Accueil Culture+ Veuve et inspiratrice de Gabriel Garcia Marquez : Décès de Mercedes Barcha

Veuve et inspiratrice de Gabriel Garcia Marquez : Décès de Mercedes Barcha

0

Mercedes Barcha, qui fut l’épouse et l’inspiratrice de l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, est décédée samedi à Mexico à l’âge de 87 ans, a annoncé le secrétariat mexicain à la Culture.

Par Ali El Hadj Tahar

Le président colombien Ivan Duque a adressé ses condoléances à la famille de la défunte. «Aujourd’hui est morte à Mexico Mercedes Barcha, l’amour de la vie de notre Nobel Gabriel Garcia Marquez et sa compagne inconditionnelle», a écrit Ivan Duque, exprimant «toute la solidarité» de la Colombie avec sa famille. Garcia Marquez et Mercedes Barcha s’étaient mariés en 1958 et ont vécu ensemble jusqu’à la mort de l’écrivain. Descendante d’émigrants égyptiens, Mercedes Barcha est née et a vécu à Magangue, en Colombie, où son père tenait une pharmacie. Garcia Marquez l’a connue alors qu’encore enfant il se déplaçait de village en village avec son père, alors vendeur itinérant, pour proposer des médicaments. Le couple a eu deux enfants, Gonzalo et Rodrigo, qui sont l’un dessinateur et l’autre réalisateur et producteur de cinéma et de télévision. Gabriel Garcia Marquez, né à Aracataca en Colombie en 1927, est décédé en 2014 à Mexico. Il a obtenu en 1982 le prix Nobel de littérature. La première lettre d’amour que García Márquez a écrite à Mercedes Barcha a été faite dans un avion entre Barranquilla et Paris. C’était en 1955, et le jeune journaliste de l’époque voyageait en Europe, où il travaillait comme correspondant pour El Espectador. Ecrire une lettre d’amour. Quelle folie, aujourd’hui. Un simple sms ou un coup de fil, quand on est timide. Une littérature, c’est un monde qui va avec, et la personnalité d’un auteur en fait partie aussi. Il connaissait pourtant Barcha, qui s’appelle ainsi parce qu’elle a du sang égyptien dans les veines, de son père, un immigrant comme des centaines d’autres Orientaux qui se sont installés en Amérique latine.
Il l’avait rencontrée onze ans auparavant à Magangué, une petite ville colombienne, alors qu’il était lycéen au lycée national de garçons à Zipaquirá. Sa famille s’est déjà beaucoup déplacée, d’Aracataca où il est né le 6 mars 1927, à Barranquilla où ses parents ont déménagé avant de s’installer à Sucre. Ce tempérament de vadrouilleur, il l’hérite de son père, Gabriel Eligio García, qui deviendra télégraphiste puis qui a décidé de devenir pharmacien ambulant. Issu d’une fratrie de onze enfants, le futur écrivain n’a pas inventé cette lettre d’amour à sa dulcinée, puisque son père, aussi l’avait fait quand il voulait épouser Luisa Santiaga Márquez, fille d’un colonel, alors que lui était non seulement pauvre et métis mais de plus, partisan du parti conservateur et avait la réputation d’être un coureur de jupons ! Pour séduire Luisa, Gabriel Eligio lui joue des sérénades au violon et déclame des poèmes d’amour, complétées par de nombreuses lettres enflammées et même des messages télégraphiques. Le colonel dut imposer à sa fille de quitter la ville afin de dissuader l’amoureux mais, c’est là que la flamme devint plus ardente puisque Luisa Santiaga, très amoureuse, ne cède par à la pression parentale. L’officier capitule finalement et accorde au jeune homme la permission d’épouser sa fille, refusant toutefois d’assister au mariage. Le roman, L’Amour aux temps du choléra, est donc en partie l’histoire du père de celui que l’Amérique latine tout entière surnomme affectueusement « Gabo », et qui est l’un des auteurs les plus significatifs et populaires du 20e siècle. Donc, l’Égyptienne Mercedes Barcha répondit positivement à son amoureux qui, pris dans un autre amour, celui des mots, restera deux longues années en Europe à faire des reportages. Pour El Espectador, il couvre la conférence de Genève entre les « quatre Grands » (l’Union soviétique, le Royaume-Uni, les États-Unis et la France) avant d’aller en Italie, en Autriche, en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Hongrie, en Russie avant de retourner à Rome pour s’inscrire à des cours de cinéma au Centro Sperimentale di Cinematografia de Cinecittà ! En mars 1956, García Márquez séduit Tachia Quintana, une jeune actrice espagnole, avec qui il noue une relation très forte. Celle-ci tombe enceinte et, après une fausse couche, leur relation se termine. La même année, il finit d’écrire Pas de lettre pour le colonel, qui ne sortira qu’en 1961. L’écrivain était exigeant et trop occupé à la fois. Son reportage, 90 jours derrière le rideau de fer, qui parait dans la presse en 1959, relate en vérité ses voyages dans les pays de l’Est faits en Allemagne, en Hongrie, en Russie durant l’année 1957… Pendant ce temps-là, la promise attendait patiemment le retour de l’artiste. Une fois la découverte du vieux monde terminée, García Márquez s’installe au Venezuela, où il devient rédacteur pour des magazines locaux. Cependant, il n’épousera Barcha que le 21 mars 1958, soit trois années après la lettre enflammée. L’amour entre García Márquez et Barcha ne devient passionnel qu’après leur mariage. Et cette idylle tient un peu de l’histoire de Gibran Khalil Gibran et May Zayada, un Libanais installé en Amérique latine et une poétesse, écrivaine, essayiste et journaliste libanaise vivant au Caire… Sauf que l’amour de ces deux a été rendu célèbre par un énorme échange épistolaire. En 1955, Márquez n’avait écrit que Des feuilles dans la bourrasque, un roman magnifique rarement lu qui s’est très mal vendu quand il est sorti. En janvier 1961, il travaille pour Prensa Latina  fondée par Jorge Ricardo Masetti, un proche de Che Guevara. Puis le journaliste est envoyé ainsi que sa famille comme correspondant à New York dans le bureau de l’agence. Après le débarquement de la baie des Cochons du 17 avril 1961, dégouté de l’Amérique raciste notamment envers les Sud-Américains, finit par démissionner pour aller s’installer au Mexique. Lui, sa femme et son fils traversent alors le Sud des États-Unis par bus, afin de découvrir la région américaine qui avait inspiré les écrits de William Faulkner. La vie et l’œuvre de ce géant de la littérature colombienne et mondiale est intimement liée à sa femme et à la presse, qui lui a donné son cachet particulier. Barcha, cette note orientale dans le mystère colombien, lui a probablement donné ces odeurs orientales des Mille et Une Nuits qui ont beaucoup influencé sa littérature, qualifiée de réalisme merveilleux, un peu comme le sont les contes de Shahrazade où mort et joie sont en permanence au rendez-vous.
A.E.T.

Article précédentCovid-19 à Batna : Une initiative pour la prise en charge des malades à domicile
Article suivantREUNION AUJOURD’HUI DE L’OPEP ET SES ALLIÉS : La mission de l’Algérie ou le rôle double de Attar