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Irak : les yézidis ont-ils été victimes d’un génocide ?

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Au camp de Kabarto, les témoignages recueillis attestent tous de l’horreur des massacres commis par Daesh. Pourquoi ? S’agit-il d’un génocide ?
Nawas Kinjy peut être soulagé. Il a pu se sauver, non seulement avec sa femme et ses deux jeunes enfants, mais également avec toute sa famille élargie. Malgré tout, lorsqu’il évoque leur fuite éperdue dans le Sinjar, les larmes lui viennent aux yeux. « Vous rendez-vous compte ? J’ai serré la main de Daesh ! Ils sont arrivés vers nous en se présentant comme des hommes de paix, affirmant que nous n’avions rien à craindre : nous avons eu la naïveté de les croire », lâche ce pharmacien, formé à l’université de Dohuk. Puis les djihadistes sont revenus dans la nuit du 3 août 2014, à quatre heures du matin, pour massacrer tous les hommes, et enlever les femmes.La famille habitait la petite ville de Khana Sor, dans la région du Sinjar. Elle a pu fuir et se réfugier dans un premier temps dans la Syrie voisine. « Ma femme s’est fait mordre par un serpent ! Sa jambe ne cessait d’enfler. Je l’ai portée sur mon dos pendant treize heures. Sans eau et sans nourriture. Mes deux sœurs étaient en charge de mes enfants, mon fils n’avait alors que quatre mois.» Après deux semaines d’hôpital, Assia, l’épouse, a pu sauver sa jambe. Les premiers récits de la prise de la ville de Sinjar (300 000 habitants) par Daesh ont pu laisser croire que les yézidis, minorité pacifique, s’étaient laissés égorger comme des moutons. En réalité, ils se sont battus, mais avec un armement bien inférieur à celui de l’organisation État islamique.

«Les femmes yézidies peuvent être réduites en esclavage»
«À Khana Sor, quarante personnes se sont sacrifiées pour permettre au reste de la population de la ville d’échapper à Daesh», raconte Nawas Kinjy, adjoint au responsable de l’immense camp de Kabarto, qui abrite sous des tentes 15 000 déplacés, principalement des yézidis. Un camp installé à quelques kilomètres de la ville de Dohuk, dans le Kurdistan irakien, au milieu de nulle part. Tous les récits recueillis sont plus horribles les uns que les autres. Comme ce jeune homme, qui a pu survivre en faisant le mort, lorsque Daesh a exécuté quatre-vingt deux yézidis. Depuis, il est resté traumatisé. Ou cette petite fille de neuf ans, capturée par les djihadistes, et mise enceinte. Sur leurs sites de propagande, des « théologiens » de l’organisation État islamique vont jusqu’à prétendre « que les femmes yézidies peuvent être réduites en esclavage »…
Tous ces actes barbares vont-ils permettre de prouver que Daesh a commis un génocide sur les yézidis ? Des enquêteurs issus de l’association Yahad In Unum, spécialistes des crimes nazis, se sont déjà mis au travail. Pour mémoire, la Convention des Nations unies de 1948 définit le génocide comme des «actes commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

600 000 yézidis en Irak
Il faut prouver la désignation du groupe visé et l’intention génocidaire. En sachant que le nombre des victimes n’est pas déterminant. Seuls deux génocides ont été jugés en tant que tels par la justice internationale : celui des Tutsis au Rwanda (500 000 à 800 000 victimes) et celui des Bosniaques, à Srebrenica, en 1995 (7 à 8 000 morts). En revanche, si le régime de Pol Pot est responsable de deux millions de morts, cette immense tuerie n’est pas reconnue globalement comme un génocide. Un tribunal cambodgien, parrainé par l’ONU, n’a reconnu que le génocide des minorités musulmane et vietnamienne. Concernant le génocide des Arméniens, de 1915 à 1917, il n’est reconnu que par une vingtaine de pays. Pourquoi cette haine contre le yézidisme de la part de Daesh ? Cette minorité kurde (les yézidis seraient environ 600 000 en Irak) est accusée par les islamistes d’adorer le diable. Les yézidis, rencontrés dans le camp de Kabarto, démentent, affirmant qu’ils croient – comme les chrétiens, les juifs et les musulmans – en un dieu unique, appelé Xwede. Mais avant de créer le monde, leur dieu aurait créé sept anges, dont Malek Taous, «l’ange-paon». Et c’est ce dernier qui a été chargé par Dieu de s’occuper du monde. «Nous existons depuis 7 000 ans. A-t-on déjà vu un yézidi faire du mal à quelqu’un ?» interroge Nawas. Mais aujourd’hui, ils sont bien décidés à se défendre les armes à la main.

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