Les divergences entre les membres de l’Otan, sur la scène libyenne, rendent plus difficiles les efforts en cours en faveur de la relance du processus politique entre les acteurs libyens, d’autant que l’ensemble des responsables de pays impliqués sur le terrain libyen France, Turquie, Émirats arabes unis, Égypte, Arabie saoudite etc. dans leurs déclarations politico-diplomatiques ne manquent pas de dire que le règlement de la crise libyenne ne peut être par l’action militaire. À partir de l’Allemagne, pays ayant abrité, janvier dernier, la Conférence de Berlin sur la Libye visant à faire taire le dialogue des armes pour l’entame du processus de dialogue inter-libyen, le président français, Emmanuel Macron en visite officielle, a reconnu l’existence de divergences entre les membres de l’Otan sur la Libye, notamment entre la Turquie et la France, après avoir été sur la même longueur d’onde avec leurs autres partenaires, en 2011, pour mener leur intervention militaire en Libye. Le locataire de l’Élysée en visite, hier, en Allemagne, animant une conférence de presse conjointe avec la chancelière Allemande Angela Merkel, a déclaré que la Turquie « ne respecte aucun de ses engagements de la conférence de Berlin », en référence à la recommandation du Rendez-vous de Berlin sur la Libye relatif au respect de l’embargo sur les armes en Libye, selon la résolution -1520- du Conseil de sécurité de l’ONU. Sur ce point, les différents pays étrangers, intervenant sur la scène des combats et du conflit armé entre les Libyens, ont depuis janvier dernier continué d’alimenter l’effusion du sang libyen, en faisant fi de la persistance d’un des acteurs, en l’occurrence Khalifa Haftar, à adhérer au cessez-le-feu, lancé par la Conférence de Berlin janvier dernier, préférant sans le soutien de la France, poursuivre son offensive sur Tripoli.
Les divergences entre la France et la Turquie, membres de l’Otan, retardent le lancement du processus politique inter-libyen
Une posture qui a précipité l’entrée en force, quelque temps après, de la Turquie, en apportant son soutien militaire et politique au Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez El-Serraj, dans le cadre, selon Ankara, de l’accord signé entre le GNA et la Turquie. Il est clair que depuis les bouleversements des rapports de force sur le terrain, avec la défaite de Khalifa Haftar a changé la donne, non seulement pour les pays soutenant tel ou tel camp, mais pour le peuple libyen, son quotidien et ses souffrances qui n’ont pas changé. L’insécurité, le chaos, la mort, l’effusion de sang, les conditions de vie difficiles voire inexistantes. Il continue de subir les conséquences et l’impact des interventions étrangères dans son pays, de leur rivalités, divergences et leur course, effrénée pour le contrôle des ressources naturelles libyennes et de la concurrence entre ces pays, précisément, sur les droits énergétiques en Méditerranée orientale. Pour des experts avertis, dans le sillage des bouleversements de 2011, dans des pays arabes, dont la Libye, qui a connu l’intervention de l’Otan dans la crise ayant secoué ce pays, les objectifs de cette opération militaire s’inscrivaient dans la durée, et selon les étapes de l’évolution de la situation, sur fond « du chaos constructif » prôné par de hauts responsables américains, pour le remodelage du Grand-Moyen Orient. Déclarant sur la Libye, théâtre d’une guerre civile depuis 2011, le Président français dira, hier, que «le premier intervenant extérieur, c’est la Turquie ». Bien avant le rôle affiché au grand jour d’Ankara en Libye, des soldats français étaient sur le terrain libyen, avec l’annonce, du temps de la présidence de François Hollande, de la mort de trois soldats français dans un accident d’hélicoptère en juillet 2016, portant ainsi la présence de militaires français en Libye, à l’opinion libyenne, régionale, internationale et même française. La situation chaotique en Libye, en l’absence de vie politico-institutionnelle, a perduré, depuis 2011, pour être plus complexe en raison de l’intervention d’acteurs étrangers, principalement les membres de l’Otan et leurs alliés, dont les monarchies du Golfe, lesquelles alimentent les divergences entre les acteurs libyens, jusqu’à franchir le pas de l’usage du dialogue des armes. Insistant sur des questions non essentielles pour le peuple libyen et le destin qui lui est réservé si les tiraillements entre ces acteurs étrangers persistent, alors qu’il est urgent d’aller vers la relance d’un processus politique inter-libyen, le président français a également dit « vouloir tordre le coup à une fausse idée: la France ne soutient pas le maréchal Haftar » mais œuvre plutôt, indique-t-il, « à une solution de paix durable » en Libye, oubliant que son ex-ministre des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, avait déclaré que « Khalifa Haftar est un partenaire dans la lutte contre le terrorisme salafiste-djihadiste au Maghreb et au Sahel ». Sur la Russie dont le rôle incontournable se précise pour l’arrêt des combats en Libye et la relance du processus politique inter-libyen, notamment à travers la proximité du dialogue Russo-Turc sur la Syrie, le président français a jugé, hier, à partir de l’Allemagne, que Moscou jouait sur « l’ambivalence » sur la présence d’une milice privée russe en Libye. Samedi dernier, dans un communiqué fait en visioconférence entre le président russe et son homologue français, Emmanuel Macron, le Kremlin a fait savoir que ces derniers ont discuté en détail de la question libyenne, indiquant que « MM. Poutine et Macron ont exprimé leurs inquiétudes concernant le conflit en cours en Libye ». Les deux présidents, poursuit la même source « ont fait des déclarations en faveur de l’instauration d’urgence d’un cessez-le-feu en Libye et la relance des pourparlers conformément à la résolution numéro 2510 du Conseil de sécurité de l’ONU et les résolutions de la Conférence de Berlin » a annoncé le Kremlin. Auparavant, l’Union européenne a fait savoir, jeudi dernier, qu’elle « est attachée au processus de l’ONU et aux conclusions de la Conférence de Berlin » pour le règlement de la crise en Libye.
Karima Bennour