partie de ce process. 

– Et concernant le peuple sahraoui ?

– Les moyens manquent terriblement. Malheureusement il y a une réduction drastique des dotations accordées au peuple sahraoui. Le CRA essaie avec la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC) de combler, comme on peut, ce manque. Il y a aussi des projets de l’IFRC en matière de santé et de la jeunesse au profit des Sahraouis. C’est vrai que les choses vont de mieux en mieux par rapport à leur position à l’international. Les Sahraouis ont aussi un Croissant rouge très développé, organisé et qui a sa place dans le mouvement humanitaire international. Quand bien même il n’est pas reconnu comme une entité entière, parce qu’il faut savoir que dans un pays on ne reconnait qu’une société nationale. Comme le CRS se trouve sur le territoire algérien, on ne peut pas le reconnaitre. Mais ceci étant, ils ont une place très importante  à l’échelle internationale. On a fait une dizaine de réunions cette année avec les différentes agences onusiennes et des représentations diplomatiques en Algérie. Ce qui a fait qu’il y a un engouement international autour du dossier sahraoui. Tout le monde essaie d’aider comme il peut.  Les choses vont très bien pour le moment. On arrive à mobiliser beaucoup de dons et à lever des fonds. Malgré le nombre important des réfugiés, les choses vont de mieux en mieux sur le plan de diplomatie humanitaire. 

– Le CRA n’est plus seul  à mener la mission humanitaire. Vous avez conclu des accords de partenariat, c’est pour quel(s) objectif(s)?

– D’abord, toutes ces conventions conclues visent  un financement de la part de nos partenaires. Il faut savoir qu’on revient de loin. Le CRA était complétement absent depuis des décennies. Je ne vais pas parler juste de l’ex-présidente (Saïda Benhabylès, Ndlr). Là on essaie de reprendre, on a repris en crédibilité. Ces gens (partenaires, Ndlr) qui viennent vers nous, c’est déjà un succès quel que soit le montant des finances accordé. Il faut savoir que le mécénat-sponsoring fait partie du budget de toute entreprise. Autrement, c’est l’action sociétale de l’entreprise. Prenons par exemple Ooredoo, c’est un partenaire qui a accompagné le CRA pendant 18/20 ans. Cet opérateur mobile nous a donné trois cliniques mobiles, en plus des puces et promotions sur téléphone. Maintenant, les nouveaux arrivés sont Sonelgaz, Groupe Algérie Télécom, Djezzy, Chery… etc. Il y a aussi Schlumberger qui vient de nous donner 3000 colis alimentaires. Il y a un mouvement autour du CRA. Toutes ces conventions couvrent environ 50% des besoins pour le mois de Ramadhan. Pour le reste, il y a les prestations de service que nous effectuons au profit des ONG en activité en Algérie. Sans oublier les bienfaiteurs anonymes. 

– Au niveau central ou local?

– C’est central, ça n’a rien à voir avec le local. Bien que nous aidons les comités locaux sur tous les plans. On s’occupe de l’aménagement des locaux, la bureautique, on leur donne des véhicules comme la remise de 15 voitures 4×4 au niveau national. Mais, toujours est-il que les comités de wilayas doivent apprendre à se débrouiller. 

– Sachant que vous n’avez pas accès aux aides de l’État, quelles sont alors vos sources de financement ?

– Il n’y a pas d’aides de l’État, aucun sou. On est indépendant. Il y a des financements de l’organisation internationale qui concernent les catastrophes naturelles. On en a bénéficié, le montant n’était pas important, mais nous permet d’assurer toujours un stock de sécurité.  

– Un mot pour finir ?

– Le CRA vit une nouvelle ère. On a procédé au changement des statuts et on y a remis un peu d’ordre. Regardez, on avait une trentaine de crèches, mais dans les statuts rien qui dit qu’on peut s’occuper des enfants. Donc, la première des choses, j’ai  procédé au changement des textes lors d’une Assemblée générale ordinaire. On y a aussi inclus les personnes autistes, âgées… etc. Sachez aussi qu’on participe aux opérations de rapatriement volontaires des migrants africains. On fait également un grand travail avec le Haut-commissariat onusien pour les réfugiés (HCR) en s’occupant du programme santé des différents réfugiés. Pour ce faire, on a deux médecins, un médecin référents et une assistance sociale.

F.G.

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