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LE JEUNE FRANCO-ALGÉRIEN NAHEL INHUMÉ, HIER, À NANTERRE : « C’était un enfant, c’était un ange »

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Le jeune franco-algérien, Nihel, abattu mardi par la police pour refus « présumé » d’obtempérer a été inhumé hier après-midi au cimetière du Mont Valérien à Nanterre. En fin de matinée, bien avant son enterrement de nombreuses personnes se sont rassemblées devant le bâtiment pour une cérémonie voulue intime par la famille, et surtout loin des caméras. Le corbillard a quitté le funérarium vers 12 h, selon les médias, suivi d’une cérémonie tenue à la mosquée Ibn Badis avant de diriger le défunt à sa dernière demeure. La grand-mère de l’adolescent a souhaité, dans une déclaration, l’arrêt des manifestations et les scènes de violences de peur pour la vie des jeunes manifestants. Des propos qui résument le caractère impitoyable des services de sécurité français envers les émeutiers. « C’était un enfant, c’était un ange », a déclaré pour sa part, Nicholas, une voisine de la grand-mère du défunt pour « justifier » sa tenue blanche. « Si ça avait été un adulte, j’aurais porté du noir », explique-t-elle.
« Aujourd’hui, je suis triste et en colère. Nahel était comme tous les enfants de son âge, serviable. Il passait beaucoup de temps avec sa grand-mère », se souvient-elle. Pour les avocats de la famille de Nahel, cette journée du samedi 1er juillet sera pour la famille de Nahel, « une journée de recueillement », appelant les journalistes à ne pas se présenter afin « d’accorder aux familles endeuillées l’intimité et le respect dont elles ont besoin pendant cette période difficile ».

Le témoignage poignant du troisième passager
Dans un témoignage publié dans Le Parisien, le troisième passager du véhicule de la victime, qui se rendra lundi à une convocation de la police dans le cadre de l’enquête, a fait savoir qu’il était en compagnie du défunt et d’un autre ami à Nanterre à bord d’une Mercedes jaune qui leur avait été prêtée. Quelques minutes plus tard, explique-t-il, ils ont été « pris en chasse par les deux motards de la police ». Selon ces témoignages les motards arrivaient en courant et demandent aux passagers de baisser la vitre et d’éteindre le moteur. Les deux motards se sont placés sur le côté gauche de la voiture, l’un à hauteur de la portière du conducteur, et l’autre au niveau de l’aile avant.
« Nahel a baissé la fenêtre », affirme l’adolescent avant de recevoir deux coups de crosse, gratuitement.
Selon l’adolescent, Nahel est alors « un peu sonné » et « paniqué ». « Il ne savait pas quoi faire. Il avait la tête qui tournait, il ne pouvait rien faire, même pas parler. Il était vraiment traumatisé ».
Selon le jeune homme, les policiers auraient alors « commencé à braquer Nahel ». Le policier placé près de la vitre conducteur serait alors « passé par la fenêtre » et aurait « mis un nouveau coup de crosse ». « Il a dit à Nahel  »Éteins le moteur, ou je te shoote ! » ». L’autre motard, placé à l’avant du véhicule, aurait renchéri en disant « un truc comme  »je vais te mettre une balle dans la tête ! » ». D’après l’adolescent, Nahel aurait « essayé de se protéger, pour ne pas prendre un autre coup. Et comme il était un peu sonné, son pied s’est enlevé de la pédale de frein. Comme la voiture, c’est une automatique, elle a avancé toute seule. Le policier situé près de la fenêtre a dit à son collègue  »Shoote-le ! » C’est là que le motard qui était à l’avant a tiré », raconte le jeune homme au Parisien. Il explique ensuite avoir vu son copain « agoniser ». Quand la voiture s’est ensuite encastrée dans du mobilier urbain, paniqué, il a pris la fuite en courant.

La France s’embrase
Cette énième bavure policière a donné lieu à de violentes scènes d’émeutes qui ont embrasé toute la France pour dénoncer l’abus des autorités et surtout son caractère racial. Des émeutes qui ont émaillé la capitale française la nuit de mercredi à jeudi se sont élargies à d’autres villes de France et se poursuivent toujours. Le président français, Emmanuel Macron, qui a écourté son séjour à Bruxelles, pour regagner Paris a dénoncé vendredi à l’issue d’une réunion de la cellule interministérielle de crise, installée à l’occasion, «une instrumentalisation inacceptable de la mort d’un adolescent», promettant des «moyens supplémentaires» pour faire face aux émeutes, tout en félicitant les forces de l’ordre pour une réponse «rapide et efficace» face à ces émeutes. Pour faire face à l’escalade des tensions, le président a annoncé le déploiement «de moyens supplémentaires» par le ministère de l’Intérieur. Parmi lesquels un renforcement des effectifs des forces de sécurité intérieure en mobilisant des forces mobiles supplémentaires, un déploiement de véhicules blindés de la Gendarmerie nationale ainsi qu’une action renforcée des douanes pour contrôler le transport de produits interdits depuis des pays frontaliers. Le chef de l’Etat français a appelé les parents à la responsabilité en leur suggérant de garder leurs enfants chez eux. Une autre option plus restrictive n’est pas à écarter. Il s’agit de décréter l’Etat d’urgence. Cette éventualité a été déjà évoquée vendredi par la Première ministre française Elisabeth Borne lors d’une réunion avec plusieurs ministres pour faire le point sur la situation. Ce régime d’exception de 12 jours qui pourrait être renouvelé avec l’aval du Parlement est enclenché en cas de risque de troubles à l’ordre public. Cette procédure est fortement réclamée par la droite et l’extrême droite en France. L’Etat d’urgence signifie entre autres l’interdiction des manifestations, cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique. Dans ce cas de figure, il est aisé de comprendre que toute manifestation de rue syndicale, partis politiques ou de société civile seront ainsi bannies de la République du moins pour la durée de l’Etat d’urgence.

La gauche dénonce des attaques contre la population
Délaissées par les pouvoirs publics, les populations des quartiers populaires, issues de l’immigration pour la plupart, ont maintes fois exprimé leur ras-le bol et dénoncer le racisme, la ségrégation et la marginalisation auxquels elles sont soumises. La gauche française notamment les maires des villes concernées par les violences des derniers jours se demandent à juste titre pourquoi cet acharnement et cet abandon des villes et autres quartiers populaires, tout en critiquant ouvertement la politique du gouvernement à l’égard des banlieues comme des services publics, dont la police.
Sur Facebook, le maire PCF de Bonneuil-sur-Marne Denis Ömür Öztorun s’exprime longuement et s’interroge : «  À quand les propositions pour les villes et quartiers populaires ? », «  Pourquoi on tue des gamins de 17 ans sans raison ? Pourquoi on attaque nos populations sans cesse : retraite, chômage, pouvoir d’achat, etc ? » Le maire PCF de Montreuil Patrice Bessac, dans un entretien avec Libération, rejoint son collègue et demande une évolution de la police républicaine, qui «  doit devenir intolérante au phénomène de discrimination et de brutalité ».
Selon l’éditorialiste française  Paul Vergnol,  le pouvoir en France déjà fragilisé par le mouvement social des retraites, redoute le retour du scénario de 2005 où toute la France s’est embrasée durant trois semaines après la mort de Zyed Benna, 17 ans, et Bouna Traoré, 15 ans, électrocutés alors qu’ils tentaient d’échapper à un contrôle de police.
Il estime que la mort de Nahel causée par des policiers qui n’ont plus grand-chose de « gardiens de la paix » et à qui la loi de 2017 a octroyé un « permis de tuer », devrait susciter un électrochoc pour toute la société sur la réalité des violences policières. L’état de la police française, de l’institution – et non de l’ensemble de ses agents –, est un symptôme alarmant de l’état de déliquescence de la promesse républicaine et des dangers qui guettent. Avec ce nouveau drame, la faillite de l’engrenage sécuritaire est patente, a –t-il écrit dans son Edito. Un avis que les racistes et radicaux français de la droite et de l’extrême droite incarnés ici par les services de sécurité ne partagent aucunement. Les syndicats de policiers Alliance et UNSA affichent clairement une attitude raciale et brutale. Dans un communiqué, les deux syndicats affirment être  «en guerre» contre des « hordes sauvages ». «Demander le calme ne suffit plus, il faut l’imposer », poursuit le texte, avant de se faire menaçant : « nous serons en résistance et le gouvernement devra en prendre conscience». Un vrai défi qui vient ainsi d’être lancé au Gouvernement de Macron. Mais le racisme en France n’est pas seulement l’œuvre de la police mais aussi des gouvernements qui ont délaissé les quartiers populaires livrés à eux même.
Pour le moment l’option sécuritaire semble la plus privilégiée par les responsables français. En plus de l’Etat d’urgence qui pourrait être annoncée, le ministère de l’Intérieur a déjà déployé les grands moyens. La Brigade de recherche et d’intervention (BRI), notamment à Nanterre et à Paris, ainsi que les forces du RAID et du GIGN, ont été mobilisés. 40 000 policiers ont été déployés pour faire face aux manifestations.
Si les yeux étaient braqués sur le comité interministériel des villes, tenu vendredi après avoir été déplacé de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) à Matignon, qui devait apporter des solution à la crise, Elisabeth Borne s’est finalement contentée d’indiquer qu’un nouveau comité aurait lieu prochainement pour annoncer des mesures en faveur des quartiers populaires et que le message qu’elle voulait adresser était de « faire bloc pour répondre à l’urgence comme pour préparer l’avenir ».
Brahim O.

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