Accueil ACTUALITÉ ABDELMADJID ATTAR, EXPERT EN ÉNERGIE, EX-PDG DE SONATRACH ET ANCIEN MINISTRE, AU...

ABDELMADJID ATTAR, EXPERT EN ÉNERGIE, EX-PDG DE SONATRACH ET ANCIEN MINISTRE, AU FORUM DU COURRIER D’ALGÉRIE : «Il faut changer au plus vite le modèle de consommation énergétique»

0

«Si on parle des cours pétroliers aujourd’hui c’est parce, comme tout le monde le sait, les recettes de l’Algérie dépendent à 98% du pétrole et du gaz. Pourquoi c’est important de le répéter, c’est parce que cela fait des décennies déjà qu’on dit qu’il faut dès lors préparer l’après-pétrole. Mais à chaque fois on revient au même point». C’est en ces termes que l’invité d’hier du Forum du Courrier d’Algérie, Abdelmadjid Attar, expert en énergie, ancien ministre et ex-PDG de Sonatrach, a entamé sa communication. S’il fait un constat peu reluisant de la situation, ce n’est pas pour verser dans la critique, si ce n’est le passage obligatoire de présenter la situation telle qu’elle est pour pouvoir suggérer des solutions adaptées. Ainsi va la vision de l’ex-ministre des Ressources en eau qui revient à quelques années en arrière lorsque le pays était sur une bonne aisance financière. «À un certain moment il y a eu une embellie financière. On aurait pu en profiter pour donner un virage à l’économie nationale», a regretté l’expert qui revoie de ses propos aux réalisations infrastructurelles, comme l’autoroute est-ouest et les centaines de milliers de logements au profit des Algériens. «C’est bien de construire des routes et c’est bien de donner des logements aux citoyens. Malheureusement, on a beaucoup importé à défaut de fabriquer local», estime Attar, pour ne pas dire que les secteurs générateurs de richesses en dehors des hydrocarbures en sont négligés à cette période. Aujourd’hui, quoique des projets voient le jour dans ce domaine, Attar pense néanmoins qu’il faut dépasser le stade du «montage et de l’assemblage».

«Des forces de décision derrière la crise de 2014 et celle de 2008»
De retour aux dessous de la crise pétrolière née à l’été 2014, l’expert en énergie estime que la source du problème, contrairement à beaucoup d’autres analystes, remonte à la récession mondiale de 2008, communément appelée «le troisième choc pétrolier de 2008». «Depuis 2008, il se passe des événements très importants dans le monde qui ont influé sur le secteur énergétique. À mon avis, c’était la hausse importante des prix du pétrole jusqu’à 2013 (140 à 150 dollars/baril) qui était l’anomalie. C’est-à-dire que la baisse des prix en 2014 n’était pas due à la règle de l’offre et de la demande. Mais plutôt à des forces de décision qui ont agi à dessein dans le but de pousser les pays à changer leurs modèles de consommation énergétique. Aujourd’hui, ce n’est pas l’OPEP qui influence les marchés pétroliers», analyse l’expert qui fait part de l’existence de trois groupes de pays, parmi eux les plus développés, les émergents et ceux en voie de l’être si non sous-développés, notamment en matière de consommation énergétique. Ainsi, après la crise pétrolière de 2014, des pays développés ont procédé au changement de leur modèle qui aura donné des résultats en termes de baisse continuelle de la croissance de consommation. On retrouve dans la deuxième catégorie des pays émergents, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), «la Chine et l’Inde, essentiellement, consomment à plus de 50% du charbon, beaucoup de pétrole et un peu de gaz». Quant aux pays en voie de développement, comme l’Algérie, leur modèle de consommateur demeure basé essentiellement sur les hydrocarbures. «Aujourd’hui, on s’enfonce dans la dépendance au pétrole sans aucun changement de modèle de consommation pendant que d’autres pays le font», regrette l’invité du Forum. «Il y a une mutation importante dans le secteur notamment dans le modèle de consommation énergétique. C’est un facteur qui influence les marchés pétroliers. Viendront ensuite les bouleversements géostratégiques et politiques. À ce titre, le président américain Donald Trump est lui-même un facteur d’influence», avance comme facteurs de conjoncture derrière la baisse ou la hausse des prix pétroliers.

«Je suis pour l’exploitation du schiste mais pas tout de suite»
Interrogé si l’Algérie vit une quelconque crise énergétique dans la mesure où le modèle de l’économie tente de s’affranchir des grippes de la dépendance au pétrolier, Abdelmadjid Attar estime que la crise réside dans le fait de continuer à dépendre des hydrocarbures. Car, une crise sous entend ne pas avoir de choix, ne pas avoir de ressources énergétiques proprement dit, qu’elles soient fossiles, nucléaires, renouvelables ou autres. «Nous ne sommes pas en crise énergétique, mais en crise de rente. Nous avons assez de pétrole et de gaz. Mais ces ressources vont s’assécher. Si l’on ne s’engage pas dans une politique de changement, très profond, dans le modèle de consommation énergétique, à partir de 2035, nous ne pourrions pas exporter grand-chose. Je voudrai parler d’un modèle énergétique basé sur les énergies nouvelles qu’il faudra adopter au plus vite. Il est vrai, on ne peut pas du jour au lendemain passer d’un modèle de rente à un modèle tenant compte de l’efficacité énergétique. Mais il faut créer de la richesse qui peut être une source minière, un service ou même une intelligence», suggère le conférencier. S’il y a une question qui taraude l’esprit de l’opinion publique, ça serait bien la question de l’exploitation ou pas du gaz non conventionnel, communément appelé le schiste. Interrogé sur cette question, Attar dit être d’accord pour son exploitation, mais pas dans l’urgence. Il en veut pour preuve la richesse dont regorge encore le sud algérien qui est estimée à 14 milliards de tonnes équivalent pétrole (TEP) en matière de pétrole, gaz…

«Sonatrach dans le top 5 des majors pétrolières ?»
Depuis ces dernières années, on le sait, le groupe Sonatrach est sur une nouvelle orientation stratégique qui vise à la fois l’exploitation optimale des ressources fossiles au même temps qu’elle cible un déploiement de ses activités à l’international. Selon l’ex-PDG du géant pétrolier national, cette vision ne date pas d’aujourd’hui. Il rappelle que l’entreprise qu’il a eu à diriger entre 1997 et 2000 a opéré des recherches par le passé dans le domaine des hydrocarbures, au Yémen, Irak, en Libye et au Nigeria. Quoi que l’expérience n’aura pas été forcément un succès, que Sonatrach investisse aujourd’hui à l’extérieur «en est une bonne chose pour peu qu’elle soit rentable à l’économie nationale». Qu’en est-il de l’objectif de figurer à l’horizon 2030 dans le gotha des «majors» pétrolières ? «C’est une ambition oui, mais elle un peu démesurée», répond Attar, est pense toutefois qu’un dirigeant d’entreprise doit toujours être ambitieux, placer la barre haute pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés. Cette vision va aussi dans le sens de motiver le personnel de l’entreprise, explique l’ex-patron de Sonatrach.
Farid Guellil

Article précédentATTAR EXPLIQUE LE RETARD ACCUSÉ DANS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES : «Le modèle d’investissement n’est pas prêt»
Article suivantYémen : Combats meurtriers à Hodeida, Washington, Paris et Londres haussent le ton