Les citoyens du sud du pays, qui se sont notamment opposés à l’exploitation du gaz de schiste, sont unanimes à déclarer ne pas être satisfaits des déclarations du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui s’est exprimé à ce sujet, avant-hier, à la Télévision nationale. En effet, le chef du gouvernement a tenu un discours, dont les contours traduisent les intentions de l’orateur à vouloir apaiser les tensions, qui s’exacerbent dans le Sud, en affirmant que «l’exploitation du gaz de schiste n’est pas inscrite à l’ordre du jour du gouvernement et que le projet en question est dans sa phase d’étude et d’expérimentation», avant d’ajouter encore que «les forages d’exploration dans la région d’Ahnet, à In Salah, vont être arrêtés». Au lendemain de la sortie publique de Sellal, des protestataires rencontrés à Tamanrasset ont tenu à réitérer leur position initiale, à savoir «l’arrêt pur et simple de l’exploitation du gaz non conventionnel». Tout en se proclamant n’être que de simples citoyens, conscients de l’avenir des générations futures de la population et de l’environnement naturel qui les entoure, ils tiennent à justifier leur position en se référant aux constats établis par des experts du domaine, qui sont nombreux à déclarer que le gaz de schiste constitue une menace réelle sur la santé et la nature, ont-ils argumenté.
Constitués en front contre le gaz de schiste, en mobilisant large les citoyens du grand Sud, l’un des représentants de la population dira : «Que le gouvernement sache que la mobilisation citoyenne, enclenchée depuis un mois de cela, n’est pas une simple réaction irresponsable. Nous sommes suffisamment éclairés pour qu’on soit leurrés par un discours, dont la teneur n’est autre qu’une fuite en avant. L’on ne comprend pas pourquoi engager une étude d’un projet, former des ingénieurs pour maîtriser la technologie de l’extraction du gaz de schiste, dès lors qu’on a indiqué, par ailleurs, que l’exploitation du gaz de schiste n’est pas sur l’agenda du gouvernement», a tenu à expliquer, Boukhari M’hammed, coordinateur du mouvement appelé «Ma F’ratche», qui veut dire : «La question n’est pas encore résolue». Notre interlocuteur a précisé, sans langue de bois, qu’il n’est pas question de polémiquer, de faire de la politique, de juger, ou de tourner en rond autour du sujet, mais que le peuple veut le rejet de l’extraction du gaz de schiste. «C’est une question qui concerne tous les Algériens, ce n’est pas uniquement les gens du Sud. Aujourd’hui, après avoir tiré la sonnette d’alarme sur les dangers ayant trait à l’exploitation du gaz de schiste, le débat est devenu national, alors pourquoi le gouvernement s’entête à prendre une décision unilatérale, alors qu’elle engage l’avenir des Algériens ? s’est interrogé, Ghoulam Abdel-Aâli, de la même Coordination.
Ce dernier se demande également comment se fait-il que la question ait été soumise au débat à l’Assemblée nationale (APN), avant son adoption, si elle ne constitue pas une menace sur la santé et l’environnement. De toute apparence, rien n’indique que les déclarations faites par le chef du gouvernement pourraient avoir l’effet escompté sur l’engagement de la population, à Tamanrasset notamment. Une virée à travers les artères de cette ville, dont la population semble prendre son mal en patience, devant notamment l’indigence qui frappe son développement local, des banderoles exprimant le rejet du gaz de schiste y sont accrochées partout dans cette cité. Un même élan de mobilisation est perceptible dans toutes les agglomérations urbaines de cette région du Sahara algérien. «De la région des Aurès jusqu’à In Guezzam, le peuple ne veut pas de gaz de schiste», pour reprendre l’avis d’un habitant de la ville de Tamanrasset, qui aurait souhaité une diversification de l’économie nationale, au lieu de l’assoir sur la base d’une surexploitation des hydrocarbures. À 700 km de là, la mobilisation demeure de mise. À In Salah, foyer des premières manifestations enregistrées contre le gaz de schiste, les citoyens s’élèvent comme un seul homme, à travers des rassemblements quotidiens, comme nous l’indique un représentant des protestants de cette autre ville du Sud. Pour revenir à Tamanrasset, les habitants comptent organiser, aujourd’hui, un rassemblement suivi d’un meeting populaire, à la place dite «Ilamane».
Bien entendu, les initiateurs se veulent, à travers cette énième action, réitérer leur détermination quant au maintien de leur revendication phare, celle de cesser l’exploitation du gaz de schiste dans la région.
Dans un document qui nous a été remis au cours de notre entrevue avec ses membres, la Coordination appelant à cette journée de protestation, relèvent «des déclarations contradictoires dans le discours des membres du gouvernement s’agissant de la question», et d’ajouter que ces derniers ont du mal à convaincre le simple citoyen de la nécessité d’exploiter le gaz de schiste». Enfin, ils reviennent aux déclarations du Premier ministre, en s’interrogeant ainsi : «L’exploitation du gaz de schiste est-elle une décision qui relève de la souveraineté nationale, ou bien qui répond à des pressions étrangères, en dépit du refus de ce projet par la population», ont-ils conclu.
Farid Guellil