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Irak : les peshmergas progressent vers Mossoul

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Les combattants kurdes avancent vers la capitale irakienne de l’EI. Mais la libération de Mossoul semble encore lointaine. Jusqu’où iront-ils vraiment ? Dans la plaine de Ninive, à 40 kilomètres au sud-est de Mossoul, seconde ville d’Irak d’où avait été proclamé le califat il y a deux ans, l’air est presque frais, 30 degrés à peine, en ce dimanche de la mi-août 2016, tandis que l’aurore darde ses rayons d’argent à travers les écharpes de brume. Jaillissant d’une colline, des roquettes vrillent vers les villages au loin. Ces tirs d’artillerie sonnent l’hallali, et une longue meute de blindés kurdes charge d’un commun élan les positions de l’État islamique.
Le peloton de tête roule près de deux heures, dépassant plusieurs hameaux, puis contourne une ligne de bâtisses en béton gris foncé. Les tourelles arrosent l’orée du village de balles traçantes, embrasant l’herbe sèche, l’infanterie met pied à terre et se jette à couvert contre une butte de terre, sous les sifflets des obus et des tirs de snipers. Soudain, un véhicule piégé surgit d’une ruelle. La meute des blindés redémarre en trombe, son repli soulevant une cape de fumée. La voiture suicide y disparaît, sans que nul ne sache si elle a explosé, et les combats reprennent de plus belle. L’avancée des Kurdes s’arrêtera là, face à une poignée de djihadistes, à 35 kilomètres de Mossoul.

« 10 tonnes d’explosifs »
Les affrontements, qui ont duré presque toute la semaine du 15 août, auront permis aux Kurdes d’annexer d’un coup onze villages. Mais cette avancée, sur près de 150 kilomètres carrés d’après le ministère des Peshmergas, n’est en fait qu’une goutte d’eau dans les opérations pour éliminer l’État islamique. Une des innombrables battues pour éradiquer les terroristes de ces campagnes anonymes. Mais ces quelques minuscules colonies arabes, héritées de la politique anti-kurde de Saddam Hussein, sont à la frange de leur capitale irakienne.
Malgré les défaites, les sacrifices et les désertions, les djihadistes meurent donc ici avec toujours autant de férocité. Au cours des deux jours de l’offensive, « près de vingt véhicules piégés nous ont attaqués », soupire le général Sirwan Barzani, de retour à sa base. « Le plus gros a été capturé par mes forces. Nous avons appelé une équipe française pour l’inspecter. Il y avait 10 tonnes d’explosifs ! » Avant la guerre, Sirwan était un brillant homme d’affaires ; désormais, il compte les attaques suicides. Selon ses services, l’État islamique alignerait 300 combattants pour défendre le seul district d’Hamdaniyah, qui entoure Qaraqosh. Les 75 000 habitants de cette ville chrétienne à l’est de Mossoul l’avaient fuie en une journée à l’été 2014. Il faudra sans doute plusieurs semaines pour la reprendre.
Cette infime portion de la « libération de Mossoul » donne la mesure des opérations à venir. « À mesure que nous nous rapprocherons de Mossoul, surtout sur un terrain aussi plat, nous serons assaillis par des centaines de véhicules piégés. Parce qu’ils savent qu’après Qaraqosh, ce sera Mossoul. » L’assaut du 14 août a d’ores et déjà permis de contrôler la rive ouest du Grand Zab, un affluent du Tigre. Jeté samedi sur la rivière, un pont mobile d’une centaine de mètres à Gwer ouvre désormais une nouvelle route vers Mossoul et Qaraqosh.

« Le seul endroit sûr pour les chrétiens (…), c’est le Kurdistan »
La reprise de cette cité chrétienne serait un bon coup de communication pour les Kurdes d’Irak, qui se poseraient ainsi en protecteurs des minorités religieuses du nord de l’Irak – alors même qu’ils les avaient abandonnées en se repliant deux ans plus tôt. « Le seul endroit sûr pour les chrétiens, pour les yézidis, pour les kakaïs…, c’est le Kurdistan », assure Sirwan Barzani. « Mais c’est à eux de décider s’ils veulent en faire partie. La grande majorité d’entre eux, j’en suis sûr, est pour.
Parce qu’ils y vivent comme réfugiés depuis deux ans ! » Son oncle, le président Massoud Barzani, a promis que les populations des régions occupées par ses troupes pourront se prononcer lors d’un référendum, pour ou contre le rattachement au Kurdistan.
Cet expansionnisme kurde a de quoi alarmer le gouvernement central. Mardi 16 août, lors d’une conférence de presse, le Premier ministre irakien, Haïder al-Abadi, avertissait les Kurdes : « Les peshmergas doivent rester où ils sont maintenant (…).
Aucune autre force que l’armée irakienne n’entrera dans Mossoul. » Une déclaration de principe : aux portes de l’agglomération, à l’ouest et au nord, les peshmergas sont déjà de plain pied dans le siège, tandis que les Irakiens sont embourbés sur les berges du Tigre à 60 kilomètres au sud.

«Nous n’irons pas nous battre dans la ville de Mossoul »
« Les peshmergas continueront leur progression », a prévenu le porte-parole du gouvernement kurde d’Irak, Safeen Dizayee. Sirwan Barzani nuance : « Nous, les peshmergas seuls, nous n’irons pas nous battre dans la ville de Mossoul. Mais si les habitants de Mossoul demandent, officiellement, l’aide des peshmergas, nous pourrions décider d’y aller.
Personnellement, je n’y crois pas, parce qu’il faudrait l’accord de la coalition, des chiites, des sunnites… »
Plus que la difficulté des combats, c’est donc la conclusion de tels accords politiques qui retarde l’offensive générale sur Mossoul.
Au cas où la voie de Mossoul leur serait barrée, les Kurdes ont une solution de rechange.
À Bachiqa, une base peshmerga au nord de Mossoul, des conseillers turcs forment une milice de combattants originaires de Mossoul, majoritairement sunnites, les Hashd al Watani, financés et dirigés par l’ancien gouverneur de la province de Ninive, Atheel al-Nujaifi.
Réfugié à Erbil, la capitale du Kurdistan d’Irak, cet héritier d’une puissante famille mossouliote expose son propre plan d’attaque : « Les peshmergas avanceront jusqu’aux limites de la ville de Mossoul, mais ils n’y entreront pas. La population, déjà entrée en résistance, finira par se rebeller contre l’État islamique, et nos hommes donneront l’assaut pour soutenir cette insurrection. » Une partie du commandement peshmerga serait favorable, tout au plus, à investir les quartiers à majorité kurde, à l’est de Mossoul, autour de la cité antique de Ninive.
Si l’armée irakienne pénétrait la ville au même moment par le Sud, l’actuelle capitale du califat se retrouverait partagée en autant de zones d’occupation.

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