Minimiser, dénigrer, contre-attaquer: la Maison Blanche a repris jeudi la stratégie de défense développée la veille par les élus républicains lors des premières auditions télévisées de l’enquête en destitution qui menace Donald Trump.
Alors que deux hauts diplomates témoignaient au Congrès des pressions exercées sur l’Ukraine pour qu’elle salisse un rival du président américain, celui-ci recevait son homologue turc à la Maison Blanche. Les deux dirigeants ont parlé «de la lutte contre le groupe Etat islamique» et de «milliards de dollars» de contrats militaires, «des sujets importants», a souligné jeudi la conseillère de la Maison Blanche, Kellyanne Conway, comme pour minorer la portée des auditions. Donald Trump, soupçonné d’avoir abusé de ses pouvoirs à des fins personnelles, avait lui-même déclaré être «trop occupé» pour suivre les déclarations des deux témoins. Cela ne l’a pas empêché de leur consacrer une salve de tweets… en plein interrogatoire.
«Commères»
Le président a ainsi relayé le tweet d’une journaliste de la chaine conservatrice Fox News qui dénonçait une «audition basée sur des ouï-dire» et soulignait que «les témoins» n’avaient «jamais rencontré le président !» L’argument a été développé avec insistance par les républicains de la Chambre des représentants et repris par Kellyanne Conway lors de sa tournée sur plusieurs plateaux de télévision. «Je ne peux pas y croire, vous êtes le témoin-vedette !», s’était étranglé l’élu Jim Jordan en reprochant à William Taylor, l’ambassadeur américain de facto en Ukraine, d’extrapoler à partir de témoignages indirects Le chargé d’affaires à Kiev venait de déclarer avoir appris par l’entremise d’un autre ambassadeur, que le président Trump avait posé comme condition au déblocage d’une aide militaire destinée à l’Ukraine l’ouverture d’une enquête sur Joe Biden, bien placé porter les couleurs démocrates lors de la présidentielle de 2020. «»Il a dit, elle a dit, il a dit, elle a dit»: on aurait dit un groupe de commères…», a dénigré la conseillère présidentielle, connue pour sa férocité. Pour elle, il n’y a qu’un enseignement à tirer de cet épisode: «les démocrates n’ont vraiment rien contre le président.»
«Calomnies»
Donald Trump jure être victime d’une «chasse aux sorcières», organisée par les démocrates avec le soutien de «médias bidons» et partiels qui, selon lui, ne se sont jamais remis de son élection en 2016. En ouverture des auditions publiques, le parlementaire républicain Devin Nunes a repris ces arguments.
Le contre-feu
«Tous ceux qui sont habitués à la guerre totale menée par les démocrates contre le président Trump reconnaîtront les marqueurs d’une campagne orchestrée de calomnies», a-t-il lancé, en dénonçant une procédure totalement «biaisée». Kellyanne Conway s’est elle insurgée contre «un tribunal fantoche» et a réclamé, comme le font les républicains depuis plusieurs semaines, de connaître l’identité du lanceur d’alerte à l’origine de l’affaire. «Si nous étions dans un procès civil ou criminel, nous aurions le droit de confronter notre accusateur», a-t-elle assuré. A cause de ce lanceur d’alerte, la Maison Blanche a été contrainte de publier le compte-rendu d’un échange téléphonique, dans lequel Donald Trump demande à son homologue ukrainien de «se pencher» sur Joe Biden et les affaires de son fils Hunter en Ukraine. Depuis, le locataire de la Maison Blanche assure avoir été dans son rôle, en demandant une enquête sur des soupçons de corruption dans un pays qui bénéficie d’aides américaines.
Lors des auditions, un juriste chargé d’interroger les témoins pour le compte des républicains a pris le soin de souligner qu’Hunter Biden a longtemps reçu 50.000 dollars par mois pour siéger au conseil d’administration d’un groupe gazier ukrainien, un temps visé par une enquête pour corruption. Au même moment, «le vice-président Joe Biden avait l’Ukraine dans son porte-feuille», a renchéri Kellyanne Conway. «C’est pour le moins troublant…» La chef des démocrates au Congrès, Nancy Pelosi, a dénoncé une manoeuvre de diversion, accusant les soutiens du président de ne pas répondre «sur le fond» du dossier. Pour elle, pas de doute, «les témoignages accablants» des deux diplomates «ont corroboré» les soupçons de «corruption» qui pèsent sur le président.