Accueil MONDE Migrants : les 3 actes d’une tragédie annoncée

Migrants : les 3 actes d’une tragédie annoncée

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Guerres aventureuses en Irak et en Libye, enlisement syrien, misère qui ravage une partie de l’Afrique… Les raisons de la vague migratoire qui déferle sur l’Europe. Un malheureux enfant de trois ans endormi pour l’éternité sur une plage du littoral turc : en ces jours d’été déclinant, il aura fallu la diffusion douloureuse de cette affreuse image, pour faire prendre conscience à une opinion publique blasée de l’ampleur de la tragédie qui se joue sous nos yeux. On est brusquement passé d’une indifférence vaguement compassionnelle, à un tsunami émotionnel et irrationnel. En l’occurrence, l’émotion est tout à fait salutaire, mais n’interdit pas de tenter d’analyser avec lucidité l’enchaînement qui a conduit à une telle situation.

Premier acte : l’irresponsable guerre d’Irak
Jacques Chirac avait prévenu George W. Bush, Dominique de Villepin l’avait martelé à la tribune des Nations unies et dans les coulisses diplomatiques : si vous attaquez la citadelle irakienne, vous bouleversez tous les fragiles équilibres régionaux entre mondes sunnite et chiite, entre mondes perse et arabe, entre mondes laïc et islamiste. Vous ouvrez la voie à un démantèlement de l’Irak déjà bien engagé avec l’autonomie de facto du Kurdistan irakien. Et vous risquez d’instaurer le chaos pour un siècle.
Mais George W. Bush voulait à tout prix ouvrir les fatidiques portes de la guerre. Douze ans plus tard, le bilan est éloquent : des centaines de milliers de morts (beaucoup plus que sous Saddam Hussein), le pays sunnite et les zones chrétiennes en grande partie contrôlés par Daesh, des attentats ravageant quotidiennement le pays. Militairement, ce sont les Iraniens qui sont à la manœuvre pour combattre l’organisation État islamique avec l’assentiment inavouable des Américains. L’Irak chiite est devenu une sorte de protectorat de Téhéran. Des flots de réfugiés irakiens cherchent, eux, le salut dans la fuite à l’étranger.

Deuxième acte : la hasardeuse expédition libyenne
« Libye : bienvenue dans un guêpier », écrivions-nous le 19 mars 2011, au moment du déclenchement de la campagne aérienne contre Kadhafi. Nous n’avions pas grand mérite : il suffisait de regarder l’histoire. Patchwork de tribus, la Libye a été constituée en 1951 en amalgamant la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan. Une construction bancale tenue d’une main de fer par un bouffon sanguinaire: Kadhafi. Mais un bouffon qui contrôlait ses frontières et, au final, faisait plutôt moins de morts que le chaos actuel. Aujourd’hui, le pays est aux mains de diverses milices, de deux gouvernements fantoches, les groupes djihadistes prospèrent, les côtes libyennes sont devenues les ports francs de tous les passeurs, trafiquants d’êtres humains.

Troisième acte : l’enlisement syrien
L’affaire était entendue dès la fin 2011 : la chute de Bachar al-Assad n’était plus qu’une question de semaines, tout au plus de mois. Quatre ans plus tard, il est toujours là grâce, notamment, à ses alliés iraniens et russes, mais aussi parce qu’une partie de la population redoute davantage Daesh que le régime. Affaibli donc, dans l’impossibilité de gagner la partie, mais toujours au pouvoir. Fin août 2012, après l’utilisation d’armes chimiques par les troupes syriennes, les Français croyaient pourtant l’heure venue de passer à une phase active. Les moteurs des Rafale chauffaient déjà. Mais l’Oncle Sam, au dernier moment, a fait défaut au grand désarroi de François Hollande. Exit, donc, la solution militaire. Les Américains n’ont pas, aujourd’hui, changé de ligne : pas question d’intervenir en Syrie. « C’est une décision stratégique », souligne un diplomate. Obama, instruit par l’exemple irakien, ne veut pas détruire l’État syrien. Les Russes cherchent une solution de contournement, l’Arabie saoudite veut promouvoir des opposants islamistes présentables, et les Français encouragent une espèce rarissime : des opposants démocrates. En réalité, face à Bachar, ce sont les combattants de Daesh qui tiennent le terrain. Pendant ce temps, le conflit a provoqué une énorme vague de réfugiés: plus de quatre millions de Syriens ont fui leur pays (1,2 million sont au Liban, 1,8 million en Turquie). Et beaucoup rêvent d’Europe. Mais les turbulences de l’Orient compliqué n’expliquent pas tout. Une bonne moitié des réfugiés qui cherchent à venir en Europe sont des migrants économiques victimes de politiques prédatrices. Beaucoup viennent d’Érythrée, de Somalie, mais aussi d’Afrique centrale, notamment du Nigeria, le géant du continent dont les richesses pétrolières sont très mal partagées. Le « miracle économique africain » que tout le monde espère ne se réalisera que si la bombe à retardement de la misère est désamorcée à temps.
In Le Point.fr

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