Accueil MONDE Fidel Castro : le dernier dinosaure du XXe Siècle

Fidel Castro : le dernier dinosaure du XXe Siècle

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Le Líder Máximo fête samedi ses 90 ans. Retour en images sur les multiples facettes, les mythiques et les moins glorieuses, du père de la révolution cubaine.

Indestructible. Il a survécu à plus de 600 tentatives d’assassinat, a défié 10 présidents américains et a vu défiler un demi-siècle d’histoire : Fidel Castro, le père de la révolution cubaine, fête ses 90 ans samedi. Vénéré autant que détesté, ennemi implacable et grand séducteur, il est un des derniers géants politiques du XXe siècle. Voici les six visages du Líder Máximo.

Le stratège
En 1959, Fidel entre triomphalement à La Havane. Sans formation militaire, ce docteur en droit de 32 ans, à la barbe noire et à l’uniforme kaki, a mis en déroute une armée de 80 000 hommes avec ses « barbudos » et a renversé Fulgencio Batista, le dictateur au pouvoir. En appliquant sa « propre doctrine militaire », il a « transformé une guérilla en un pouvoir parallèle, composé d’une guérilla et d’organisations clandestines et populaires », raconte à l’AFP Alí Rodríguez, ex-guérillero et actuel ambassadeur du Venezuela à Cuba.
Déjouant les conspirations soutenues par Washington, Fidel a envoyé 386 000 Cubains combattre en Angola, en Éthiopie ou en Algérie. De 1958 à 2000, il a échappé à 634 tentatives d’assassinat, selon l’ancien chef du renseignement cubain Fabián Escalante. « Pourvu que nous mourions tous de mort naturelle, nous ne voulons pas que l’heure de la mort s’avance d’une seule seconde », déclarait Fidel, qui se séparait rarement de son pistolet Browning.

Le séducteur
« J’ai été tellement impressionnée ! Je n’ai pu que le regarder et dire : Je l’aime. » Mercedes Gonzalez, Cubaine de 59 ans, n’a vu que deux fois le leader cubain de près, mais elle a succombé à « l’effet Fidel ». Son aspect rude de guérillero et ses discours marathon ont fasciné autant les masses que les femmes, les politiques ou les artistes. « Il dégage une image publique très attirante », cela « fait partie de sa légende », raconte Salomon Susi, auteur du Dictionnaire de la pensée de Fidel Castro. Flamboyant et extraverti, mais discret sur sa vie privée : deux mariages et sept enfants de trois femmes, c’est tout ce que l’on sait. « La vie privée, selon moi, ne doit pas être un instrument de publicité ou de politique », tranchait-il.

Le despote
« C’est l’homme des E : égotiste, égoïste et égocentrique », le dépeint la dissidente Martha Beatriz Roque, 71 ans. Ceux qui ont osé lui résister, ajoute-t-elle, ont connu « l’emprisonnement, les passages à tabac et les actes de répudiation ». En un demi-siècle, Fidel a défié dix présidents des États-Unis et a gouverné d’une main de fer. En 1959, le commandant Huber Matos, compagnon de lutte qui s’était rebellé, a été condamné à vingt ans de prison. Lors du « printemps noir » de 2003, 75 dissidents sont incarcérés et 3 personnes fusillées. Repoussant les appels à l’ouverture et qualifiant ses opposants de « mercenaires », « il restera comme un dictateur », juge Mme Roque.

Le mythe
Lorsque Fidel proclame le triomphe de la révolution en 1959, plusieurs colombes l’entourent. L’une d’elles se pose sur son épaule. Beaucoup y voient un signe surnaturel. Le mythe était en marche. Dans un pays où christianisme et cultes africains se mêlent, les Cubains pensaient que Fidel était protégé par Obatala, la plus puissante des divinités orishas. En réalité, comme le raconte Serge Raffy dans Castro l’infidèle, ces colombes ne sont pas là par la magie du Saint-Esprit : « Un colombophile […], installé discrètement derrière la scène, souffle dans un appeau pour attirer les volatiles. Formidable subterfuge. Début d’une farce tragique pour les Cubains qui ne connaîtront jamais la démocratie sous le règne du despote. »
Castro passait même pour être quasi immortel jusqu’à ce qu’il tombe gravement malade, en 2006. « Il peut avoir été touché par les dieux et avoir de l’aché (chance et pouvoir), comme on dit », résume l’experte en cultes africains Natalia Bolívar. Crainte et respectée, sa figure paternelle est omniprésente sur l’île.

L’inspirateur
Raconter le XXe siècle sans Fidel ? Impossible. Dans les années soixante, il soutient des guérillas en Argentine, en Bolivie ou au Nicaragua. À la fin des années 1990, il adopte politiquement le Vénézuélien Hugo Chávez. Aujourd’hui, Cuba héberge les pourparlers de paix entre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) et le gouvernement colombien. Sa révolution « donne […] l’envie de lutter, de prendre le maquis, de saisir un fusil pour essayer de changer les choses », confie à l’AFP Iván Márquez, numéro deux des Farc. Mais c’est aussi « grâce à Cuba que nous avons pu avancer autant. Aucune autre tentative de paix en Colombie […] n’avait réussi ce qui s’est fait ici », ajoute-t-il.

Le Quichotte
« Ils reviendront. » En 2001, Castro promet de ramener ses cinq agents arrêtés aux États-Unis trois ans avant. « Lorsque Fidel a dit : Ils reviendront, il a dit au peuple cubain : Vous allez les ramener », explique René Gonzalez, un de ces Cubains libérés par Washington entre 2011 et 2014, illustrant la capacité du leader à propager ses idées, aussi improbables soient-elles.
Le Quichotte des Caraïbes s’était également juré de faire de Cuba une « puissance médicale » quand le pays ne comptait que 3 000 médecins, contre 88 000 actuellement, soit 1 pour 640 habitants.
Cela n’a pas toujours marché : malgré ses efforts, il n’a pas pu produire 10 millions de tonnes de sucre en 1970 ni récupérer le territoire de Guantánamo, cédé il y a plus d’un siècle aux États-Unis.

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