L’ex-ministre et diplomate de carrière, Abdelaziz Rahabi, a réagi au dernier rapport portant allégations de certaines ONG, qui ont accusé l’Algérie de «rapatriement arbitraire» de migrants subsahariens en situation illégale dans le pays.
Rappelant les rapports de ces mêmes ONG sur l’Algérie pendant les années de terrorisme, il les a qualifiés d’une «expérience amère», affirmant qu’il est aujourd’hui avéré que ces ONG sont à la solde «de services politiques et diplomatiques étrangers». Par contre, Rahabi relève comme réserve «un problème de communication pour le gouvernement», qui, de son avis, n’a pas su exprimer et expliquer pleinement sa position sur ce phénomène. «Nous partageons près de 6500 kilomètres de frontières avec 7 pays dont 5 sont en guerre. Ça vous donne une puissance, une envergure, une masse territoriale, mais aussi des exigences et des obligations», dira Rahabi en guise d’introduction au sujet de la crise migratoire. « C’est que quand vous avez des frontières avec 7 pays, vous devrez protéger et sécuriser 7 frontières parce que vous devez défendre l’intégrité territoriale. Et, aussi, parce que vos voisins ne sont pas en mesure de le faire», a-t-il expliqué. Il faut ajouter que ces frontières font objet de «conflits armés, pauvreté, trafic en tout genre et immigration illégale», a-t-il déclaré davantage avant de rappeler les chiffres récemment révélé par le ministre de l’Intérieur Bedoui évoquant que 500 tentatives d’entrées illégales sont enregistrées chaque jour dans les frontières. «Avec le maintien de ce nombre, on dépasserait, dans 2 ou 3 ans, tous les chiffres de la migration clandestine en Europe. Et cela est un nouveau défi», a prévenu Rahabi, qui a appuyé l’approche gouvernementale selon laquelle la problématique migratoire est étroitement liée à la problématique sécuritaire. Il a expliqué notamment comme il est aujourd’hui «impossible techniquement et matériellement de sécuriser une frontières de 6 500 KM». «Les États-Unis ont des frontière communes de 3 000 KM avec le Mexique, Souligne Rahabi, Et jusqu’à actuellement ils n’ont pas pu régler le problème des migrants clandestins. J’étais ambassadeur en Mexique et j’ai constaté de près ce problème. Ils ont dû ériger un grillage, ils ont tout fait, même installé des ateliers aux frontières pour que les mexicains y travaillent là-bas et retournent chez eux. Rien de tout cela n’a pu résoudre ce problème». Il a affirmé que la migration clandestine est aussi un problème économique : « l’Africain subsaharien se disait : “l’Afrique c’est la misère mais l’immigration c’est la misère plus un espoir, donc je vais essayer de migrer vers le Nord” ». La démographie est qualifiée aussi pour être un facteur aggravant dans l’immigration subsaharienne de fait de cette disproportion entre le niveau de développement (très faible) et le taux de natalité en Afrique (très élevé). « Cela est un très grand problème. Aujourd’hui nous avons en Afrique 1,3 milliards d’habitants. Après 30 ans, selon des études spécialisées, ce chiffre atteindra 2,5 milliards d’africains » a-t-il indiqué. «Avec ce nombre énorme d’habitants avec un taux faible de croissance, la désertification, la corruption et les autres conflits et guerres en Afriques, les migrants subsahariens vont aller où ? Il n’ y a qu’un seul pays de transit et c’est l’Algérie. Donc, à mon avis, l’Algérie deviendra dans 10 à 30 ans la seule porte pour arriver en Europe» a-t-il ajouté. Pour le diplomate de longue carrière, aujourd’hui on est devant de nouvelles formes de risques : dans lesquelles «on ne sait pas l’identité de l’ennemi, donc on ignore non plus avec qui négocier». «Le grand problème qui se pose avec les flux migratoires, c’est que vous n’arriverez pas à identifier les gens qui rentrent chez vous», affirme Rahabi, soulignant que les représentations diplomatiques des pays subsahariens en Algérie sont incapables d’identifier et reconnaître leurs citoyens car elles «manquent énormément de moyens». «Le lien entre le phénomène migratoire et le terrorisme est avéré. Cela n’est pas nouveau et je ne dis pas que les migrants sont responsables des activités terroristes dans la région. Mais dans 30 ans les habitants des pays du sahel seront de 1,9 milliards et cela apportera de nouveaux défis non attendus pour l’Algérie », a-t-il indiqué. « J’ai eu une amère expérience avec ces ONG durant les années de terrorisme. Ces ONG qualifiaient les groupes terroristes de Groupes armés d’opposition politique. Concept qui n’a jamais existé dans l’histoire », a-t-il indiqué. « Beaucoup d’ONG obéissent à des agendas politiques et diplomatiques des États étrangers. Et cela n’est uns secret pour personne. Nous avons vécu cela durant les années de terrorisme. Beaucoup d’ONG ont exercé des pressions sur nous et nous avons découvert que beaucoup d’ONG n’ont pas été contre la violence », a-t-il ajouté.
Hamid Mecheri